Un coin de ciel bleu

Il était parti pour essayer de parlementer avec Lune Noire et obtenir la paix entre les Indiens et l'Armée depuis une semaine et il lui manquait terriblement, comme l'air que l'on respire. Le reverrait-elle bientôt ? Cette question la hantait le jour comme la nuit qu'elle en versait des larmes presque toutes les nuits.
Michaëla avait dû faire face avec courage aux derniers événements. Le jour où elle avait retrouvé Sully entre la vie et la mort n'était pas si loin ! Elle avait été soulagée de le retrouver à temps pour le soigner et de l'avoir sauvé.
Mais cela n'avait été que temporaire. Elle refusait toujours que Sully se rende et affronte la justice. Et c'est pour cela que Sully luttait pour essayer de faire entendre raison à Lune Noire.
S'il y parvenait, peut-être pourrait-il alléger sa future peine ? Mais ils avaient dû se séparer et il lui manquait. En attendant de ses nouvelles, elle tentait de faire comme d'habitude, même si la présence de Matthew chez eux, ainsi que celle de Daniel en ville lui rappelait que rien n'était normal.
Au petit matin, à la maison, elle était donc en train de déjeuner avec les enfants. Tout était calme, même Katie se rendait compte des pensées négatives de sa mère et n'osait pas interrompre ce silence.
La jeune femme était pressée de se rendre en ville pour savoir ce qu'avait donné l'appel qu'elle avait fait avec l'aide du sergent Mac Kay.
Elle transféra les plats vers l'évier, mais, dans sa précipitation, elle laissa tomber quelque chose par terre.
Elle ressentit à nouveau ce malaise familier qu'elle éprouvait depuis le départ de Sully, et qu'elle avait réussi à dissimuler aux enfants.
Cette fois-ci fut différente, car elle perdit l'équilibre et Matthew s'en aperçut. Il la rattrapa de justesse et elle ne put pas se dérober à sa question.

« Ça va, docteur Mike ? »
« Oui, ce n'est rien, Matthew, juste un peu de fatigue. »
« Ce n'est pas la première fois que ça vous arrive ces derniers temps. Vous feriez mieux de consulter le Docteur Cook. »
« Tout va bien, Matthew. »
Elle vit à son regard qu'il n'était pas convaincu par ses paroles et qu'il était inquiet pour elle. De plus, il avait remarqué ses précédents malaises, alors qu'elle pensait qu'elle avait su les cacher.
Elle ne voulait écouter personne, ni ses enfants, ni ses amies. Elle s'était pourtant aperçu du retard de ses règles mais ne voulait pas croire à une nouvelle grossesse.
Ce n'était pas le moment de porter la vie. Elle voulait continuer à lutter pour obtenir la liberté de son mari et elle savait que cela deviendrait difficile si elle attendait un bébé.
Dans un coin de sa tête, elle se disait que ce n'était pas possible qu'elle soit enceinte, qu'elle avait juste du retard parce qu'elle s'inquiétait pour Sully.
Elle sourit à Matthew et alla faire la vaisselle.
Après ce déjeuner tendu et plein d'inquiétude, ils se rendirent en ville. Michaëla avait enfin la paix concernant ses malaises. Elle en oubliait les visites quotidiennes de Dorothy depuis qu'elle savait que Sully était parti, ainsi que la compassion de Grace.
En secouant la tête après avoir été chez Horace et avoir découvert qu'elle n'avait pas encore de réponses, elle se rendit à la clinique pour travailler.
Ces derniers temps, cela lui permettait de prendre du recul et de penser à autre chose. Il y avait bien sûr la présence de Katie qui lui rappelait tout le combat qu'elle devait mener mais la petite fille lui apportait aussi l'amour dont elle avait terriblement besoin.
Michaëla se croyait tranquille pendant qu'elle travaillait alors qu'elle était aussi sous surveillance à ce moment-là. Dorothy ne manquait pas de lui rendre visite pour voir comment elle allait ou pour l'inviter à déjeuner avec elle.
La journaliste n'avait pas pu s'empêcher de s'inquiéter pour sa meilleure amie, sauf que jusque-là, elle n'avait pas posé de questions sur sa santé, de peur de se faire remettre à sa place.
Perdue dans ses pensées et incapable de penser à autre chose qu'à son mari, Michaëla ne se rendit pas compte de l'heure qui passait, ni du peu de personnes qui étaient venues la consulter en tant que médecin.
Elle finit par s'endormir comme une masse peu avant l'heure à laquelle Dorothy venait toujours la voir. Ce fut donc ainsi que la trouva la journaliste, qui posa une main sur ses épaules et qui la réveilla en sursaut.
« Vous allez bien, Michaëla ? »
« Je n'ai pas très bien dormi, cette nuit. »
« Vous n'avez pas l'air de bonne humeur. J'espérais juste pouvoir déjeuner en votre compagnie. Il faut que vous mangiez quelque chose. »
« Pourquoi vous occupez-vous autant de moi ?! »
« Michaëla, vous êtes mon amie et je suis inquiète pour vous. Que vous l'avouiez ou non, vous avez besoin d'une présence amicale et vous ne réussirez jamais à m'éloigner de vous alors que vous avez besoin de mes conseils. »
« Je ne veux pas que vous vous inquiétez pour moi, Dorothy, je vais bien. Je suis encore capable de me débrouiller par moi-même. »
« La situation que vous vivez n'est pas facile et vous avez besoin de soutien et aussi de manger, alors vous allez me suivre et me dire ce qui ne va pas. »
Sans aucune explication, les larmes se mirent à couler sur les joues de Michaëla, des larmes de tristesse.
Dorothy ne pensait pas que son amie aurait cette réaction-là mais elle se rapprocha d'elle et elle la prit dans ses bras pour la réconforter.
Il était clair que Michaëla faisait semblant d'être forte devant les enfants et même les habitants mais toutes ces barricades s'effondraient devant moi.
« Qu'y-a-t-il, Michaëla, vous pouvez m'en parler si vous le souhaitez ? »
« Je n'ai pas de nouvelles de Sully, je ne sais même pas si lui et Nuage Dansant son arrivés ou pas dans les Territoires du Nord. »
« Si quelque chose leur était arrivé, Michaëla, nous le saurions. Je suis abonnée à plusieurs journaux des villes alentours, cette nouvelle leur serait parvenue. »
« Je suppose que oui. »
« Mais vous n'êtes pas convaincue. Écoutez-moi, Michaëla, Sully et Nuage Dansant, j'en suis sûre, ont pris toutes les précautions durant ce voyage et au moment où je vous parle, ils sont en train d'essayer de faire entendre raison à Lune Noire. »
Les larmes de Michaëla s'apaisèrent un peu, même si elle n'était pas entièrement confiante.
« Maintenant, vous allez me faire le plaisir de me suivre pour déjeuner en ma compagnie. Vous avez besoin de compagnie pour déjeuner vous changer les idées et je compte bien y parvenir ! »
L'hypersensibilité, ainsi que les nausées, les vertiges et la fatigue de Michaëla faisaient un chemin dans la tête de Dorothy.
En analysant tous ses symptômes qu'elle avait elle-même constate, ou qu'on lui avait rapporté – les enfants notamment – elle en venait à penser que sa meilleure amie était peut-être en train de porter la vie.
Sully rouvrit les yeux après avoir eu une vision qui le troublait au plus haut point. Cela ne faisait-il que quelques jours qu'il avait dû quitter sa famille ?
Lui et Nuage Dansant avaient entrepris pour aller dans les Territoires du Nord pour essayer de convaincre Lune Noire, le chef des Renégats, d'arrêter les combats contre les Blancs. Tous deux savaient que cela ne serait pas facile pour eux d'y parvenir.
Sully s'était isolé, comme il le faisait souvent pour réfléchir à son avenir rempli, pour l'instant, de nuages menaçants.
Il avait l'impression que rien ne pourrait racheter ce qu'il avait fait et il ne pouvait pas revenir en arrière.
Il avait un besoin de parler à Michaëla qu'il ne pouvait pas expliquer car il avait l'impression qu'elle avait besoin de lui.
Il reviendrait auprès d'elle au plus vite possible pour la soutenir dans l'épreuve qu'il lui faisait traverser. Il n'avait pas pensé une seule seconde que son geste aurait ses conséquences. Il attrapa un collier qu'il avait autour de lui que son épouse lui avait donné au dernier moment. Dedans, elle avait mis une photo d'elle et de leur fille.
Il ouvrit et les regarda. Elles leur manquaient terriblement. Il n'avait pas les moyens de lui parler directement et cela lui pesait horriblement.
Son cœur était soumis à rudes épreuves. Quand Nuage Dansant lui avait proposé de l'accompagner dans les Territoires du Nord, il avait hésité mais il devait penser que cela lui permettrait de se faire oublier de l'Armée.
Michaëla n'avait pas fait un seul geste ni eu un seul mot pour essayer de le retenir.
Elle avait accepté cette décision avec courage tout en espérant qu'il reviendrait vite auprès d'elle.
Peut-être y avait eu du soulagement car il savait qu'elle s'inquiétait quotidiennement à son sujet.
Et elle avait de quoi !
Plus d'une fois, il s'était caché pour échapper à l'Armée et il aurait encore à le faire à son retour mais il ne pouvait et ne voulait pas rester trop de temps éloigné d'elle.
Il avait su voir, durant ce court moment dans l'église avant son départ, sa tristesse. Il n'avait pas le moyen de le réconforter. S'il trouvait une solution pour pouvoir la retrouver, il n'hésiterait pas, mais il savait que l'Armée n'accepterait pas de régler son sort avant celui des Indiens.
« Je t'aime, Michaëla, pardonnes-moi. »
Combien avait-il passé de temps à répéter cette phrase sans jamais avoir la solution ? Combien de temps allait-il continuer à être séparé de sa femme ?
La vision qu'il venait d'avoir était celle de Michaëla qui pleurait dans les bras de Dorothy et il savait que cette vision était réelle.
Nuage Dansant observait son frère Blanc de loin et il put voir la détresse de ce dernier. Il ne savait pas s'il devait aller vers lui ou pas.
Sully avait certainement un peu besoin de soutien mais il n'était pas sûr de pouvoir lui apporter.
Néanmoins, il tentait de parler le plus possible avec lui et ce fut encore le cas.
« Tout va bien, Sully ? »
« Oui. »
« Je sais que tu as hâte d'être auprès de ta famille. Si tu veux partir plus tôt, je comprendrais. »
Sully savait que Nuage Dansant ne lui en dirait pas plus sur cette vision des Esprits avant d'en être sûr. Il ne savait pas comment son frère pouvait être aussi positif alors que la situation était plus que dramatique.
Leur avenir était couvert et il n'était pas prêt de se découvrir. Tous deux étaient recherchés et une prime était donnée pour leur capture mort ou vif.
Nuage Dansant s'éloigna de Sully pour le laisser réfléchir à ses paroles sages. Il devait prendre du temps.
Le Cheyenne avait presque eu envie de dévoiler ce que les Esprits lui avaient fait voir mais il savait que ce n'était pas à lui de le faire.
La réaction de Sully avait pu lui attirer des ennuis et le faire partir plus vite que prévu les Terres du Nord. Tant qu'il était là, il ne risquait rien de la part de l'Armée mais qu'en serait-il à son retour ?
Sully savait qu'il n'était pas à l'abri, tout comme Nuage Dansant savait que son ami se mettrait en danger pour revoir sa femme.
Il était toujours perdu dans ses pensées et l'Homme Médecine attendait d'avoir une autre vision pour être sûr.
Quand à Sully, il attendait aussi un signe pour savoir jusqu'à quand il devrait rester dans cet endroit si loin de chez lui et qui appartenait aux Cheyennes.
Être auprès de Lune Noire et de son peuple, qui avait rejoint les autres Indiens, lui permettait d'oublier les soucis permanents qu'il se faisait pour sa famille.
Il se rappelait bien trop du jour où Hank et Jake l'avaient vus dans la forêt et où toute la ville de Colorado Springs avait su qu'il était vivant. Il se voyait le regard de Michaëla quand elle était venue après cette découverte.
Après avoir cherché le soutien et l'avoir reçu de la part de son amie, Michaëla se sentait vidée mais en meilleur état que quand elle était arrivée à la clinique.
En fermant les yeux, elle avait cru apercevoir son mari assis tranquillement avec un regard amoureux qui lui était destiné. En plus du soutien de sa meilleure amie, ce regard lui donnait une toute autre sorte de force. Elle s'en voulait même d'avoir laissé couler ses larmes.
Dorothy dut sentir que son amie voulait s'excuser et elle lui dit :
« Vous n'avez pas besoin de vous excuser de quoi que ce soit. Je crois que vous avez besoin de compagnie. Vous êtes trop seule ! »
« Les enfants sont avec moi la plupart du temps ! »
« Vous savez de quoi je veux parler. Vous allez maintenant me faire le plaisir de me suivre et de manger avec moi chez Grace. Et n'essayez pas de vous défiler ! »
« C'est très gentil de votre part, Dorothy, mais je n'ai pas très faim ces derniers temps. »
« Mais vous allez avaler quelque chose quand même. Sully va bien. Vous aurez bientôt de ses nouvelles. »
« Je ne vois pas comment il pouvait me les faire parvenir. »
« Ne vous rendez pas malade. Sully veut que vous continuiez à vivre normalement. »
« Il me manque déjà, Dorothy, et je ne peux le dire à personne. Dès que j'en parle à la maison, les enfants lancent un autre sujet de conversation. Katie, elle, n'arrête pas de réclamer son papa. »
« Je sais que c'est dur pour vous, Michaëla. Venez maintenant, vous devez absolument manger. »
Sans attendre que Michaëla trouver un autre moyen de se défiler, Dorothy l'obligea à se lever et elles se dirigèrent vers le restaurant de Grace.
La propriétaire les accueillit avec un sourire de bienvenue, tout en sondant rapidement le regard de la journaliste pour savoir comment allait leur amie commune.
Elle s'échappa dès qu'elle put pour les rejoindre et leur proposer le plat du jour.
« Non, pas pour moi, Grace, je prendrai simplement une part de tarte aux pommes. »
« Michaëla, vous n'allez pas recommencer. Il faut vous nourrir convenablement et ce ne sera pas le cas avec de la tarte aux pommes. »
« Je vous emmène le plat du jour. » Décida Grace.
Sans attendre de réponses, elle alla chercher les assiettes et les mit devant chacune de ses amies avant de s'asseoir avec elles.
Le Docteur Mike était vraiment très pale et elle avait les yeux cernés.
Ce n'était pas la première fois qu'elle remarquait l'état peu habituel du médecin de la ville et elle commençait à avoir une idée de la cause de cet état.
Michaëla avait évité jusque-là de regarder son plat mais quand elle y jeta un coup d’œil, elle fut prise de nausées et se demanda comment elle allait pouvoir rassurer ses deux amies évidemment inquiètes pour elle.
« Michaëla, vous êtes que vous allez bien ? »
« Rien de grave, ne vous inquiétez pas. »
« Je vous trouve endormie à votre bureau, vous faites des malaises – les enfants m'en ont parlé – et vous avez des nausées, ce n'est pas normal, sauf si ... »
« Sauf si quoi, Dorothy ? Je me sens un peu barbouillée aujourd'hui. »
« Aujourd'hui, Docteur Mike ? Intervint Grace. Il me semble que cela vous arrive souvent ces derniers temps. »
« Michaëla, est-ce, par hasard, vous ne seriez pas ... » S'interrompit Dorothy de peur de faire pleurer son amie.
« Est-ce que je ne serai pas quoi ? » S'impatienta Michaëla.
« Vous avez des nausées, des malaises et je vous ai trouvée endormie. Quel diagnostic faites-vous, docteur ? »
« Non, ce n'est pas possible. » Dit la jeune femme en réalisant de quoi son amie parlait.
« Apparemment, ça a l'air d'être possible. Vous avez eu vos règles, docteur Mike ? » Demanda Grace.
« Non, mais cela ne veut rien dire, les situations de stress peuvent dérégler ce genre de choses. »
« Si vous voulez mon avis, vous feriez bien de consulter. »
« Consulter ? »
« Oui, le docteur Cook, par exemple. »
« Je n'ai pas besoin de voir Andrew. Je vous dis que je ne peux pas être enceinte. Ce n'est pas possible. »
« Quel est votre retard, Michaëla ? » Demanda Dorothy, s'incluant à nouveau dans la conversation car elle était de plus en plus convaincue qu'elle et Grace avaient raison.
« Trois mois, je crois. »
« Trois mois et vous ne vous posez pas de questions ! »
« Pas forcément. Sully a traversé un tel moment difficile en ce moment que j'ai pensé que mon retard était dû à cela. »
« Vous n'êtes pas raisonnable, Michaëla. Je comprends que les enfants s'inquiètent pour vous. »
« Ils vous en ont parlé ? »
« Matthew est venu me voir hier. Il n'arrive pas à vous parler directement, mais il m'a demandé de prendre soin de vous. »
« Je suis encore grande pour m'occuper de moi que je sache ! »
« Ne vous alarmez pas, Michaëla. Ce sont vos enfants ! Il est normal qu'ils s'inquiètent pour vous. »
La jeune femme parut horrifiée de la situation.
Avec ses malaises et ses nausées, elle avait réussi à inquiéter les siens et à les alarmer. Elle n'en revenait pas ! Elle n'était cependant pas prête à faire vérifier ses soupçons et ceux de ses amies.
Elle se leva après avoir avalé difficilement son repas et fut à nouveau prise de nausées et de vertiges. Elle dut se rasseoir précipitamment sous les regards inquiets de ses amies.
« Que nous ayons raison ou tort, Michaëla, vous devriez vraiment consulter Andrew. »
Après avoir respiré un grand coup, elle se releva avec plus de prudence et se dirigea vers la clinique.
Avant qu'elle ne puisse s'enfermer, Dorothy réussit à la rattraper et sut lui dire les mots justes.
« Si Sully était là, il serait aussi inquiet que nous à votre sujet et saurait vous convaincre de consulter un médecin. Il n'est pas là, alors je me permets d'insister. »
« Si ça ne va pas mieux dans quelques jours, j'irai voir Andrew. »
Sachant que c'est la seule chose qu'elle obtiendrait de sa meilleure amie, Dorothy acquiesça et la laissa seule.
Michaëla se sentit soulagée d'avoir réussi à se « débarrasser » de Dorothy mais elle savait que son amie n'en avait pas fini pour autant.
Elle avait envie que tout s'arrête : les nausées, les vertiges et la fatigue, afin qu'on cesse de lui poser des questions. Pourtant, une partie d'elle n'avait pas envie que cela cesse. Si le moment était mal choisi pour mener cette grossesse à terme, elle avait pourtant que envie que ce bonheur lui soit à nouveau accordé.
Même si elle ne savait pas quelle serait la réaction de Sully face à une telle annonce. Si elle s'avérait être enceinte, cela lui ferait quelque chose à laquelle se raccrocher.
Michaëla hésitait tout de même à consulter Andrew, car elle avait peur qu'il ne découvre pas ce qu'elle croyait. Elle ne voulait pas être déçue par le résultat.
La seule chose de positive était qu'elle continuait à ressentir des malaises et des nausées tous les matins. Ses amies essayaient de lui faire entendre raison sans résultat. Elle en finissait par les fuir pour la voir.
La compassion dont elles faisaient preuve commençait à l'énerver au plus haut point.
Michaëla aurait tellement voulu avoir des nouvelles de Sully et savait où il en était de ses tractations avec Lune Noire. Elle connaissait assez son mari et Nuage Dansant pour savoir qu'ils sauraient utiliser tous les arguments nécessaires pour parvenir à faire entendre la voix de la raison de Lune Noire.
La jeune femme en était venue à se convaincre que si quelque chose de mauvais se passait, elle le saurait vite.
Cela faisait une semaine que ses amies lui avaient parlé pour essayer de la convaincre de consulter et qu'elle ignorait leurs remarques quotidiennes.
Et pourtant, elle comprenait ses amies mais elle avait besoin de savoir comment allait Sully.
Son cœur battait à mille allure car elle savait qu'étant donné la situation, Sully ne pouvait pas la prévenir. Elle devait aussi faire face aux questions de l'Armée.
Elle n'en voulait pas à Mac Kay car elle savait que c'était un homme d'honneur et il l'aidait du mieux qu'il le pouvait en lui apportant son soutien. Mais l'Armée était toujours présente autour de la maison.
Elle en venait à être rassurée sur le sort de son mari. Tant qu'il serait loin, l'Armée ne pouvait pas lui mettre la main dessus.
Elle se secoua, elle devait arrêter de ressasser ça tout le temps surtout quand elle se trouvait à la clinique et qu'elle devait remettre les dossiers de ses patients à jour.
Elle avait pourtant l'esprit ailleurs ! Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle nota quelque chose sur le dossier qu'elle avait sur son bureau et se leva pour aller à l'étage. En se levant ce matin, elle n'avait pas pu se résoudre à laisser Katie chez Dorothy, ou avec Becky, car elle avait besoin de la présence de sa fille auprès d'elle.
Katie se trouvait donc avec elle à la clinique et elle venait certainement de se réveiller de sa sieste.
Elle entra dans la chambre et prit sa fille dans ses bras. Elle enviait sa confiance et son âge. Katie semblait inconsciente de l'absence de son père quand elle se mettait à babiller et à parler dans son langage de bébé.
Pourtant, sa fille, de temps en temps, marchait jusqu'à la fenêtre de la cuisine – qu'elle ne pouvait pas atteindre – quand elles étaient à la maison et disait « papa ».
Michaëla embrassa Katie sur le front et la prit avec elle dans la salle de consultation pour la poser dans un coin afin qu'elle joue avec les jouets fabriqués par son père. Ce fut à ce moment-là qu'on frappa à la porte.
Michaëla leva la tête vers la pendule et soupira quand elle se rendit compte de l'heure qu'il était. Il devait encore s'agir de Dorothy. Elle soupira encore une fois quand elle vit son amie passer la tête par la porte.
« Vous n'avez pas de patients à cette heure-ci, Michaëla ? »
Cette question ressemblait plus à une affirmation.
« C'est plutôt calme aujourd'hui. Peut-être que mes patients ont été voir Andrew. »
« Vous savez que ce n'est pas le cas même si je vous avouerai que je suis heureuse de vous voir assise sans trop en faire.
« Qu'est-ce que vous voulez encore me dire, Dorothy ? Seriez-vous à l'origine de mon ennui ? »
« Non, Michaëla. Je ne suis pas la seule à m'inquiéter pour vous. Tout le monde a remarqué votre état plus que dramatique. »
« Je vais bien, Dorothy. »
« Vous m'avez déjà dit ça il y a une semaine et vous n'avez pas réussi à me convaincre. Avez-vous réfléchi depuis notre précédente conversation ? »
« A propos de quoi ? »
« Vous savez très bien de quoi je parle, Michaëla. Êtes-vous toujours malade ? »
« Oui, encore, mais ce n'est certainement que passager. »
« Vous ne me ferez pas croire cela. Je crois que vous feriez mieux de consulter Andrew sans tarder. »
« Je n'ai pas besoin d'aller le voir. Je suis encore capable de savoir si je suis enceinte ou pas et je vous dis que c'est impossible. »
« Ce n'est pas impossible. Je ne vais pas vous faire un dessin, Michaëla, mais est-ce que vous avez été avec votre mari il y a trois mois environ ? »
« Oui, nous avons fait l'amour il y a presque trois mois mais ce n'est pas possible. »
« Si c'est possible. Je crois que vos enfants ont besoin d'être rassurés. »
« Ils ne sont plus inquiets mais sont à mes petits soins, surtout Matthew. »
« Il a peut-être deviné. »
Juste au moment où elles parlaient de lui, Matthew frappa à la porte.
Quand il entendit « Entrez », il entra et vit que Dorothy se trouvait avec sa mère.
« Je suis désolé de vous déranger, maman. »
« Qu'y-a-t-il, Matthew ? Tu as des nouvelles de Sully ou du sergent Mac Kay ? »
« Non. Je suis venu vous chercher. Vous devez rentrer à la maison comme promis. Vous devez absolument vous reposer. »
« Matthew ! » Commença à protester Michaëla.
Dorothy regarda le jeune homme et sut qu'il allait s'occuper de sa mère avec tendresse. Il avait apparemment dû user de toute son influence auprès de sa meilleure amie pour y parvenir.
Ce fut à cet instant-là que Katie dit encore une fois « papa ». Ce seul mot suffit à faire monter les larmes aux yeux de Michaëla qui se leva précipitamment pour aller chercher sa fille.
Ainsi, elle pensait arriver à cacher ses larmes. Dorothy et Matthew ne furent pas dupes.
Aucun d'eux n'avait les moyens de faire revenir Sully plus vite ou de le prévenir de l'état de Michaëla.
Ils pouvaient seulement la soutenir du mieux qu'il le pouvait en attendant son retour.
Dorothy et Matthew échangèrent un regard entendu. Matthew alla tout de suite attraper sa petite sœur dans ses bras.
« Venez maman. Rentrons à la maison. »
Michaëla se retint de protester et suivit assez docilement son fils. Dorothy en fut rassurée. Elle secoua la tête puis se décida à venir gentiment harceler son amie jusqu'à ce qu'elle l'écoute et aille voir Andrew. Michaëla avait plus que besoin de savoir qu'elle était enceinte.
En rentrant chez elle, Michaëla avait enfin le temps de s'examiner. Elle savait qu'elle ne pouvait plus faire semblant et qu'elle ne pouvait pas continuer ainsi.
Elle s'était enfin décidée, elle irait voir Andrew le lendemain. Grace et Dorothy seraient heureuses de la voir revenue à de meilleurs sentiments.
Chose étrange, Matthew avait réussi à la faire asseoir sans bouger. Après son retrait dans la chambre, elle avait comme un besoin de se retrouver près de sa fille. Cette dernière ne la lâchait pas d'une semelle depuis qu'elle était descendue.
Michaëla était rêveuse, elle pensait aux conséquences de la découverte d'une grossesse dans la famille. Elle ne savait pas ce qu'elle devait éprouver.
Elle n'avait pas de confirmation mais elle était presque sûre de porter l'enfant de Sully.
L'enfant de Sully ! Ils souhaitaient un autre enfant tous les deux, ce n'était peut-être pas le moment mais elle avait envie de sourire.
Cet enfant allait leur donner la force de se battre, elle en était persuadée !
Elle fut tirée de sa rêverie par Matthew qui lui parlait.
« Vous devriez aller vous reposer, vous m'avez promise de le faire. Il est tard et vous devez dormir. »
« Je ne vais pas tarder à y aller. Tu restes ici cette nuit ? »
« Je dormirais dans la grange. Mais si vous voulez, je peux m'occuper de Katie. »
« Non, ça ira, je vais la mettre au lit moi-même. »
Matthew partit vers la grange après lui avoir dit au revoir, tout en faisant un clin d’œil à Brian, qui acquiesça. Le jeune garçon se leva et prit Katie avec lui.
« Je vais m'occuper de Katie, maman. Tu peux aller te coucher. »
Michaëla sut rien qu'en l'écoutant qu'elle n'arriverait pas à l'en dissuader, alors elle l'embrassa sur la joue et monta.
Premièrement, elle trouvait la chambre vide. C'était souvent ces derniers temps que Katie dormait près d'elle.
Deuxièmement, elle aurait aimé que Sully soit là pour lui annoncer la venue de ce nouvel enfant. Elle enfila sa chemise de nuit et prit sa brosse à cheveux. Des larmes de nostalgie se détachèrent de ses yeux quand elle se rappela que Sully aimait brosser ses cheveux le soir.
Elle aurait tellement aimé retrouver ce geste qui lui manquait terriblement. Elle se dirigea ensuite vers le lit.
Là aussi, le vide était trop visible. Elle prit l'oreiller de Sully et le mit à la place du sien. Elle enfouit son visage dedans. Elle arrivait presque à se convaincre que son odeur était encore présente sur le tissu. Elle avait besoin de son odeur.
Elle se remit sur son dos et posa les mains sur son ventre. Elle se mit à avoir peur. Et si ce bébé n'existait pas.
Si, il existait. Il ne pouvait pas en être autrement. Elle ne ressentait pas toutes ces nausées pour rien. Elle espérait juste que ce bébé était bien accroché.
Il lui serait difficile de se reposer dans les mois à venir car elle ne voulait pas abandonner son combat comme ça, sans raison.
« Ton papa va bientôt rentrer. Il sera content de ta venue. »
Par cette phrase, Michaëla essayait plus de se convaincre elle-même que son bébé. Elle n'avait pas prévu de tomber enceinte maintenant mais elle donnerait toutes les chances à ce bébé de venir au monde et elle savait qu'elle pourrait compter sur le soutien de ses proches.
La nuit fut assez courte. Michaëla n'avait pas très bien dormi. En se levant, elle avait été prise de nausées, comme chaque matin.
Même si elle essayait de comprendre pourquoi elle était encore malade alors qu'elle avait passé le stade du troisième mois. Et si cela était anormal ?
Elle en venait à craindre pour le bébé. Sa décision de la veille était prise et elle n'y reviendrait pas dessus.
Matthew voulait l'accompagner jusqu'au Château des Sources mais Michaëla avait été ferme et avait refusé. Le jeune homme avait paru accepter sa décision facilement. Auprès d'Andrew, elle ne pouvait pas risquer grand chose.
Ce fut donc avec une impatience certaine qu'elle se rendit au Château. Elle arriva devant un Preston interloqué de la voir ici et qui faillit lui faire rebrousser chemin. Mais elle tenait à savoir si tout allait bien et elle devait faire abstraction de Preston et de toutes ses remarques.
Elle frappa faiblement à la porte du cabinet de son confrère et ami avant de faire demi-tour mais la porte s'ouvrit et elle ne put plus reculer. Elle allait savoir.
« Bonjour, Michaëla. »
« Bonjour, Andrew. »
« Qu'est-ce qui vous emmène ici ? Entrez et mettez-vous à l'aise. »
« J'ai besoin que vous confirmiez une grossesse. »
« N'en avez-vous pas confirmer des centaines. »
« Je voulais parler de la mienne. »
Andrew se sentit embarrassée d'avoir examiner sa consœur mais son attitude professionnelle reprit le dessus. Il n'eut pas besoin de lui demander de se déshabiller, ni de s'installer sur la table de consultation.
Après avoir trouvé la réponse à sa question en un temps record, Andrew la laissa se rhabiller et attendit qu'elle le rejoigne pour commencer à lui parler.
« Michaëla, vous aviez raison, vous êtes enceinte et d'un peu plus de trois mois, je dirai. »
« Est-ce que tout va bien ? J'ai encore des nausées de temps en temps. »
« Votre situation peut créer les nausées. Même si cela ne sera pas facile, essayez de relativiser. Reposez-vous au maximum et à la moindre douleur, venez me voir. »
Cette mise en garde ne lui plut pas. Elle pensait qu'Andrew lui cachait quelque chose.
« Y-a-t-il quelque chose ? J'ai l'impression que vous me cacher quelque chose. »
« Je vous assure que non. Votre bébé semble en parfaite santé. C'est plutôt pour vous que je suis inquiet. Vous êtes très épuisée, alors tâchez de vous reposer et de manger convenablement et ce n'est pas un conseil mais un ordre. »
Michaëla n'aimait pas le ton que prenait la discussion mais elle devait bien reconnaître qu'Andrew n'avait pas tort. Si Sully était là, il lui avait dit d'écouter les conseils de son confrère. Colleen allait bientôt rentrer, elle pourrait lui confier la clinique de temps à autre et elle avait compris à demi-mot qu'Andrew s'en occuperait aussi.
Elle posa la main sur son ventre et se rendit compte qu'elle souhaitait que cet enfant vienne au monde. Elle voulait pouvoir avoir l'occasion d'annoncer sa venue prochaine à Sully. Elle monta dans le chariot d'apprendre cette merveilleuse nouvelle. Quand à Matthew et Brian, ils n'avaient pas arrêter de veiller sur elle maintenant.
« Vous feriez bien de vous reposer un peu, Michaëla. Vous en avez besoin. Tous vos patients éventuels peuvent se diriger vers la clinique du Château des Sources. »
Michaëla n'aimait pas laisser ses patients se débrouiller mais elle voulait aussi suivre les conseils de son confrère pour le bébé.
Elle devait reconnaître qu'elle avait besoin de repos.
« Au revoir, » dit Michaëla en se dirigeant vers la porte de la clinique, poussant ses amies à sortir en même temps qu'elle.
Pourtant, Grace et Dorothy la connaissaient assez bien pour savoir qu'elle leur cachait quelque chose. Elle ne leur dirait pas à elles. Elle était visiblement inquiète.
Grace et Dorothy se donnaient la mission de veiller sur leur amie commune et de s'occuper un peu plus de ses enfants, si besoin était.
Michaëla avait besoin d'être seule chez elle pour réfléchir à ce que cette situation pouvait encore de bon ou de mauvais. Elle se sentait fatiguée, incroyablement fatiguée. Andrew avait peut-être raison, elle devait prendre soin d'elle.
Quand elle arriva chez elle, après avoir pris soin d’Éclair, elle monta se coucher. Elle devait dormir à tout prix et arrêter de se poser trop de questions sur Sully. Elle avait confiance en lui, il savait se mettre à l'abri.
Elle choisit de mettre tous ses soucis de côté et de penser au bébé. Heureusement, les enfants étaient en ville et Katie était avec Dorothy car celle-ci avait insisté. Elle pouvait dormir tranquillement sans se soucier d'autre chose.
Elle se réveilla complètement désorientée. Elle ne savait pas quelle heure il était et elle se souvint que les enfants n'allaient pas tarder à rentrer. Elle devait avoir dormi assez longtemps et elle se sentait un peu reposée, pourtant elle n'avait aucune envie de se lever.
Elle avait peur de se lever et d'être encore malade, comme à chaque fois qu'elle sortait du lit. Elle n'eut pas d'autre choix quand elle entendit la porte se fermer au rez-de-chaussée car elle ne voulait pas que les enfants la trouvent au lit, même s'ils l'auraient accepté facilement.
Les babillements de Katie s'entendaient parfaitement à l'étage. Michaëla enfila rapidement sa robe de chambre, sortit du lit et descendit les escaliers.
Dès qu'elle la vit, Katie courut pour se jeter dans ses bras. Encore instable et un peu nauséeuse, Michaëla préféra se mettre à sa hauteur pour la prendre contre elle.
Katie n'y prêta pas attention, elle enroula ses bras autour du cou de sa maman et attendit qu'elle lui donne un baiser.
Matthew comprit rien qu'en la voyant que « sa mère » n'était pas encore au top de sa forme et qu'elle avait quelque chose à leur annoncer.
Matthew réussit tant bien que mal à défaire Katie des bras de sa mère, puis la prit par la taille pour l'emmener vers la table.
Michaëla regarda son fils mais s'abstint de protester. Elle le connaissait assez pour savoir qu'il n'allait pas l'écouter.
Brian vint les rejoindre pour écouter la conversation. Katie, elle, alla sagement s'asseoir et jouer, comme si elle avait compris que l'heure était grave.
Matthew prit la parole en premier.
« Vous vous sentez bien ? »
« Oui, tout va bien. Cependant, j'ai quelque chose à vous annoncer. »
« Maman, est-ce que tu te sens bien ? Matthew et moi nous avons remarqué que tu étais malade, qu'est-ce qu'il se passe ? »
« Je suis enceinte. »
Elle les regarda l'un après l'autre, se demandant s'ils avaient compris ce qu'elle leur disait.
« Je vais avoir un bébé. J'espère que vous supporterez encore quelques cris et pleurs d'enfants. »
« Bien sûr que oui. C'est une merveilleuse nouvelle, maman. C'est pour cela que vous faites des malaises ? »
« Oui, c'est pour cela. »
« Que vous a dit le Docteur Cook ? »
« Je suis enceinte d'un peu plus de trois mois et tout semble se passer au mieux. »
« Je suis content de l'entendre. » Répondit Matthew, pas certain que sa mère leur ait dit la totale vérité. Il n'allait pas relâcher sa vigilance.
Brian et Matthew avaient hâte que Sully soit de retour et qu'il apprenne la nouvelle. Ils enverraient aussi un télégramme à Colleen pour la prévenir.
Il fallait qu'elle soit au courant mais Matthew savait qu'il y avait deux soutiens en ville.
Après le repas, Matthew et Brian réussirent à convaincre leur mère de monter se coucher.
Convaincue par leur entêtement respectif, Michaëla sut qu'elle n'avait pas à s'inquiéter pour Katie et qu'elle pouvait se reposer.
Elle espérait avoir un garçon, elle se le représentait déjà à l'image même de son père.
« Oh, Sully, si seulement tu étais là. »
Comme s'il avait entendu la supplique de sa femme, Sully, sur le point de trouver le sommeil, se leva en sursaut.
Il avait entendu son épouse dire « Oh, Sully, si seulement tu étais là. » Il l'avait entendu clairement.
Les discussions que Nuage Dansant et lui avaient eu avec Lune Noire n'aboutissait à rien. Il avait envie de rentrer à la maison. Michaëla avait besoin de lui, il le savait. S'il le pouvait, il partirait au plus tôt. Sa famille lui manquait terriblement.
Nuage Dansant lui disait de rentrer auprès d'elle, il en venait à être d'accord avec lui.
« Michaëla ! Je vais bientôt rentrer. »
Il sortit de sa tente. Il savait maintenant que le sommeil aurait du mal à venir. Il avait pensé enfin pouvoir y parvenir cette nuit mais le fait d'avoir entendu sa femme l'avait troublé.
Que se passait-il à Colorado Springs en son absence ?
Il se doutait bien de la réaction de certains d'entre eux. Il se rappelait de celle de Jake et de Hank le jour où ils l'avaient vu vivant.
Michaëla faisait tout pour le faire passer pour mort et Hank et Jake l'avaient vu à ce moment-là. Il imaginait très bien la réaction de Michaëla quand ils étaient revenus en ville. Il l'avait bien compris quand elle était venue le voir peu de temps après.
Cette nuit-là, il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir la prendre dans ses bras, pour poser un baiser sur son front, pour l'embrasser.
Il avait besoin d'elle, comme de l'air qu'il respirait …
Nuage Dansant était en train de s'adresser aux Esprits quand il vit passer son frère blanc.

 
Cette menace pesait toujours sur lui. Il savait bien que l'Armée n'allait pas le lâcher comme ça.
« Si seulement. » Dit Sully à lui-même.
Nuage Dansant s'était éloigné de son frère. Il ne savait pas trop quoi dire pour le réconforter. La nuit fut courte et agitée pour le jeune homme et il se réveilla aux aurores pour aller se promener en solitaire, sous le regard amical de Nuage Dansant.
L'Homme Médecine devait à nouveau déculpabiliser son ami afin qu'il prenne enfin la décision de rentrer auprès de Michaëla.
Bien sûr, Sully ne pouvait pas rester auprès de sa femme aux yeux de tout le monde mais il pourrait mieux se tenir au courant de la santé de sa famille.
Sully pouvait compter sur le soutien de Daniel et de Matthew, car tous les deux œuvraient pour l'aider. La promenade fit du bien au jeune homme, même si tout sourire était absent de son visage. Nuage Dansant alla tout de juste aux devants de son frère pour avoir une discussion sérieuse.
« Comment vas-tu aujourd'hui ? »
« Pourquoi tu me poses cette question, Nuage Dansant, tu sais très bien comment je vais ! Tu me connais mieux que n'importe qui. »
« Justement, je peux te dire que tu es encore inquiet. Écoutes-moi, Sully, tu ne peux pas rester dans cet état-là plus longtemps. »
Sully se tut et s'apprêta à partir avant que quelque chose dans le regard de l'Homme Médecine ne l'en dissuade.
« Je sais à quel point ta famille te manque, Sully ! »
Le jeune homme fut embarrassé par la perspicacité de son ami et ne dit mot pour voir ce qu'il allait dire par la suite.
« Tu es encore recherché par l'Armée et il faudra se montrer prudent. »
« Merci de me rappeler. »
« Michaëla ne supporterait pas de te voir emprisonné, j'espère parvenir à t'aider comme tu as essayé d'aider mon peuple. »
« Je ne les aurai pas aidé si j'avais su qu'il y avait des armes. »
« Tu l'aurais fait parce que tu n'as jamais supporté l'agissement de l'Armée envers mon peuple. Mais aujourd'hui, tu dois prendre le chemin du retour. »
« Est-ce que tu sais quelque chose que j'ignore, Nuage Dansant ? Ma famille est en danger ? »
« Non. Mais nous ne parviendrons à aucun pacte avec Lune Noire pour l'instant. Rester ici ne nous avance à rien, surtout à toi. »
Nuage Dansant avait presque envie de rajouter mais se ravisa quand il vit que Sully prenait enfin la bonne décision.
« Comment est-ce que je vais pouvoir dire à Michaëla que je suis parti pour rien ? Elle espérait tellement que nous parvenions à un accord avec Lune Noire. »
« Elle comprendra. Elle sait que les Renégats n'ont pas toujours voulu la paix. »
« Alors, s'il ne se passe rien d'ici deux ou trois jours, je partirai. »
L'Homme Médecine sut qu'il n'obtiendrait rien de plus de son ami mais il se félicita d'avoir au moins réussi à convaincre Sully de rentrer.
Nuage Dansant avait tellement envie d'annoncer la merveilleuse nouvelle à Sully et que les Esprits lui avaient fait voir.
Mais ce rôle n'était pas à lui. Michaëla devait le faire d'elle-même.
Sully s'éloigna de son ami pour se replonger dans sa solitude. Il avait besoin d'être seul de plus en plus souvent. Que ne donnerait-il pas pour revenir en arrière ?
Il savait que cela serait impossible mais il aurait souhaité que cela le soit.
Michaëla se sentait fatiguée le lendemain matin alors qu'elle avait dormi toute la nuit. Cette fatigue exceptionnelle la rendait inquiète.
Ce bébé, dont elle avait appris l'existence avec certitude la veille, elle y tenait vraiment et elle savait que Sully y tiendrait quand il l'apprendrait aussi.
D'après ce qu'il lui en avait dit il n'allait pas tarder à revenir auprès d'elle. Elle avait hâte de lui annoncer la nouvelle, tout en espérant qu'il serait vraiment heureux de l'apprendre.
Elle s'était rendue en ville, comme d'habitude, pour travailler. En plus de sa fatigue, elle se sentait nauséeuse. Mais ce n'était pas ce qui la mettait mal à l'aise. Nombre de regards se posait sur elle, certains avec compassion, d'autres avec de la haine.
Elle comprit que Dorothy et Grace n'avaient pas su tenir leur langue quand elle rencontra le Révérend qui vint vers elle et prit ses mains dans les siennes.
« J'ai appris la merveilleuse nouvelle, Docteur Mike, quelle joie pour vous et pour Sully. »
« Merci. » Dit-elle, surprise.
« Prenez soin de vous, surtout. »
Il partit dans une autre direction, et avant qu'elle ne puisse réfléchir à une possibilité, elle rencontra Preston, qui se moqua d'elle et de Sully, puis, en allant à la gare, elle reçut les félicitations d'Horace.
Elle se promit à ce moment-là que la personne qui avait eu la langue trop longue allait le savoir. De toute façon, elle savait qu'il lui serait difficile de cacher sa grossesse bien longtemps.
Elle aurait juste voulu avoir la possibilité de le dire à Sully avant que les habitants ne l'apprennent. En posant inconsciemment la main sur son ventre, elle s'approcha de Dorothy et Grace, toutes deux assises sur le banc devant la clinique.
Dorothy fut la première à prendre la parole.
« Bonjour, Michaëla, comment vous sentez-vous ? »
« Je vais bien. » Répondit-elle un peu sèchement.
Dorothy et Grace se regardèrent l'une l'autre silencieusement pendant quelques secondes, avant que la journaliste ne reprenne la parole.
« Quelque chose ne va pas, Michaëla ? »
« Le Révérend, Horace et Preston, ainsi que la plupart des habitants savent que j’attends un bébé. Je l'ai compris à leur regard. Tout le monde va le savoir avant même que je ne l'ai dit à Sully. »
« Je n'en ai parlé qu'à RobertE, et je suis sûre qu'il n'a rien dit. » Intervint Grace.
« Et moi, à Loren. » Réalisa Dorothy.
« Loren ! S'exclama Grace. Autant le dire à tout le monde ! »
« Je suis désolée, Michaëla, je pensais pouvoir lui en parler sans qu'il colporte la nouvelle. »
« Il faut croire qu'il n'a pas su tenir sa langue. Tous les regards que j'ai croisé n'étaient pas tous amicaux. Preston m'a même demandé comment Sully et moi nous nous étions débrouillés. »
« Ça ne m'étonne pas de Preston ! »
« Des personnes que je ne connais même pas savent que je suis enceinte avant même le père de mon enfant. »
« J'en suis vraiment désolée, Michaëla. De toute façon, même sans Loren, ça se serait su un jour ou l'autre. »
Michaëla se sentait dépitée et dépassée. Elle savait que Dorothy n'avait en aucune façon voulu faire du mal. Elle était seulement triste que Sully ne soit pas là pour partager la nouvelle.
Elle abandonna ses amies pour se rendre au magasin de Loren pour y acheter quelques fournitures. Ses amies la suivirent de loin pour voir si elle allait bien. Elles avaient comme un pressentiment concernant leur amie.
Celle-ci reçut encore une fois des regards curieux quand elle entre dans le magasin. Une femme regarda même son ventre pour voir s'il commençait à s'arrondir.
Elle passa outre tous ses regards pour se diriger vers Jake et Loren, qui discutaient de la Fête des Fondateurs, qui devait avoir lieu le dimanche suivant.
Jake voulait pouvoir choisir de lui-même ce qu'il pouvait être mis ou non dans la caisse, mais Loren essayait de lui faire entendre raison en lui faisant comprendre que c'était au conseil municipal de décider.
Michaëla se passa d'intervenir, ce qu'elle aurait fait en d'autres circonstances pour se plonger dans un catalogue de vêtements pour bébé.
Dorothy tenta alors de la faire réagir car cela ne lui ressemblait pas de ne pas intervenir.
« Je pense que tout le monde devrait pouvoir choisir de ce qu'il veut mettre ou non dans la caisse. Les générations futures doivent pouvoir tout savoir de notre ville. Qu'en pensez-vous, Michaëla ? »
« Vous avez peut-être raison. Il faudrait en parler lors du prochain conseil. »
Après cette phrase, Michaëla abandonna le catalogue pour autre chose.
C'est alors que tout commença à tourner autour d'elle. Elle était épuisée et n'avait que très peu mangé, suite à ses nausées matinales. Elle se rattrapa comme elle put à un côté du magasin et continua comme si de rien n'était.
Grace et Dorothy n'avaient pas manqué ce premier malaise, alors elles se rapprochèrent d'elle, suivie de près par Jake et Loren.
Tout le monde était autour de la future maman quand elle eut son deuxième vertige, si bien que Jake et Loren purent la retenir et la soutenir pour l'emmener vers la clinique et son chariot.
Matthew se promenait par là à ce moment-là et se précipita vers elle quand il vit l'état de sa mère. Avec son aide, Jake et Loren purent installer Michaëla à l'arrière du chariot pour l'emmener voir Andrew Cook au Château des Sources. Matthew remercia les deux hommes et eut tôt fait de prendre le chemin du Château.
Son arrivée ne passa pas inaperçue car Andrew raccompagnait un de ses patients quand il arriva.
Tout de suite, il put aller à leur rencontre et aider Matthew à soutenir sa consœur pour rentrer dans son cabinet.
« Que se passe-t-il, Matthew ? »
« Je crois que ma mère a failli s'évanouir au magasin. »
« Je suis encore capable de marcher », essaya de protester Michaëla.
« Vous êtes ici, alors vous ne partirez pas sans que je puisse vous examiner. »
Matthew aida sa mère à s'installer sur la table d'examen et sortit pour laisser Andrew faire son travail.
Mais il attendrait de voir sa mère ressortir pour voir si tout allait bien.
Andrew avait mené son examen sur sa collègue assez rapidement et avait été soulagé de voir qu'elle ne perdait pas de sang.
Il savait Matthew inquiet et ne pouvait pas le laisser sans nouvelles trop longtemps. Cependant, il devait essayer de faire écouter Michaëla et allait devoir parler à Preston pour cela. Mais la jeune femme semblait perdue dans ses pensées et n'écoutait qu'à moitié les conseils de son confrère.
Ce ne fut que quand le docteur Cook prononça le mot « bébé » qu'elle réagit.
« Il faut que vous pensiez à votre bébé, Michaëla. »
« Il va bien, n'est-ce pas ? »
« Oui, et vous le savez aussi bien que moi. Mais vous devez absolument vous reposer car si vous présumez encore de vos forces, vous pourriez avoir des contractions. Aussi, je vous ordonne de rester chez vous pendant une semaine entière et allongée de préférence. »
« Ce n'est pas possible. Je ne peux pas fermer la clinique aussi longtemps et vous ne pouvez pas vous occuper des deux à la fois. »
« Je peux très bien m'arranger et je crois que Colleen va bientôt rentrer, elle pourra certainement m'aider. »
Michaëla se mordit la langue pour se retenir de répliquer.
« Je préférerais que vous restiez ici pour la nuit afin de pouvoir veiller sur vous. »
« Je veux renter chez moi. Je vous promets de vous écouter. »
Andrew ne fut pas convaincu et se dirigea vers la porte pour parler avec Matthew. Il y avait peut-être un moyen de faire écouter Michaëla.
Il fallait qu'il tienne Matthew au courant.
Dès qu'il sortit, le jeune homme commença à lui poser des question. Andrew comprit vite qu'il pouvait compter sur lui.
« Elle va bien, ainsi que son bébé. J'aurai aimé pouvoir la garder ici pour la nuit mais elle tient à rentrer chez elle. »
« Je peux veiller sur elle si c'est ce que vous me demandez. »
« En effet. Il faudrait qu'elle reste chez elle pendant une semaine allongée le plus possible. Elle a surtout besoin de se reposer. »
« Elle est très fatiguée. Colleen doit rentrer demain, je sais qu'elle peut veiller sur la clinique. J'arriverai, je l'espère, à convaincre le docteur Mike de se reposer. »
« Il le faudrait ! »
« Elle va certainement vouloir être présente pour la Fête des fondateurs qui a lieu dimanche. »
« Je vous autorise à l'accompagner et à veiller à ce qu'elle ne se fatigue pas trop. Elle pourra peut-être rester assise. »
« D'accord. »
« Maintenant, il vaudrait mieux que vous rentriez et que vous raccompagniez votre mère chez vous. »
Matthew acquiesça, pas sûr de pouvoir parvenir à faire entendre raison à sa mère pendant aussi longtemps.
Cependant, il s'était promis de veiller sur elle le temps qu'il faudrait à Sully pour sortir de là où il était.
Dès que Sully serait de retour, il continuerait à tout faire pour veiller sur le Docteur Mike et il aurait une discussion avec lui à ce sujet-là.
Michaëla accueillit son fils avec un sourire contraint, tout en commençant déjà à s'en faire pour Katie.
« Où est Katie ? »
« Ne vous inquiétez pas, Dorothy prendra soin d'elle le temps qu'il faudra. »
Matthew avait ensuite raccompagné sa mère chez elle en l'obligeant à rester au lit et avait pris la décision de s'occuper d'elle le temps qu'il faudrait.
Il ne savait pas encore comment il allait pouvoir rassurer Brian quand il rentrerait de l'école mais il se promettait d'y parvenir.
Michaëla n'avait pas totalement écouté les conseils d'Andrew. Dès que Matthew était parti de la chambre, elle s'était levée pour chercher des vêtements de bébé dans le buffet.
Elle était tombée facilement dessus et avait contemplé la robe de baptême de Katie, se rappelant du moment pas si lointain, où sa fille l'avait portée.
Se pouvait-il que ce bébé soit vraiment là ?
Elle avait des doutes. Après son malaise d'aujourd'hui, elle s'inquiétait réellement pour la santé de son bébé. Elle se rappelait des paroles d'Andrew et elle souhaitait tout faire pour que son bébé aille bien.
Sully lui manquait terriblement et elle pensa à lui à ce moment-là. Qu'aurait-il fait s'il avait été là ?
Elle repensa à leur dernière fois et elle se mit à pleurer.
Combien de temps passerait avant que son mari ne revienne ?
« Michaëla, je suis désolée de t'avoir entraînée dans cette affaire. Je ne voulais pas que tu sois concernée. » Lui avait-il dit.
« Tu n'avais pas le choix. »
En effet, il n'avait pas eu le choix. Personne ne pouvait revenir en arrière. Il fallait juste accepter que tout soit change. Elle n'avait toujours pas de nouvelles de l'Armée concernant Sully et ce qu'il risquait. Peut-être que le sergent Mac Kay n'avait rien pu faire.
Michaëla pensait pouvoir se morfondre autant qu'elle le voudrait à la maison. C'était sans compter sur Dorothy, bien décidée à lui changer les idées et à la convaincre d'écouter les ordres d'Andrew. Matthew avait dû la laisser pour quelques heures afin de voir s'il y avait des réponses concernant Sully.
Il avait croisé Michaëla, qui lui avait demandé des nouvelles de Michaëla et qui avait décidé de lui rendre visite à la maison.
Dorothy avait été surprise de voir de la fumée s'échapper de la cheminée en arrivant, alors qu'elle pensait trouver sa meilleure amie au lit.
Elle avait été d'autant plus surprise de voir les fenêtres ouvertes. Elle frappa à la porte et fut étonnée de voir Michaëla debout en face d’elle.
Sans même réfléchir, elle lui dit :
« Qu'est-ce que vous faites debout ? Vous n'êtes pas sensée être au lit ?! »
« Bonjour, Dorothy. Que venez-vous faire ici ? »
« Je venais vous voir. »
« Et me surveiller, c'est ça ? »
« Je ne vous surveille pas. Je voulais savoir comment vous alliez car je m'inquiète pour vous. Maintenant, est-ce que je peux entrer et discuter avec vous quelques minutes ? »
Se rendant compte de son manque d'amabilité envers sa meilleure amie, Michaëla acquiesça tout en se dirigeant vers un fauteuil, laissant son amie fermer la porte.
« Où est Katie ? Vous l'avez laissée seule ? »
« Elle est avec Grace, qui est très heureuse de s'occuper d'elle. »
« C'est très bien . »

« Comment vous sentez-vous ? Avez-vous été à nouveau malade ? »
En y repensant bien, Michaëla fut soulagée car elle n'avait pas été malade ce matin. Elle espérait bien que cela allait passer pour de bon.
« Je me sens mieux et moins fatiguée. J'aurai très bien pu reprendre le travail aujourd'hui. »
« Andrew avait certainement une bonne raison de vous dire de rester chez vous. »
Sentant qu'il valait mieux changer de sujet pour le bien de son amie, Dorothy trouva autre chose à dire.
« Est-ce que vous avez trouvé ce que vous alliez mettre dans la caisse pour la Fête des fondateurs ? »
« Toujours pas. J'aimerai que les générations futures sachent qu'il y avait une femme médecin dans cette ville et j'aimerai aussi que cet objet soit quelque chose de cher à mon cœur. »
Tout en disant ces mots à sa meilleure amie, Michaëla se rendit compte qu'en fait sa décision était déjà prise.
Elle voulait mettre la pancarte que Sully avait faite pour elle quand elle était arrivée à Colorado Springs. Dorothy l'avait compris.
« C'est à vous de décider après tout, mais peut-être que ce serait bien de mettre la pancarte que Sully a fait pour vous. »
« Je crois que c'est ce que je vais faire pour que notre bébé sache aussi que son père avait fait quelque chose de merveilleux pour moi. »
Elle posa la main sur son ventre en disant ces mots et baissa la tête.
Il était clair qu'elle espérait que Sully allait revenir rapidement auprès d'elle.
Dorothy avait compris ce jour-là qu'il serait difficile pour sa meilleure amie de faire face aux regards curieux pour la Fête des fondateurs.
Elle n'avait cependant pas le choix et devait s'y rendre car certains habitants devaient attendre avec impatience de la voir.
Elle avait pris sur elle pour s'y rendre, tout en se promettant d'y rester le moins longtemps possible. Mais elle savait d'avance que c'était plus facile à dire qu'à faire.
Katie, Matthew et Brian y étaient déjà depuis un certain temps quand elle arriva sans passer inaperçue.
Dorothy et Grace l'entourèrent de prévenance dès son arrivée, comme pour la protéger de tous les regards et de toutes les critiques possibles.
Hank fut le premier à lui causer des soucis. Il était le seul de la ville à ne pas être au courant de sa grossesse.
« Michaëla, ça faisait longtemps que l'on ne vous avait pas vu en ville. Vous êtes bien trop bien occupée d'essayer de sortir votre mari de là où il s'est mis mais vous n'y parviendrez pas. »
L’animosité de Hank envers Sully n'était un secret pour personne mais Dorothy ne lui laissa pas le temps d'en dire plus, bien décidée à protéger sa meilleure amie.
« Elle devait se reposer pour son bien et celui de son bébé. »
Hank referma sa bouche aussi vite qu'il l'avait ouverte, en réalisant que le Docteur Mike devait bien avoir assez de soucis comme ça.
Loren prit sur lui d'aller voir le barman pour tout lui expliquer. L'intervention de Dorothy eut le don de couper tout autre commentaire quand Michaëla mit la plaque faite par Sully dans le coffre.
L'émotion faillit la gagner à cet instant mais heureusement, Grace et Dorothy réussirent à la distraire suffisamment pour qu'elle pense à autre chose, avant qu'elle ne soit accostée par Andrew.
« Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? »
« Bien mieux, merci. »
« Ça n'a pourtant pas l'air d'aller très fort. J'ai vu votre réaction quand Hank vous a parlé. »
« Il n'est pas le seul à penser cela. »
« Peut-être mais vous feriez mieux de ne pas faire attention à ces remarques qui n'ont aucun sens. Tout le monde ne pense pas comme Hank. Je veux que vous sachiez que je comprends le geste de Sully et que je suis prêt à vous soutenir si vous en avez besoin. »
« Je vous remercie de votre aide mais je ne crois pas en avoir besoin. Pour cela, il faudrait déjà que l'Armée s'intéresse à l'affaire et que la justice réponde à notre demande. Ce n'est pas prêt d'arriver apparemment. »
« Vous aurez bientôt une réponse. »
Elle acquiesça mais elle doutait que la réponse soit celle qu'elle attendait. Elle savait très bien que cela ne pouvait pas s'arranger aussi facilement.
Pendant ce temps-là, Loren essayait de faire entendre raison à Hank.
« Pour qui tu te prends pour lui parler comme ça ? »
« Je ne savais pas qu'elle était enceinte, Loren, personne ne me l'avait dit. Pas même toi. Et de toute façon, c'est la vérité, non ? »
« Elle n'a pas besoin que tu lui dises ça ! »
« Et bien, maintenant c'est trop tard. Et puis, Sully ... »
« Et puis, Sully quoi ? »
« Il n'avait pas à agir comme ça pour des Indiens, ils n'en valent pas la peine. »
« Qu'est-ce que t'en sais, s'ils en valent la peine ?! Pour toi, un bon Indien est un Indien mort. »
« Tout à fait ! »
« Tu ne t'es jamais demandé dans quelles conditions ils devaient vivre et ce qu'ils avaient dû endurer. »
« Tu te mets à te soucier d'eux maintenant. Tu changes en devenant vieux. Ça ne te va pas de fréquenter Sully. »
« Je comprends juste pourquoi il a agi comme ça. Dorothy m'a dit ce que l'Armée avait fait à Nuage Dansant pour un simple retard. »
« J'aurai dû me douter que Dorothy avait quelque chose à faire dans c't'affaire. » Se moqua Hank.
« Tu ne peux pas comprendre pourquoi Sully a fait ça car tu ne partages pas ses idées. Que fais-tu du drame de Washita ? Le docteur Mike et Sully, eux, ont vu ce massacre. Si Sully a fait ça, c'était pour éviter que ça recommence. Il y avait des enfants parmi eux. »
« Les enfants n'ont pas à subir ça mais c'était des Indiens. »
« Qui n'ont pas demandé à se faire tuer ! »
Malgré ses protestations, Hank était d'accord avec Loren en qui concernait les enfants Indiens mais cela ne l'aidait pas à accepter que Sully ait aidé ce peuple à s'enfuir.
Pour lui, ils n'étaient pas si mal à Palmer Creek, ils avaient un toit et de la nourriture, après tout.
Hank ne pouvait pas comprendre les agissements de son rival parce qu'il n'éprouvait pas la même compassion envers les Indiens.
Hank était l'exact contraire de Sully.
Dorothy avait tenu à raccompagner son amie chez elle. Elle la savait choquée et très atteinte par les propos tenus par Hank. La journaliste, comme tous les amis de Michaëla, connaissait le peu de sympathie que Hank avait pour Sully.
Elle aurait dû s'attendre à ce type de réactions de la part du barman mais elle avait pensé qu'il n'oserait pas faire de scandales le jour de la Fête des fondateurs. Elle s'était bien trompée.
Michaëla n'avait pas lâcher un seul mot sur ce scandale, comme si elle approuvait ses paroles.
Dorothy devait à tout prix la faire revenir à de meilleurs sentiments pour son bien.
Michaëla était juste en colère parce qu'elle avait pensé quelques secondes que Hank avait raison alors que ce n'était pas le cas.
Sully ne pouvait pas laisser Nuage Dansant se faire tuer sans réagir. L'Homme Médecine était important pour lui mais aussi pour elle.
Elle bénissait Dorothy, installée en face d'elle sur un fauteuil qui tentait de la convaincre que Sully reviendrait d'elle.
Que ferait-elle sans sa précieuse amie qui avait toujours su la rassurer ? Que ferait-elle sans ses précieux conseils ? Que ferait-elle si Dorothy ne la remettait pas dans le droit chemin à certains moments ?
Son cœur était guéri, il était en paix car Dorothy avait raison, Sully allait revenir et se réjouir de la venue prochaine du bébé.
Il ne pouvait en être autrement.
Pour elle, pour Katie et pour cet enfant à venir, elle allait tout faire pour aider Sully.
Bien loin de se douter des doutes que Michaëla avait eu pendant quelques secondes, Sully avait enfin décidé de reprendre le chemin du retour. La distance avait été trop longue, il ne pouvait plus rester auprès de Nuage Dansant.
Rien n'avait marché auprès de Lune Noire, la situation était donc toujours identique. Il avait été bien inutile de partir. Il avait pris le galop dès son départ pour aller plus vite, ayant plus que jamais besoin d'aller vite. Son cheval était endurant, il le savait, mais il savait aussi qu'il ne pourrait pas continuer comme ça.
Ses pensées étaient tournées uniquement vers Michaëla et la situation qu'elle subissait à cause de lui. Son visage était en lui.
Il avait hâte de la revoir à nouveau, de la prendre dans ses bras, ne serait-ce que quelques minutes et de l'examiner minutieusement. Il pourrait savoir ce qu'elle ressentait et comment elle allait.
Néanmoins, lui aussi avait des doutes. Il avait l'impression d'être parti depuis des années et il revenait sans aucun résultat. Il savait que Michaëla serait triste d'apprendre ces mauvais nouvelles.
Son voyage avait bien été inutile et il le regrettait. Bien sûr, il avait au moins tout essayé pour le convaincre mais rien n'avait marché.
Mais les questions étaient toujours là en lui. Son cheval ralentit l'allure de lui-même et le fit revenir au présent. Il allait devoir convaincre Michaëla à tout prix.
Nuage Dansant lui avait dit de tout expliquer à Michaëla et qu'elle comprendrait si elle savait tout. Allait-elle vraiment comprendre ? Lui ferait-elle à nouveau confiance ? Il aurait certainement dû agir autrement. Elle avait tenté de le calmer mais il n'avait pas pu rester de marbre face à la cruauté de l'Armée envers l'Homme Médecine.
Il ne pouvait pas la laisser mourir sans agir. Elle avait fini par dire que ce n'était pas possible de le laisser dans cette réserve avec cette menace de se faire frapper à chaque retard.
Avait-elle vraiment pensé ce qu'elle avait dit ? Elle était incapable de mentir et elle n'avait pas menti à ce sujet, il en était persuadé.
Le problème était que les choses avaient tourné mal et que maintenant, il était recherché pour trahison et meurtre.
Meurtre ! Il n'aimait pas ce mot. Tous ceux qui le connaissaient savaient qu'il s'agissait d'un accident. Il aurait pu mourir dans cette chute s'il était mal tombé ou si Michaëla ne l'avait pas soigné correctement. Elle n'avait pas pu cacher la douleur qu'elle avait ressenti en le trouvant dans cet état-là.
Elle l'avait soigné avec tant d'amour. Avait-il guéri grâce à ses bons soins ou grâce à son amour ?
Elle l'aimait, il n'en avait jamais douté mais saurait-elle lui pardonner pour toute la souffrance qu'il avait engendrée ?
Son parfum lui manquait, et Katie aussi. Elle avait grandi en son absence et peut-être avait-elle appris à dire d'autres mots. Combien de temps encore allait-il devoir se cacher avant de les retrouver à la maison ?
Combien de temps lui faudrait-il se montrer fort face à sa femme ? Combien de temps avant une solution ?
S'il pouvait revenir en arrière, il le ferait volontiers sans hésiter mais ce n'était pas possible.
Il serait bientôt fixer sur l'état de sa femme.
Michaëla ne savait pas encore que son mari avait pris le chemin du retour mais elle espérait qu'elle allait bientôt le revoir.
Elle voulait pouvoir avoir la possibilité de lui annoncer sa grossesse avant que ça se voit. Depuis ce qu'il s'était passé à la Fête des fondateurs, elle recevait plus d'amitié.
Hank était même venu s'excuser auprès d'elle et elle savait qu'il avait été sincère.
Pour oublier toutes les critiques quotidiennes, elle ne se jetait à corps perdu dans le travail, malgré toutes les recommandations d'Andrew. Elle se sentait mieux. Ses nausées disparaissaient peu à peu et elle arrivait à mieux manger.
Colleen était revenue ce matin par le train et elle prenait soin de sa mère car Matthew et Brian lui avaient tout de suite annoncer la grossesse de leur mère.
Elle essayait bien de refréner sa mère mais celle-ci ne l'écoutait pas. Heureusement, Michaëla avait tout de même accepté de laisser Katie sous la bonne garde de Dorothy.
« Tes études se passent bien ? »
« Oui, mais vous me manquez tous. J'adore étudier mais je me demande si je ne serai pas plus utile ici ? »
« Tu dois penser à toi avant tout, Colleen. Ce n'est pas en restant ici que tu vas construire ton avenir. »
« Je pourrai toujours reprendre dans un an. »
« Non, Colleen, je t'assure que tout va bien et que tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour moi. »
« Vous ne pourrez toujours pas vous occuper de tout toute seule. Il faut que vous vous reposiez. »
« Je me sens mieux, Colleen, je ne peux pas rester tout le temps à la maison. »
« Je ne vous dis pas d'abandonner vos patients, maman, juste de prendre soin de vous un peu plus. »
« Je te promets d'y réfléchir. »
« Maman ! »
« Je te promets. »
Elle tourna le dos et monta à l'étage pour éviter que Colleen ne continue à lui trouver autre chose. Elle n'avait pas besoin que sa fille lui rappelle tout cela, elle le savait déjà.
D'ailleurs, Andrew devait venir l'examiner ce soir et elle savait qu'il allait lui dire les mêmes choses. Elle n'avait pas envie de devoir rester chez elle à ruminer, elle avait besoin de se distraire. Elle ne pouvait pas passer ses journées à s'inquiéter pour Sully.
Ce fut à ce moment-là qu'elles entendirent la sonnette en-bas. Colleen avait déjà ouvert avant que Michaëla ne descende.
Il s'agissait d'Horace avec un télégramme de Mac Kay. Michaëla n'eut d'ailleurs pas besoin de lire le contenu du télégramme pour comprendre ce qu'il contenait. L'appel avait été rejeté.
Horace s'éclipsa aussi vite qu'il était arrivé, bien triste d'avoir été celui qui porte cette mauvaise nouvelle, alors que Colleen soutenait sa mère du mieux qu'elle le pouvait.
Michaëla s'attendait à ce genre de nouvelle mais elle avait tout de même eu un peu d'espoir. Elle ne sut pas si c'était de la tristesse ou de la colère, mais elle commença à avoir des contractions et dut soutenir son ventre pour aller s'asseoir au plus vite.
Elle devait se calmer et essayer de ne pas alarmer Colleen mais il était déjà trop tard, car Colleen prit les choses en main.
Colleen avait été rapide pour aller chercher Andrew et venir en aide à sa mère. Elle ne lui avait même pas demandé son avis, elle avait tout de suite été chercher le docteur Cook. La situation était assez urgente à ses yeux pour faire vite.
Michaëla était allongée sur un lit à l'étage quand Colleen et Andrew entrèrent dans la clinique. Le jeune docteur n'avait même pas pris le temps de poser des questions à Colleen quand il avait compris qu'il fallait faire vite.
Voir sa patiente en train de pleurer en se tenant le ventre lui suffisait pour comprendre la situation. Ce qui l'inquiétait le plus Andrew était la rapidité avec laquelle les contractions s'étaient déclenchées.
Colleen essayait de consoler sa mère pendant qu'Andrew faisait son travail en silence. Il fut soulagé de voir que sa patiente ne perdait pas de sang. En lui posant des questions, il identifia la raison pour laquelle ses contractions étaient apparues. Il fut convaincu que cela n'était pas aussi grave qu'elles l'avaient pensé au début.
« Tout a l'air d'aller bien, Michaëla. »
« Mais les contractions et le bébé ? »
« Ne vous inquiétez pas. Il semble que la mauvaise nouvelle que vous avez appris ait agi sur votre état. Vous êtes fatiguée, Michaëla, ne me dites pas le contraire. »
« Oui, en effet. »
« Alors, vous allez rentrer chez vous et vous reposer. Vous devez essayer de vous détendre. »
Elle acquiesça, sachant qu'il avait certainement raison, mais qu'il allait lui être difficile de suivre ses recommandations.

Elle avait tellement besoin de voir Sully. Elle posa la main sur son ventre et se demanda comment elle avait réagi si elle avait perdu son bébé.
Il ne fallait pas que ça arrive. Elle allait se donner les moyens de le porter en elle pendant neuf mois afin de lui donner une chance de venir au monde.
Elle ne pouvait pas perdre la seule chose qui lui faisait tenir espoir. Colleen eut vite fait de prévenir Matthew et d'organiser le retour à la maison de sa mère.
Michaëla se sentit immédiatement mieux une fois chez elle et installée dans son rocking-chair. La situation lui aurait presque parue normale si Matthew et Colleen ne l'entouraient d'attention.
Cela lui faisait du bien de voir Katie marcher vers elle avec sa poupée dans ses bras et même de voir Brian aussi attentionné en train de faire ses devoirs.
Les petites habitudes de ses enfants lui remontaient le moral. D'ailleurs, chacun d'eux faisait de son mieux pour éviter le sujet sensible, à savoir Sully.
Mais malgré toutes ces attentions, Michaëla ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter pour Sully. Elle ne savait même pas comment elle allait pouvoir lui annoncer cette nouvelle et si elle serait capable de lui annoncer sa grossesse après.
Elle se secoua, elle devait arrêter de se poser des questions. Il n'y avait aucune raison pour que Sully n'accepte pas la venue de cet enfant.
Peut-être que lui non plus n'avait pas pu avancer dans ses négociations avec Lune Noire mais elle s'y attendait.
Lui ne s'attendait certainement pas à la venue d'un bébé. Il fallait qu'il revienne et vite, elle n'allait pas pouvoir continuer à ses poser des questions longtemps sans avoir de réponses.
Le repos avait été salutaire à Michaëla. Ses contractions n'étaient plus qu'un lointain souvenir et elle avait pu reprendre ses consultations avec modération.
Elle savait qu'il allait falloir se battre pour l'avenir et pour obtenir une réduction de peine pour Sully mais elle n'était pas prête à se laisser abattre. Ils allaient trouver un moyen pour que l'Armée veuille bien adoucir le sort de Sully.
Forte de cette conviction, elle se donnait beaucoup de mal pour essayer de rassurer ses enfants sur son état de santé mais ceux-ci ne semblaient pas prêts à la laisser tranquille.
Ils redoublaient d'attention à son égard. Michaëla avait juste encore l'autorisation de s'occuper d’Éclair, sa jument.
Matthew tenait à s'occuper lui-même de la traite des vaches et Colleen préparait les repas. Quant à Brian, il s'occupait souvent de la vaisselle à la place de sa mère.
L'ambiance en ville s'était apaisée. Michaëla ignorait que ses amis lui évitaient de bien se retrouver confronter à certaines fortes têtes.
Le matin-même, Michaëla avait eu l'envie de laisser ses cheveux détachés et frisés, comme les aimait Sully et cela avait même apporté une réaction positive de Dorothy. La journaliste voyait d'un coté positif que son amie recommence à prendre soin d'elle et de son allure.
La seule chose qui inquiétait la belle-sœur de Loren était que sa meilleure amie ne prenait pas de poids. Michaëla lui affirmait qu'elle se sentait bien et qu'elle n'avait plus de nausées mais la journaliste ne savait pas si elle lui disait cela pour la rassurer ou si c'était la vérité.
Elle espérait que sa meilleure amie lui disait la vérité car cela l'inquiétait.
« Sully ! » Osa-t-elle espérer.
Il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait l'appeler ainsi par son prénom de cette façon unique.
« Michaëla ? »
Elle se tourna enfin vers lui, qui n'attendait que cela, le cœur battant. Il avait peur de sa réaction, mais il fut agréablement surpris quand elle se jeta dans ses bras.
Respirer ses cheveux et son odeur de femme lui firent un bien énorme dont il avait cruellement besoin.
« Tu es de retour plus tôt que prévu. » Lui fit-elle remarquer en le regardant dans les yeux.
« Nous n'avons pas réussi à convaincre Lune Noire. »
« Je m'en doutais un peu. »
En l'examinant plus précautionneusement, Sully put voir les cernes sous les yeux de sa femme. Elle lui cachait quelque chose qu'il n'arrivait pas à identifier.
« Tu as l'air fatigué. Tout va bien, ici ? »
« Oui, pourquoi ? »
« Tu n'as pas réussi à faire réduire ma peine, n'est-ce pas ? »
« L'Armée n'a pas voulu suivre le sergent Mac Kay. »
« C'est une raison supplémentaire pour continuer de nous battre, Michaëla. »
« Je n'ai pas l'intention de baisser les bras, surtout maintenant. »
« Maintenant ? »
« Tu es revenu et l'Armée va continuer à te traquer. »
« Qu'est-ce que tu ne me dis pas, Michaëla ? Je sens que tu me caches quelque chose. »
« Que veux-tu que je te cache ? Il n'y a rien à cacher ! »
« Je ne sais pas mais je te connais. »
« Tu m'as manqué ! »
« Toi aussi, tu m'as manquée ! »
Sully avait envie de la pousser à se confesser mais il imaginait très bien quel genre de choses elle pouvait lui cacher. Que n'aurait-il pas donné pour pouvoir effacer tout ce qu'elle devait subir par sa faute.
« Serre-moi fort. »
Elle le demandait avec tant de désespoir, qu'il ne put que se soumettre à sa volonté, se posant la question suivante.
Comment vais-je pouvoir la laisser à nouveau ?
Michaëla devait se demander la même chose, car elle lui proposa de l'aider à rentrer dans la maison.
Bien sûr qu'il en avait envie mais elle se mettait en danger en lui proposant une telle chose. Elle avait l'air d'avoir tellement besoin qu'il soit avec elle.
Michaëla s'en voulait, elle aurait tellement pouvoir lui annoncer sa grossesse mais elle estima que cela était dangereux pour lui.
Elle était bien consciente de la stupidité de lui cacher quelque chose comme ça car elle devait bien lui en parler avant qu'il ne le découvre par lui-même.
Elle avait peur de sa réaction. Que ferait-elle s'il ne voulait pas de cet enfant ?
Elle secoua la tête, puis regarda à nouveau son mari dans les yeux avant d'attirer sa bouche vers la sienne pour l'embrasser. Sully fut agréablement surpris par l'initiative de sa femme et se délecta de ce baiser.
Il était prêt à se laisser entraîner par son épouse. Mais pourtant, il avait aussi le devoir partir pour lui faire courir le moins de risque possible.
Mais Michaëla était bien décidée à passer plus de temps avec lui et il n'arrivait à dire non.
Cela ne faisait que quelques semaines qu'ils avaient été séparés et ils n'arrivaient pas à rattraper le temps perdu. Il n'y avait aucune possibilité de revenir en arrière mais chacun d'entre eux était conscient du manque de l'autre.
Bien déterminée, Michaëla sortit nonchalamment de la grange afin d'inspecter les alentours et permettre ainsi à son mari de rentrer à la maison.
Elle le connaissait assez pour savoir qu'il voulait déjà partir et ne pas l'entraîner à nouveau mais elle avait véritablement besoin qu'il rentre dans leur chambre.
Elle voulait qu'il voit Katie et qu'il rentre à nouveau dans leur sanctuaire, qu'il sache que sa place auprès d'elle était toujours disponible et que personne ne parviendrait à prendre cette place.
C'était égoïste car elle voulait profiter de lui avant de devoir à nouveau se séparer de lui. Elle fut soulagée de voir que les soldats dormaient profondément et fit signe à son mari qui se précipita pour se coller au plus près d'elle.
Lui aussi avait besoin de rentrer dans leur maison afin de s'assurer que tout allait bien et que sa famille était en sécurité. Il se rendait compte que cela lui était nécessaire et que Nuage Dansant avait eu raison de le convaincre de rentrer chez lui.
D'un pas coordonné à celui de Michaëla, il pénétra dans sa maison qu'il connaissait par cœur.
Le feu était allumé dans la cheminée et cela lui réchauffa son cœur. La preuve que les enfants étaient toujours là pour prendre soin de leur mère et leur petite-sœur était là.
Puis, il monta les escaliers qui menaient à leur chambre en compagnie de sa femme.
Il n'avait pas besoin de lui parler pour savoir ce qu'elle ressentait. Ses doigts se resserraient sur les siens, comme pour s'assurer qu'il continue à le suivre.
L'émotion lui monta à la gorge quand elle ouvrit en grand la porte de leur chambre. La dernière fois qu'il était entré là avait été si symbolique.
Était-ce il y a si longtemps de cela ? Cela faisait trois mois et demi et il se rappelait avec précision ce à quoi ils avaient passé la nuit.
Et cela semblait prendre le même chemin maintenant qu'il l'avait enfin retrouvée.
Elle était accrochée à lui comme à une bouée et semblait vouloir se fondre en lui et pourtant, il avait toujours l'impression qu'elle lui cachait quelque chose et qu'elle lui cachait pour le protéger. Il avait besoin de lui poser la question mais elle ne semblait pas prête à lui répondre.
Il balaya ce souci de sa tête et se concentra sur ce moment qu'il devait savourer. Il défit un peu l'étreinte de sa femme pour pouvoir la regarder dans les yeux.
Le désir qu'elle avait de lui y était si évident et si attendrissant qu'il savait d'avance qu'il allait y répondre.
Il posa ses lèvres sur celles si attirantes de sa femme. Elle sembla revivre sous ses lèvres. Il commença alors à toucher son corps de femme, s'attardant sur ses seins dont il redécouvrait la fermeté, puis il posa les mains sur son ventre.
Michaëla ne put s'empêcher de s'arrêter de respirer quand il la toucha à cet endroit-là. Elle savait qu'elle aurait dû lui dire pour le bébé mais elle en était incapable.
Elle se raisonnait car elle ne voulait pas qu'il prenne de risque pour elle. Mais s'il continuait, elle allait devoir le lui révéler.
Elle lâcha un « Sully » comme si elle voulait lui parler de quelque chose, elle était sur le point de lui dire qu'il allait être à nouveau papa.
Il s'arrêta de la toucher pour la regarder dans les yeux. Il connaissait cette manière de l'interpeller et savait ce qu'elle devait lui dire était important.
« Je t'aime, tu m'as manqué. »
C'est la seule chose qu'elle fut capable de lui dire. Sully avait envie encore une fois de la pousser à la confession mais elle sut le distraire en l'embrassant à nouveau.
Tous deux avaient un besoin extrême de se retrouver et aucun d'eux n'était capable d'empêcher l'attirance qu'ils avaient pour l'autre de se concrétiser.
Michaëla prit les devants, sachant que c'était à elle de faire le premier pas, en déboutonnant les boutons de la chemise de son mari.
Subjugué par sa beauté, Sully fit de même avec son chemisier. Il n'y avait aucune précipitation dans leurs gestes, peut-être y avait-il même une certaine lenteur, tant ils avaient besoin de se redécouvrir encore et encore.
C'était comme un nouveau départ qu'ils avaient tous deux besoin de prendre. Leurs respirations s’accéléraient et se collaient l'un à l'autre. Leurs corps avaient besoin de s'unir une nouvelle fois.
Sully l'enleva dans ses bras pour la poser délicatement sur leur lit. Il n'arrivait pas à la quitter des yeux, il avait envie de la dévorer des yeux pour garder cette image en lui.
Michaëla tendit les bras pour l'inviter à la rejoindre. Cette demande silencieuse était trop tentante et il s'allongea à côté d'elle.
Collant son corps contre le sien, pour bien lui faire voir son envie d'aller plus loin, il l'embrassa sur la joue.
« Je devrais songer à partir, ce n'est pas raisonnable. »
« C'est très raisonnable au contraire. Nous avons besoin d'être ensemble et ne viens pas me dire que ce n'est pas le cas. »
« Tu m'as manquée aussi. J'étais là-bas avec Nuage Dansant mais je n'arrêtais pas de penser à toi. »
« Je pensais à toi tous les jours. »
« Tu te souviens des projets que nous avions. »
« Oui, nous voulions avoir un bébé et nous l'aurons, Michaëla, je te le promets. »
Comme elle brûlait d'envie de lui annoncer sa grossesse à ce moment-là car elle comprenait qu'il voulait un autre enfant. Le moment était mal choisi pour lui dire.
Pour éviter d'aller plus loin dans les confidences, Michaëla préféra se concentrer sur le présent et profiter de ce moment d'amour.
Leurs corps se fondirent l'un dans l'autre, chacun appréciant les baisers, les caresses et les mouvements de l'autre. Une fois leur moment d'intimité et d'amour fini, ils reposèrent dans les bras l'un de l'autre, se demandant comment ils allaient devoir se séparer.
Leur séparation était pourtant inéluctable mais tous deux voulaient profiter de l'autre.
Michaëla posa sa tête sur le torse de son mari et écouta pendant quelques minutes les battements de cœur de Sully.
Elle était tellement heureuse de l'avoir à nouveau à ses côtés alors qu'elle avait failli le perdre. Sully, lui, respirait sa peau et son odeur pour s'en imprégner pour les jours à venir.
Cet instant volé à la clandestinité resterait gravé en chacun d'eux jusqu'à ce qu'ils se retrouvent pour de bon et pour leur vie entière.
Michaëla se réveilla le lendemain seule dans le lit et elle crut avoir rêvé du retour de son mari auprès d’elle mais cela avait paru si réel.
Et pourtant, c’était bien la vérité, Sully était revenu et ils avaient même fait l’amour. Un nouveau jour se levait et elle devait affronter les regards à nouveau pour aller en ville.
Elle avait presque envie de rester dans le creux de son lit pour s’enivrer du parfum de son mari pour mieux s’en imprégner.
Dorothy l’attendait de pieds fermes et elle avait besoin de se confier à quelqu’un, même si elle connaissait la réaction de sa meilleure amie.
Et elle devait être présente, pour accueillir les éventuels patients qui se présenteraient. Ils étaient moins nombreux depuis que la nouvelle de la grossesse s’était répandue mais elle savait que quelques-uns viendraient juste pour se renseigner sur son état de santé.
Elle descendit donc en-bas pour rejoindre ses enfants. Encore une fois, tout était prêt pour le petit-déjeuner. Ses enfants avaient tout fait pour son bien-être, encore une fois.
Son cœur se gonfla d’amour devant cette démonstration d’affection qui la réchauffait plus que n’importe quel cadeau.
Les larmes lui montèrent presque aux yeux et elle dut ravaler la boule d’émotion qui se formait dans sa gorge. Elle sourit et s’assit à cette table entourée d’amour.
Elle mangea pour la première fois depuis longtemps avec appétit. Puis Matthew se prépara à l’accompagner pour aller en ville. Il insista pour le faire et là aussi son cœur se gonfla.
Il ne savait pas encore comment elle allait pouvoir affronter les regards ou les paroles de ses amies. Elle se sentait trop émue par ces démonstrations-là.
Dorothy fut là dès qu’elle posa son premier pied par terre et elle sut tout de suite que son amie allait s’apercevoir du retour de Sully.
D’ailleurs, sa meilleure amie, l’entraîna à l’intérieur de la clinique pour recueillir ses confidences. Matthew leur fit un petit salut de la main et s’éclipsa, tandis que Colleen prenait Katie et la mettait dans sa poussette pour une promenade.
« Sully est de retour, non ? »
« Il est revenu hier soir. »
« Comment a-t-il réagi à l’annonce de votre grossesse ? »
Michaëla parut penaude face à cette question et Dorothy n’eut pas besoin de l’étudier plus longtemps pour comprendre.
« Vous ne lui avez pas dit ?! »
« Je n’ai pas pu ! Il était tellement triste de ne pas être parvenu à un accord avec Lune Noire. »
« Michaëla, il doit l’apprendre, c’est urgent. Quand il s’en apercevra par lui-même, il vous en voudra. »
« Je voulais lui dire mais je n’ai pas réussi. Je ne veux pas qu’il se mette en danger pour venir me voir. »
« Vous le connaissez, Michaëla, vous savez très bien qu’il fera tout pour pas que l’Armée le rattrape. »
« Il n’est jamais à l’abri. »
« Arrêtez de vous inquiéter pour un rien mais c’est important qu’il sache que vous êtes enceinte. »
« Je ne suis toujours pas sûre de sa réaction. »
« Vous n’avez pas de raison de douter. »
Michaëla n’était pas convaincue par les paroles de Dorothy et elle savait que son amie avait raison de vouloir la pousser à dire la vérité à son mari.
« En tout cas, il faut vraiment que vous soyez rassurée sur le fait que Sully voudra de cet enfant. »
Une fois en route pour la grotte, Michaëla se demanda si son départ précipité n’allait pas éveiller les soupçons mais c’était trop tard pour revenir en arrière.
Sully vint vers elle dès son arrivée. Elle était accompagnée de Katie et cela le réjouit. Il prit sa fille dans ses bras et tendit la main à sa femme pour l’aider.
« Tu n’étais pas sensée venir aujourd'hui. »
« J’avais besoin de te voir et de te parler. »
« Qu’est-ce qu’il se passe, Michaëla, tu es toute triste ? »
« Allons nous asseoir. »
Sans lâcher la main de sa femme, Sully alla s’asseoir sur le tronc d’un arbre, obligeant son épouse à en faire de même.
« Sully, pendant ton absence ... »
« Papa », dit Katie, sachant qu’elle avait toute l’attention paternelle.
« Tu as entendu, Michaëla, elle a dit papa. »
« C’est bien, ma chérie. »
Michaëla avait été arrêtée dans son élan et elle pensa que son mari n’avait pas entendu, pourtant …
« Que s’est-il passé pendant mon absence ? »
« Anthony va mourir, Sully. La maladie a atteint les reins. »
« Oh, mon Dieu. Je suppose que Grace et Robert E doivent être très tristes. Il n’y a rien de pire que de perdre un enfant. »
« Grace ne veut pas le dire à Anthony. »
« Il a le droit de savoir. »
« Je ne peux pas aller contre sa volonté, Sully. Mais j’aimerai pouvoir faire plus pour Anthony que de lui éviter de souffrir. »
« Tu ne peux pas guérir toutes les maladies du monde, Michaëla, malgré toute ta bonne volonté. »
Elle acquiesça, cherchant le moyen de lui annoncer sa grossesse.

Une fois en route pour la grotte, Michaëla se demanda si son départ précipité n’allait pas éveiller les soupçons mais c’était trop tard pour revenir en arrière.
Sully vint vers elle dès son arrivée. Elle était accompagnée de Katie et cela le réjouit. Il prit sa fille dans ses bras et tendit la main à sa femme pour l’aider.
« Tu n’étais pas sensée venir aujourd'hui. »
« J’avais besoin de te voir et de te parler. »
« Qu’est-ce qu’il se passe, Michaëla, tu es toute triste ? »
« Allons nous asseoir. »
Sans lâcher la main de sa femme, Sully alla s’asseoir sur le tronc d’un arbre, obligeant son épouse à en faire de même.
« Sully, pendant ton absence ... »
« Papa », dit Katie, sachant qu’elle avait toute l’attention paternelle.
« Tu as entendu, Michaëla, elle a dit papa. »
« C’est bien, ma chérie. »
Michaëla avait été arrêtée dans son élan et elle pensa que son mari n’avait pas entendu, pourtant …
« Que s’est-il passé pendant mon absence ? »
« Anthony va mourir, Sully. La maladie a atteint les reins. »
« Oh, mon Dieu. Je suppose que Grace et Robert E doivent être très tristes. Il n’y a rien de pire que de perdre un enfant. »
« Grace ne veut pas le dire à Anthony. »
« Il a le droit de savoir. »
« Je ne peux pas aller contre sa volonté, Sully. Mais j’aimerai pouvoir faire plus pour Anthony que de lui éviter de souffrir. »
« Tu ne peux pas guérir toutes les maladies du monde, Michaëla, malgré toute ta bonne volonté. »
Elle acquiesça, cherchant le moyen de lui annoncer sa grossesse.
Ce baiser, comme ceux de la veille, la ramenait à la vie et l’aidait à reprendre espoir. Son corps près de celui de son mari, elle semblait vouloir se fondre en lui.
D’ailleurs, plus rien ne comptait hormis eux et leur amour. Ce fut la petite Katie qui les sépara en tirant sur le manteau de son papa pour réclamer son attention.
À regret, il se sépara de Michaëla et prit sa fille dans ses bras pour l’embrasser sur la joue avec amour – Katie semblait heureuse de voir ses parents aussi proches l’un de l’autre.
Michaëla posa elle aussi un baiser sur la joue de sa fille et entraîna son mari par la main pour aller s’asseoir à ses côtés.
Après tout, elle pouvait toujours apprécier le moment qu’elle passait auprès de son mari avec leur fille.
Sully, d’ailleurs, se permit de rapprocher son épouse de lui.
Il semblait avoir le besoin d’être près d’elle et elle ne pouvait pas le repousser tant elle avait elle aussi besoin de lui.
« Michaëla, est-ce que tu l’as dit à Brian pour Anthony ? »
« Non, pas pour l’instant mais s’il me pose la question, je le lui dirai. Je n’ai aucune raison de le lui cacher. »
« Je pense que tu as raison. »
« Je vais essayer de parler à Grace pour la convaincre de dire la vérité à son fils mais je ne sais pas si j’y parviendrais. »
« Je comprends ce qu’elle ressent. » Dit Sully.
Michaëla baissa les yeux, elle comprenait si bien ce que son mari voulait lui dire. Elle ne savait pas exactement comment il avait pu surmonter cette affreuse épreuve et elle n’osait pas lui poser la question.
Par contre, elle aimerait pouvoir enfin lui annoncer sa grossesse sans qu’il se mette en danger pour elle.
Elle allait bientôt devoir retourner en ville.

 
Sully venait de voir partir son épouse et son cœur était serré par la détresse qu’il avait lue en elle. Son secret la rongeait et il n’avait aucun moyen de la convaincre de lui parler. Il ne savait plus quoi faire.
Katie les avait distraits à plusieurs reprises et l’avait empêché d’essayer de fléchir Michaëla. Il comprenait sa tristesse concernant Anthony et sa situation. Lui, mieux que personne, pouvait comprendre la douleur de Grace et Robert E. Il était peut-être même le seul à pouvoir parler à Robert E.
À la nuit tombée, il avait donc pris la décision de se rendre en ville. Il savait qu’il prenait des risques, mais en pleine nuit, il pouvait peut-être passer incognito.
Michaëla allait certainement lui en vouloir, mais il avait besoin d’apporter son soutien à son meilleur ami et le forgeron ne risquait pas de le dénoncer.
Le bruit de la forge lui confirma que Robert E travaillait encore dans son atelier. Il s’avança dans la lumière du feu et posa ses mains sur les épaules du forgeron.
Robert E sursauta et se retourna pour voir Sully en face de lui.
« Ça va, mon ami ? » Demanda Sully.
« Comment veux-tu que ça aille ?! Mon fils va mourir et je ne peux rien y faire. »
« Je sais, Michaëla me l’a dit et elle m’a aussi parlé de la réaction de Grace. »
« J’aimerai pouvoir dire au revoir à mon fils. »
« Tu en auras l’occasion. »
« Je l’espère en tout cas. Et toi, tu devrais prendre soin de ta femme. »
« Pourquoi ça ? Elle est malade ? »
Robert E réalisa qu’il en avait peut-être trop dit et que le Dr Mike n’avait certainement pas encore parlé à Sully de sa grossesse.
Michaëla avait elle aussi pris une décision dans la nuit. Elle devenait ridicule à toujours trouver une excuse pour ne pas parler à Sully. Bien sûr, elle ne savait pas encore que Sully avait parlé à Robert E la veille et que cela avait éveillé les soupçons chez son mari.
Elle avait donc pris le chemin de la grotte et s’était enfin décidé. Sans attendre une minute de plus, il l’entraîna vers un arbre et la fit s’adosser contre.
Il s’apprêtait à l’embrasser pour l’aider à se détendre quand elle l’arrêta dans son élan.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? »
Sa perspicacité la déroutait, elle attendit donc qu’il continue à parler avant de lui dire quoi que ce soit, sachant très bien que ce devait importait.
« J’ai été voir Robert E hier pour lui apporter mon soutien. Ne t’inquiètes pas, personne d’autre que lui ne m’a vu. »
Elle était suspendue à ses lèvres et incapable de répondre.
« Il m’a dit de prendre soin de toi. Je sais que tu me caches quelque chose d’important, j’ai besoin de savoir quoi . »
« J’ai été stupide de te le cacher tout ce temps, Sully, je me suis inventée toutes sortes de prétextes. J’ai besoin que tu me promettes d’être prudent et de ne pas prendre de risques. »
« Je ne sais pas pourquoi tu me demandes ça mais je te le promets. »
« J’attends un bébé, Sully. »
Ses yeux s’agrandirent sous l’effet de la surprise. Il était clair qu’il s’était préparé à tout entendre, sauf ça.
« Je sais, ce n’est pas le moment, il a mal choisi son moment ... »
Il posa un doigt sur ses lèvres pour la faire taire.
« Tu es enceinte ? Et moi qui me faisais un sang d’encre. C’est une merveilleuse nouvelle, tu te rends compte de ce que ça veut dire. »
« Je suis heureuse d’attendre ce bébé mais ... »
« Mais quoi ? »
Michaëla se mordit la lèvre, elle devait maintenant aller jusqu’au bout de ses confidences.
« Sully, je suis enceinte de quatre mois. »
« Quatre mois ? Et alors, qu’est-ce que ça change ? »
« Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps pour arriver à trouver une solution. J’aimerai que tu sois libre avant sa venue au monde. »
« Je ne connais pas l’avenir, Michaëla, mais je te promets que je serai à tes côtés pour la naissance de notre bébé. »
« Tu ne peux pas même être sûr de pouvoir tenir cette promesse. »
« Je la tiendrai, je te le promets. »
Elle baissa la tête, souhaitant plus que tout que son mari puisse être à ses côtés. Elle savait que Sully utiliserait toutes les solutions pour être avec elle à ce moment-là.
Elle devait à tout prix trouver un moyen pour le sortir de là avant, mais pour cela, il fallait s’occuper des Renégats, car l’Armée n’accepterait jamais de régler son sort avant le leur.
Sully saisit le visage de sa femme dans ses mains et dirigea son regard vers le sien.
« Je ne veux pas que tu te sentes coupable d’attendre ce bébé. C’est le plus beau cadeau que tu puisses me faire. Alors, on va continuer à se battre ensemble. »
Hypnotisé par son regard qui semblait lire en elle dans un libre ouvert, elle se contenta de hocher la tête.
Elle fut donc plus que surprise quand son mari la souleva de terre pour la porter jusqu’à la grotte. Il semblait avoir envie de passer plus de temps avec elle et elle ne pouvait pas refuser.
« Sully, qu’est-ce que tu fais ? »
Le chemin du retour était passé inaperçu aux yeux de Michaëla, tant elle restait marquée par son entrevue avec Sully. Elle devait revenir en ville pour ne pas éveiller les soupçons de l’Armée. Elle prétextait souvent des visites à domicile. Et elle devait se donner toutes les chances pour qu’on y croit.
Elle bénéficiait beaucoup de soutien en ville. Des fois, les soldats posaient des questions sur ses allées et venues, et Daniel l’aidait en trouvant les réponses adéquates.
Même Loren faisait de son mieux pour la soutenir.
Ce fut donc sans encombres qu’elle rentra en ville et sans questions indiscrètes. Elle se sentait légère et détendue, elle était soulagée d’avoir pu enfin dire à son mari qu’ils allaient avoir un bébé.
Un sourire, qu’on lui voyait que rarement, était présent sur son visage. En la voyant venir vers elle, Dorothy sut que sa meilleure amie avait annoncé la merveilleuse nouvelle à Sully.
Dorothy aurait voulu pouvoir lui parler mais à ce moment-là ne lui fut pas donné car Colleen sortit à cet instant-là et prit sa mère par le bras.
Son visage grave ne lui disait rien qui vaille. Il devait encore y avoir une complication dans l’état d’Anthony.
« Vous allez bien, maman ? »
« Qu’est-ce qu’il se passe, Colleen ? »
« Anthony ne va pas mieux. Andrew dit qu’il ne lui reste plus longtemps. »
« Je le savais déjà, Colleen. Il y a autre chose. »
« Non, je vous assure que non. »
« Alors, pourquoi tu m’as demandé si j’allais bien en arrivant. »
« Matthew m’a dit que vous alliez voir Sully, je voulais savoir si tout s’était bien passé. »
« Tu n’as aucun souci à te faire. »
« Vous lui avez parlé du bébé ? »
« Bien entendu. Il s’est soucié de moi mais il était très heureux d’apprendre la venue prochaine du bébé. »
« Je savais qu’il serait heureux d’être bientôt à nouveau papa. »
« En effet. »
Michaëla rougit en se rappelant la promesse qu’elle avait dû faire à son mari avant de partir. Colleen comprit que sa mère ne souhaitait pas se dévoiler plus que cela. Certaines choses devaient rester secrètes.
Andrew arriva à ce moment-là devant elles et les empêcha d’aller plus loin dans leurs confidences.
« Comment va ma patiente ? »
« Très bien, merci. »
« Bien, bien. »
Andrew examina attentivement sa collègue. Même si elle semblait encore fatiguée, son visage était serein. Parler avec Sully l’avait transformée. Elle semblait tellement apeurée à l’idée de lui parler.
Elle semblait vraiment rassurée.
« Si vous souhaitez rentrer chez vous, je peux encore prendre soin de vos patients et je vous tiendrai informé de l’état d’Anthony. »
« Je suis encore capable de m’occuper de mes patients et je vous rappelle que vous avez une clinique dont il faut vous occuper au Château des sources. »
« La médecine que je pratique ici est très différente de celle de là-bas. Preston n’a pas intérêt à trouver quelque chose à dire car je lui rappellerai que c’est vous qui m’avez donné ma chance en me laissant travailler à mes côtés. »
« C’est plutôt grâce à ma mère. Et je sais que Preston sera difficile à convaincre. »
« Ne vous inquiétez pas pour ça. »
Michaëla se mordit la lèvre pour s’empêcher de répondre.
Michaëla avait passé une nuit tranquille et reposante chez elle. Malgré l’inquiétude qu’elle se faisait pour Anthony, elle avait pu dormir. Elle savait qu’elle ne pourrait pas faire grand-chose pour son petit patient, même si elle refusait toujours d’admettre la fatalité.
Elle ne pourrait jamais s’habituer à perdre un de ses patients, surtout quand il s’agissait d’enfant. Elle devait parler à Grace et lui faire comprendre l’importance pour Anthony de connaître la vérité.
Quels mots lui fallait-il employer ? Elle savait très bien qu’une mère ne pouvait pas accepter de perdre son enfant. Fallait-il qu’elle intervienne pour faire entendre la voix de la raison à Grace ?
Elle ne se sentait pas le droit d’intervenir auprès d’elle. Elle imaginait trop bien la douleur qui devait être dans le cœur de son amie. Elle se souvenait trop bien de sa douleur quand elle avait failli perdre Brian ou même quand elle avait découvert Sully dans l’état dans lequel il était.
En se dirigeant vers le restaurant pour prendre son déjeuner, elle changea d’avis et décida de ne pas parler de cela à Grace. En tant que médecin, elle estimait que son petit patient devait connaître la vérité mais en tant que mère, elle comprenait Grace.
Elle s’assit à une table et attendit que Grace vint vers elle, ce qu’elle fit immédiatement. Apparemment, son amie avait besoin de parler. Michaëla la laissa commencer.
« Docteur Mike, comment allez-vous aujourd'hui ? »
« Ça va. » Répondit-elle simplement.
« Je peux parler avec vous, est-ce que vous avez le temps ? »
« J’ai toujours le temps de discuter avec vous. »
« Je sais que vous n’approuvez pas ma décision de ne rien dire à Anthony ? »
« J’ai beaucoup réfléchi et je comprends votre réaction. En tant que mère, il est toujours difficile de dire adieu à son enfant. »
« Je ne sais pas comment lui dire qu’il va mourir. Et pourtant, comme dit Robert E, nous devons lui parler. Il n’arrête pas de demander pourquoi il ne va pas bien. »
« J’aimerai tellement pouvoir vous dire qu’il existe un moyen de le guérir, mais j’ai beau consulter mes confrères, aucun ne connaît le traitement. La médecine a encore tellement de progrès à faire. »
« Je suis désolée d’avoir pu douter de vous. »
« Ne vous excusez pas. »
« Robert E m’a dit que Sully était venu le voir dans la nuit pour lui apporter son soutien. Robert E a apprécié ce qu’il a fait. »
Michaëla baissa la tête. Elle savait très bien pourquoi son mari avait fait cela. Il était le seul à pouvoir réellement partager la douleur de Grace et Robert E.
Elle espérait d’ailleurs que la venue prochaine du bébé ne lui rappellerait pas le décès de sa fille et d’Abigail.
Elle irait le voir à la grotte pour s’en assurer.
« J’espère que cela va s’arranger pour Sully et vous. »
Comment Grace pouvait lui apporter son soutien alors qu’elle s’apprêtait à perdre son enfant.
Michaëla sentit les larmes lui monter aux yeux. Si son amie continuait à parler ainsi, elle allait verser sa larme.
Heureusement, elle fut sauvée par l’arrivée de Robert E revenant de son atelier. Cela lui permit de s’éclipser assez rapidement et de rejoindre Colleen et Andrew qui s’occupaient encore de la clinique et de redevenir un médecin.
Pas de traces de Wolf, non plus. Son pressentiment grandissait de secondes en secondes. Tout un tas de mauvaises choses se succédaient dans sa tête.
Sully lui en voulait et il était parti se cacher pour ne pas la voir. Pourquoi lui avait-elle caché aussi longtemps ? Elle aurait dû lui dire dès son retour au lieu de douter autant de temps avant de lui parler.
Lui venait en tête qu’il allait faire la tête pendant plusieurs jours et qu’elle ne le reverrait peut-être pas avant plusieurs mois. Son cœur battait à tout rompre et les larmes commençaient à lui piquer les yeux et voulaient sortir.
Elle posa les mains devant ses yeux. qu’avait-elle fait ? Elle s’assit sur le lit improvisé par son mari pour pouvoir pleurer à chaudes larmes. Le temps passa plus vite qu’elle ne l’avait cru.
Sully arriva à la grotte un peu tardivement. Il avait eu besoin d’aller faire un tour dans la forêt pour réfléchir à sa situation. Il était heureux que Michaëla attende un autre enfant mais il ne savait pas comment lui montrer.
Il pensait qu’elle ne viendrait pas le voir ce soir-là et c’est pour cela qu’il avait pris son temps pour se promener mais il sut qu’il s’était trompé quand il entra dans la grotte et qu’il la vit assise sur sa couchette et en larmes.
Elle était en train de pleurer. Elle avait dû se mettre des choses en tête qui n’avait pas lieu d’être. Il ne lui en voulait pas d’avoir attendu pour lui annoncer sa grossesse.
Il s’approcha d’elle à petits pas, ne sachant pas s’il fallait au non la laisser seule. Elle avait besoin de lui car elle ne serait pas venue là et il devait lui apporter son soutien.
« C’est le mien aussi. J’essaie de trouver un moyen de pouvoir revenir à la maison en tant qu’homme libre. Je sais que nous y parviendrons, Michaëla. »
Elle hocha la tête, incapable de soutenir son regard, les larmes coulant toujours de ses yeux.
« Crois-moi, Michaëla, je ne t’en veux pas. »
Il rapprocha son visage du sien et déposa un baiser sur ses lèvres. Puis, il passa ses pouces sur ses joues pour effacer ses larmes tout en la forçant à le regarder profondément dans les siens.
« Je t’aime. »
Avant qu’elle ne puisse répondre, il prit ses lèvres en un long baiser de réconfort qu’elle apprécia plus qu’elle n’aurait su lui dire.
Les larmes cessèrent aussitôt. Plus qu’une chose comptait : leur amour.
Enfin réconfortée et libérée, elle se recula de Sully pour reprendre son souffle mais lui se rapprocha à nouveau pour un autre moment de tendresse.
En fait, elle réalisait que lui, comme elle, semblait avoir besoin de partager des moments amoureux avec elle.
Le temps passa sans qu’aucun d’eux ne le réalise tant leur besoin de se démontrer leur amour était fort. Ce n’est qu’en s’apercevant que la nuit commençait à tomber que Sully réagit.
Il se recula.
« Tu devrais rentrer à la maison, il commence à se faire tard. »
« C’est difficile de le quitter. »
« Je reviendrais, te voir demain à la maison, je te le promets. Je prendrais toutes les précautions nécessaires. »
Elle se défit de ses bras avec beaucoup de mal et reprit le chemin de la maison les yeux remplis d’amour.
Teresa Slicker avait donné pour consigne d’écrire une rédaction sur quelque chose que les enfants avaient aimé. Après correction, la meilleure note avait été donnée à Anthony qui avait tenu à la lire devant la majorité de la ville.
L’émotion les avait gagnés tous peu à peu, même si certains n’oseraient l’avouer pour rien au monde. Loren avait même essuyé discrètement, pensait-il, des larmes parce qu’Anthony parlait de lui dans son devoir.
Tous savaient que son temps était compté mais le jeune garçon semblait apaisé depuis sa discussion avec ses parents. Leurs paroles l’avaient rassuré sur la vie après la mort.
Michaëla et Andrew faisaient de leur mieux sa souffrance. Ils ne pouvaient faire que cela en attendant le jour. Et le jour était arrivé. Anthony était parti dans son sommeil. Les larmes aux yeux, toute la ville avait suivi le cortège, mené par les parents du jeune homme, jusqu’au cimetière où le Révérend avait béni son cercueil avait son inhumation.
Michaëla se trouvait à côté de Brian, la casquette de son meilleur ami sur la tête, et elle essayait, du mieux qu’elle le pouvait, de le soutenir. Elle comprenait la douleur de son fils sans que celui-ci lui en fasse part.
Elle posa la main sur le ventre. Elle imaginait la douleur de Robert E et de Grace, mais elle ne savait pas comment elle pouvait leur apporter son soutien, alors qu’elle portait l’espoir d’une autre vie.
Une autre vie à laquelle elle tenait tellement. Elle allait suivre les conseils d’Andrew et de Sully. Elle fallait qu’elle se ménage pour son bébé. Elle pouvait peut-être proposer à Grace et Robert E d’être le parrain et la marraine de ce bébé.
Plus tard, elle pourrait peut-être leur parler.
Michaëla était en ville depuis le début de la matinée quand elle se dirigea vers le restaurant de Grace. Son amie avait besoin de soutien suite au décès d’Anthony, mais elle était peu présente au restaurant.
Michaëla décida de laisser du temps à son amie, elle devait peut-être se concentrer sur son avenir avec Robert E.
Elle secoua la tête et s’assit. Elle avait encore reçu une lettre de sa mère ce matin-là. Elle n’en pouvait plus car Élisabeth ne semblait penser qu’à elle.
Madame Quinn suppliait sa fille de rentrer à Boston et de laisser tomber Sully. Michaëla ne pouvait pas croire que sa mère en vienne à lui demander cela.
En tout cas, peu importe ce que sa mère pouvait penser d’elle, elle voulait continuer à se battre pour Sully et pour leur famille. Elle venait de répondre à sa mère et de lui annoncer sa grossesse mais elle hésitait encore à la donner à Horace.
L’annonce de sa grossesse n’allait certainement pas la faire changer d’avis de toute façon.
Au moment où elle allait faire demi-tour, Horace l’interpella et elle sut alors qu’elle devait se décider.
« Dr Mike, j’ai une autre lettre pour vous. Elle avait glissé. »
« Merci, Horace, pouvez-vous poster celle-ci pour moi ? »
« Bien entendu, Dr Mike. »
Michaëla regarda Horace, le salua et partit à nouveau vers le restaurant.
Elle posa la main sur son ventre et s’assit à nouveau. Elle tourna l’enveloppe et fut satisfaite que cette lettre venait de sa sœur Marjorie.
Elle ouvrit l’enveloppe et se plongea dans la lecture, émerveillée par les mots de sa sœur.
Dorothy arrivait à ce moment-là, et elle vit que sa meilleure amie semblait sourire, un sourire qui avait été absent de son visage depuis longtemps.
Elle s’assit en face d’elle.
« De bonnes nouvelles, Michaëla ? »
La future maman releva le visage et remarqua que Dorothy semblait attendre une réponse.
« C’est une lettre de ma sœur. Elle se porte comme un charme et m’annonce son retour à Colorado Springs dans quelques semaines. Elle ne peut pas encore m’annoncer la date exacte. »
« Loren sera heureux de la revoir. »
« Je suppose. J’espère juste qu’elle ne viendra pas en même temps que ma mère qui a bien l’intention de venir elle aussi. Je sais que ma mère n’a qu’une seule idée en tête, celle de me ramener avec elle à Boston. Je n’ai pas du tout l’intention de partir au moment où j’ai plus besoin que jamais de Sully. »
« Lui avez-vous annoncé votre grossesse ? »
« Elle sera au courant quand elle lira la lettre que je viens de lui envoyer. »
« Elle devrait comprendre que vous devez être près de votre mari dans ces circonstances. »
« Ma mère n’a jamais approuvé mon choix de l’épouser et vu les circonstances, elle me pousserait plus à divorcer qu’à rester mariée. »
« Mais vous aimez Sully, n’est-ce pas ? »
« Oui, plus que tout au monde et je ne pourrai pas vivre sans le voir. »
« Alors, où est le problème ? Il faut que vous parliez à votre mère et que vous lui expliquiez ce que vous ressentez. Elle doit vous comprendre. »
« Ce n’est pas si simple ! Ma mère a toujours qualifié Colorado Springs de ville à la frontière des terres colonisées. Je sais qu’elle va essayer de me ramener à Boston. »
« Soyez forte, Michaëla. Vous êtes mère à votre tour, et elle a été mariée elle aussi, elle doit pouvoir comprendre. »
« Je l’espère. Merci de m’avoir écouter, Dorothy. »
« Vous savez que je serai toujours présente pour vous. En tant que journaliste, je me tiens informée des nouvelles concernant les Indiens. J’aimerai tellement parvenir à vous aider. »
« Nuage Dansant vous manque ? »
« Grâce à l’écriture de mon livre, j’ai pu comprendre les souffrances de son peuple. J’aurai tellement aimé le publier mais tout est parti en fumée. »
« Je suppose qu’il ne va pas tarder à revenir par ici. Sully est inquiet pour lui aussi. Il l’a abandonné pour revenir vers moi. »
« Sully avait besoin de vous comme vous aviez besoin de lui. »
« Il est heureux que je sois enceinte, c’est le principal. »
« Pourquoi ne l’aurait-il pas été ? »
Michaëla comprit le sous-entendu de sa meilleure maie. Elle avait encore envie de voir son mari mais elle était dans l’impossibilité d’aller le voir car l’Armée ne la lâchait pas d’une semelle.
Daniel avait tenté de l’aider mais il n’était parvenu à rien et Michaëla devait attendre que les militaires relâchent leur vigilance.
Elle aimerait tellement pouvoir lui parler de la visite de sa mère.
Michaëla brossait méthodiquement ses longs cheveux dorés en pensant à son mari. Comment pouvait-elle lui conseiller de rester éloigné d’elle pendant quelques jours pour sa sécurité ?
Comment allait-il faire face à l’arrivée prochaine d’Élisabeth ? Elle passa encore sa brosse à cheveux dans sa chevelure ? Elle avait tellement envie que ce soit Sully qui mène à bien cette tâche.
« Je ferai en sorte que ton papa puisse être présent pour ta naissance. » Dit-elle à son bébé.
Sully décida que c’est le bon moment de lui faire connaître sa présence.
« Son papa sera là, quoi qu’il arrive. »
Michaëla se retourna vers cette voix, surprise mais heureuse.
« Sully, comment tu as fait ? »
Il se rapprocha vite d’elle et posa son pouce sur ses lèvres.
« Matthew. Ne t’inquiètes pas, je serai prudent. »
Il se releva et prit sa main dans la sienne, puis se dirigea vers le lit après avoir fermé la porte et s’assit à ses côtés.
« Daniel est venu me voir. Je sais que tu n’as pas pu venir me voir à cause des Soldats. Tu as l’air fatiguée, tu es sûre que tout va bien ? »
« Oui, nous allons bien tous les deux. »
« Tu en es sûre ? »
« Oui, j’en suis sûre. »
« Pourtant, quelque chose t’inquiète », dit-il en se relevant pour s’agenouiller devant elle, afin de pouvoir scruter son visage.
« Ma mère m’a annoncé sa venue, Sully. »
« Et alors, je ne vois pas où est le problème. Elle a peut-être besoin de te voir et de voir ses petits-enfants. »
« Je ne crois pas qu’elle ait de bonnes intentions en venant ici. »
Elle se leva et arpenta la chambre, essayant de s’éloigner du regard plus que persistant de son mari.
Mais Sully vint tout de suite auprès d’elle et l’attira dans ses bras.
« Je sais que tu as peur qu’elle te propose de retourner à Boston avec elle. »
« Je veux rester ici, près de toi. Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour pouvoir t’aider à revenir auprès de nous. »
« Et moi je veux toujours que tu prennes soin de toi et de notre bébé. »
Il posa sa main sur son ventre. Elle savourait la chaleur de cette main posée à l’endroit où elle la souhaitait et elle se plongea dans l’océan des yeux de son mari.
Sully en profita pour rapprocher ses lèvres des siennes pour un long baiser.
Michaëla le stoppa quand elle ressentit une drôle d’impression. Elle gémit un peu et Sully s’alarma immédiatement.
« Ça ne va pas ? Tu as mal ? »
« Non, non. Par contre, je suis presque sûre que je viens de sentir notre bébé bouger pour la première fois. »
Sully avait toujours sa main posée sur son ventre et la regarda pour être sûre qu’elle disait la vérité.
« J’avais espéré pouvoir être là quand il se manifesterait pour la première fois mais je ne pensais pas que ce se serait aujourd'hui. »
« Moi non plus. »
Elle posa sa main sur celle de son mari.
« J’ai hâte de pouvoir te faire partager un peu plus de ces moments-là mais ça ne va pas être possible dans les prochains jours. » Dit-elle.
« Pourquoi ça ? J’ai trouvé le moyen de venir te voir ce soir et je trouverai un moyen pour les jours à venir. »
« Ce ne sera pas possible, Sully ! Ma mère va venir à Colorado Springs et Marjorie arrive demain. »
« Marjorie nous aidera à nous retrouver. Quant à ta mère ... »
« Ma mère m’empêchera de venir te rejoindre car elle aura peur que je mette ma grossesse en danger. »
« Elle n’aurait pas tout à fait tort si elle le faisait. Ce n’est plus à toi de venir me retrouver mais à moi de venir te rejoindre. Tu prends trop de risque ! »
« Je ne prends pas de risque ! »
« A chaque fois que tu viens me retrouver à la grotte, tu es obligée de surveiller ce qu’il se passe derrière toi pour voir si un des soldats ne te suis pas. Tu ne peux pas continuer à te mettre en danger. »
« J’ai besoin de te voir, Sully, j’ai besoin de toi. »
« Pourtant, tu serais mieux sans moi. »
Michaëla se sépara de son mari. Elle n’arrivait pas à croire que son mari veuille se séparer d’elle pour sa sécurité.
« Je vais me rendre à l’Armée et je les convaincrais de ne pas te poursuivre pour avoir caché où je me trouvais. »
« Tu ne peux pas envisager cela, Sully, je ne pourrais pas supporter de te voir en prison, surtout maintenant. Matthew épluche tous les jours les livres de droit pour voir comment t’aider et un avocat de Boston est prêt à nous aider. »
« Ils ne pourront rien faire tant que le problème Indien n’est pas résolu. »
« J’ai écrit au président Grant, je sais qu’il trouvera une idée pour nous, il te doit bien cela. S’il te plaît, ne te rends pas et restes près de moi. Je vais avoir besoin de toi dans les jours à venir. »
Elle le regardait avec des yeux larmoyants et il ne put pas supporter de la voir dans cet état.
« D’accord, pour quelque temps encore, nous allons faire comme ça. Mais si tu ne te fatigues pas trop ... »
Elle posa ses doigts sur ses lèvres.
« Tais-toi, il n’y a pas de mais. Nous allons trouver une solution. »
Sur ce, elle se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Il se recula et posa un baiser sur son front.
« Je ne sais pas si tu réalises à quel point tu n’es pas raisonnable mais je n’arrive pas à te dire non. »
« C’est très bien ainsi. »
Et ils s’embrassèrent encore longuement, puis Sully souleva sa femme dans ses bras pour la déposer sur leur lit. Il se mit à ses côtés et l’attira dans ses bras.
« Tu dois te reposer pour les jours à venir et j’ai bien l’intention de veiller sur ton sommeil ce soir. Une objection, madame Sully ? »
« J’avais peut-être une autre idée en tête », dit-elle en caressant sensuellement ses jambes.
« Sois sage ! »
« Je n’ai pas envie de l’être ! Je ne sais même pas comment tu as pu croire que tu pourrais me quitter. »
« Tu sais que je t’aime de tout mon cœur, que je ne pourrai pas vivre sans toi, mais si c’était la seule solution pour te protéger et le protéger lui (il posa la main sur son ventre). Je n’hésiterai pas une seule seconde. »
« Mac Kay fera en sorte que je ne sois pas poursuivie et que tu puisses recouvrer la liberté. »
Sully était heureux que Michaëla continue à le soutenir mais il avait peur pour elle et le bébé. Il avait un mauvais pressentiment les concernant tous les deux mais il ne pourrait pas lui en parler car lui-même ne comprenait pas ce qui pourrait pas se passer.
« Je veux que tu prennes soin de toi. Étant donné que je ne peux pas te surveiller, je veux que tu me promettes de te reposer. »
« Je n’ai pas besoin d’être surveillée parce que je suis déjà très entourée. Daniel veille sur moi. Marjorie veut absolument que je me repose et Colleen pense ne jamais en faire assez ! »
« Oui, je sais mais j’aimerai beaucoup être auprès de toi pour y veiller par moi-même même parce que je te connais. »
Michaëla acquiesça.
Elle ne pouvait pas promettre à son mari de rester inactive si un patient se présente et qu’il avait besoin de ses soins. Sully connaissait son dévouement. Il espérait qu’Élisabeth parviendrait à lui faire entendre raison.
Élisabeth avait certainement le même but et allait faire en sorte que sa fille se repose au maximum. Il savait que sa venue prochaine allait perturber Michaëla au plus haut point mais peut-être allait-elle aussi lui apporter du soutien.
Il devait croire que cela permettrait à son épouse de se reposer un peu plus. Même s’il ne pouvait plus la voir autant qu’ils le voulaient tous les deux, l’essentiel était que Michaëla ne soit pas seule.
C’est vrai, Élisabeth ne le portait pas dans son cœur et il était loin de s’imaginer qu’elle allait essayer tous les moyens pour l’entraîner à Boston et que Michaëla allait résister de toutes ses forces.
Il serra à nouveau Michaëla de toutes ses forces contre lui et Katie en profita pour entourer sa maman de ses bras.
Les larmes montèrent aux yeux de Michaëla, prête à les laisser couler. Heureusement que Wolf vint la distraire en posant sa tête sur ses genoux. Elle lui caressa sa tête et posa un baiser sur sa truffe. Elle l’aimait bien, le loup de son mari.
Ce qui aurait pu emmener un affrontement entre la mère et la fille fut stoppé par l’arrivée d’une nouvelle patiente. Il s’agissait de Becky.
Colleen, qui descendait de l’étage à ce moment-là, fut choquée de la voir en compagnie de sa mère.
Élisabeth, Rebecca et Marjorie se retirèrent pour s’occuper des autres malades situés à l’étage.
Andrew, lui, rejoignit très vite sa collègue et sa chère amie. La situation devenait compliquée. Il fallait faire preuve de professionnalisme et ne pas se laisser envahir par les sentiments personnels.
Il est clair que Michaëla avait du mal à ne pas se laisser envahir. Il était très difficile pour elle de soigner Becky, sachant que sa fille était près d’elle.
De toute façon, il n’y avait pas grand-chose à faire. L’impuissance commençait à la gagner. Il y avait déjà eu des victimes et elle savait qu’il y en aurait d’autres.
De plus, le train ne circulait pas et le pénurie de médicaments n’allait pas tarder. Pour ne rien arranger, Preston souhaitait qu’Andrew arrête de s’impliquer autant pour ne pas emmener l’épidémie dans son Château des Sources.
Andrew se fichait de ses menaces. Il ne souhaitait pas abandonner Michaëla. Peu importe ce que Preston pourrait en penser.
Colleen, elle, restait au chevet de sa meilleure amie. Elle prenait soin d’elle, lui parlait de ses projets, et même de son amour naissant pour Andrew.
Personne ne s’attendait à la suite. L’objectif des deux médecins était de faire en sorte que les patients restent en vie jusqu’à la fin de l’épidémie.
Mais, pour Becky, les choses s’étaient aggravées rapidement, leur laissant craindre le pire.

Andrew et Michaëla faisaient de leur mieux et la femme médecin se posait des questions sur une technique malheureusement peu connue et donc encore expérimentale.
Fallait-il ou non intuber Becky ? Le doute était en elle. Andrew pensait qu’il ne fallait pas en venir là, l’intubation pouvant entraîner une pneumonie mais il reconnaissait la compétence de Michaëla et était prêt à la soutenir si elle décidait de la pratiquer.
Michaëka hésitait aussi et avait choisi de ne pas utiliser cette technique, mais le pire arrivait. Becky se mourrait et ils ne pouvaient rien faire.
Colleen était anéantie. Elle parlait à sa meilleure amie, la suppliant de rester avec elle, mais il était trop tard. Becky rendit son dernier souffle sans qu’aucun des deux médecins ne puissent faire quelque chose.
Les larmes coulaient sur les joues de Colleen et sur celle de sa mère, toutes deux à cause du chagrin que cela représentait.
Les parents de Becky furent eux aussi anéantis et décidèrent d’appliquer les conseils des médecins et d’enterrer au plus vite leur fille.
Michaëla, Andrew, Élisabeth et Daniel accompagnèrent Colleen jusqu’au cimetière pour la soutenir pendant que Marjorie veillait sur les patients.
Daniel et Matthew encerclaient la jeune femme. Elle continuait à pleurer et ne semblait pas se rendre compte des choses qui se passaient autour d’elle.
Son impuissance et sa douleur refirent surface au moment où elle lançait une pelletée de terre sur le cercueil de son amie. Elle éclata en sanglots et s’agenouilla au sol. Soulevée par Daniel, elle fut transportée au Château, où Andrew prendrait soin d’elle par moments.
Bien sûr, le docteur envisageait de continuer à aider Michaëla, tout en veillant à ce que Colleen reprenne des forces et surtout qu’elle se remette de ses émotions.
Tout aurait bien pu se passer si Élisabeth n’avait pas pris sa fille à partie. Elle pensait que Michaëla était responsable.
« Elle n’aurait jamais dû être confrontée à cela aussi jeune ! »
Élisabeth était injuste. Colleen avait tout de suite voulu être présente auprès de sa mère quand elle avait su qu’une épidémie se déclarait en ville.
Michaëla ne lui répondit pas, préférant ignorer les critiques de sa mère. Elle avait autre chose à faire qu’à l’écouter.
D’ailleurs, elle prit soin de retourner à la clinique pour s’occuper de ses autres patients. Bien sûr, elle était triste de la mort de Becky, mais elle n’avait pas le temps de s’arrêter sur cette tristesse.
Ce n’était pas le moment de s’apitoyer sur son sort alors que des malades comptaient sur elle. Elle devait continuer à se battre et elle allait être servie …
En rentrant dans la clinique, elle ressentit une grande lassitude l’envahir et le bébé lui donna un coup de pieds. Elle était épuisée mais elle n’avait pas le temps de se reposer.
Elle se parla à elle-même.
« Il faut que je tiennes le coup. Je t’en supplie, mon amour, accroches-toi, maman se reposera plus tard. »
Marjorie descendait à ce moment-là et entendit les paroles de sa sœur. Elle devait à tout prix la convaincre de se reposer. Ce ne serait pas facile, elle connaissait l’entêtement de Michaëla. Mais si elle pouvait faire quelque chose pour elle, elle le ferait.
Elle n’eut pas le temps de parler avant qu’Élisabeth ne recommence à s’en prendre à Michaëla.
« Pourquoi tu l’as laissée être auprès de toi. Elle est beaucoup trop jeune ?! »
Et voilà, elle recommençait mais Marjorie n’allait pas la laisser faire.
Le réveil pour Sully avait été soudain. Il avait vu Michaëla pleurer toutes les larmes de son corps, allongée à l’arrière du chariot.
Il savait qu’il s’agissait d’une vision du futur et il en avait fait un constat, Michaëla avait besoin de lui et il ne pouvait pas la rejoindre !
Il avait pu s’occuper de sa fille dès son réveil. Cela lui apportait l’apaisement dont il avait besoin. Katie parlait dans son langage de bébé et l’occupait.
Il était content de retrouver le lien qu’il avait avec sa fille. Il aurait juste voulu que ce soit dans d’autres circonstances. Ses sourires et ses rires l’aidaient à ne pas se laisser envahir par la culpabilité.
Katie l’obligeait à rester à la grotte et à ne pas rejoindre Michaëla et se mettre en danger. Elle avait tellement grandi. Il posa un baiser sur sa joue de bébé.
Brian s’était réveillé un peu plus tardivement, un peu désorienté et un peu perturbé par ce changement dans ses habitudes.
Lui aussi aimait être avec son père et il pouvait lui apporter son soutien quand il le jugeait nécessaire. Cela se faisait avec des gestes mais aussi avec des mots que Sully avait besoin d’entendre.
Et en le voyant dès qu’il était sorti de la grotte, il avait compris que son père avait des idées noires. Daniel n’était pas encore venu le voir et ils savaient tous deux qu’ils n’allaient pas arrêter de poser des questions sur ce qu’il se passait en ville.
« Tu te réveilles tard aujourd'hui. »
« Je suis désolée, papa. »
« Tu avais certainement besoin de récupérer. »
Brian ne répondit pas. Il n’avait pas apprécié de se réveiller aussi tardivement et il ne voulait pas rajouter à la peine de Sully qu’il sentait anormalement triste.
La situation était exceptionnelle pour eux. Loin de la ville, la seule personne à pouvoir leur apporter des nouvelles était Daniel, absent ce matin-là.
La matinée s’étirait en longueur sans aucun signe de Daniel et cela augmentait l’angoisse de Sully. Brian avait pris le relais auprès de Katie.
Sully allait et venait en se demandant ce qui avait pu retenir Daniel. Toutes sortes de choses passaient dans sa tête et il avait beau essayer de lutter de toutes ses forces pour penser à autre chose, rien n’y faisait.
Son angoisse était sur le point de devenir insupportable quand Daniel vint enfin. Son visage était grave et Sully sut immédiatement que cela n’allait pas emmener de bonnes nouvelles.
Son cœur battait la chamade pendant que son meilleur ami embrassait Brian et Katie et l’entraînait à l’écart.
« Qu’est-ce qu’il se passe, Daniel ? Michaëla ne va pas bien ? »
« Becky vient de mourir. »
« Colleen va bien ? »
« Oui, ça ira. Andrew fait de son mieux pour la soutenir et il aide Michaëla autant qu’il le peut. »
« Et Michaëla ? »
« Elle fait face mais sa mère est sur son dos sans arrêt. Pour elle, Colleen n’aurait pas dû être confrontée à cela si jeune. »
« Colleen n’aurait jamais laisser tomber sa mère en pareille situation. Je suis sûr que Michaëla n’aurait pas pu la faire écouter si elle l’avait voulu. »
« Je le sais, mais tu connais Madame Quinn mieux que moi. »

Michaëla était en train se reposer un peu à l’extérieur pendant que Marjorie s’occupait des patients, quand Daniel arriva en ville. Il descendit de cheval devant le clinique et se dirigea vers elle.

Il savait qu’elle avait besoin de se rassurer sur le sort de Sully et des enfants. Il alla s’asseoir aux côtés de son amie, inquiète et silencieuse, qui semblait attendre qu’il prenne la parole. Son cœur battait à tout rompre.

Il connaissait son inquiétude et il devait vraiment la rassurer. Il savait que son meilleur ami était inquiet pour elle, même si elle essayait de faire bonne figure, la fatigue se lisait sur son visage.

« Sully va bien, ainsi que Katie et Brian. »

« Il sait pour Colleen ? »

« Je le lui ai dit. Brian est bien sûr très triste de ce qu’il s’est passé. Tous deux veulent que vous preniez soin de vous. »

Michaëla esquiva ce conseil. Elle ne pouvait pas se permettre de penser à elle dans la situation dans laquelle ils se trouvaient.

Marjorie sortit à ce moment-là de la clinique. Elle faisait de son mieux, ayant vite acquis les qualités qui pouvaient faire d’elle une infirmière. Sa capacité d’adaptation avait permis à Michaëla de s’appuyer sur elle.

Mais Marjorie devait elle aussi faire face aux remarques de sa mère mais elle ne se laissait pas faire. Marjorie avait du répondant.

Élisabeth arrivait justement dans leur direction pour avoir une conversation sérieuse avec Marjorie, sans se douter une seconde que cela allait tourner court.

En effet, Marjorie ne se sentait pas bien depuis quelques jours mais voulait continuer malgré tout à aider sa sœur.

 

Le doute n’était pas permis. Marjorie présentait tous les symptômes d’une diphtérie. Le poids retombait sur les épaules de Michaëla qui se sentait coupable de la situation.
Élisabeth comprit au regard de sa benjamine que la situation devenait grave pour la famille. Marjorie était malade à son tour et elle risquait de mourir.
Toutes les pensées concernant sa vie personnelle non conforme aux attentes de sa mère. Personne ne pouvait faire quoi que ce soit contre cette maladie et Michaëla se sentait désarçonnée.
jusqu’à maintenant, elle était restée éloignée de ses patients, même s’il était difficile de faire face à certains décès. Elle avait été ébranlée par la mort de Becky mais elle avait réussi à passer au travers, ne s’autorisant pas le droit de pleurer.
Ses nerfs étaient à fleur de peau au moment où elle se trouvait en face de sa mère. Élisabeth dut le comprendre.
« Elle est malade ? »
« Oui. »
Ces quelques mots suffirent pour décrire la situation. Et Michaëla devait aussi prévenir Loren. Il était important que Marjorie ait son soutien. Rien ne pourrait l’arrêter.
Elle laissa Andrew avec sa sœur et Collen vint vite lui prêter main forte. Sans demander quoi que ce soit, Colleen rejoignit Andrew.
« Où est votre mère ? » Lui demanda Andrew.
« Avec ma grand-mère. Je suppose qu’elle va aller annoncer à Loren la nouvelle. Maman va vouloir que Loren soit auprès de sa sœur. »
« Vous vous sentez assez en forme pour reprendre le service. »
« Je ne peux pas laisser maman se débrouiller toute seule. Elle se fatigue de plus en plus avec le temps. Il va falloir essayer de la convaincre de se reposer. »

 

Andrew redescendit vers Michaëla et la trouva penchée sur ses livres médicaux. Elle semblait vraiment concentrée sur sa lecture.
S’il savait quoi lui dire pour la rassurer sur le sort de Marjorie ?! Mais il savait qu’il ne pouvait pas le faire car elle savait que les mots étaient inutiles.
Colleen était encore à l’étage avec les autres patients et Marjorie était avec Loren, qui avait promis de les prévenir pour tous les changements qui pouvaient survenir.
Andrew disposait de quelques minutes pour essayer de convaincre sa collègue de se reposer, même s’il savait que c’était peine perdue.
« Michaëla ? »
« Andrew ? Tout va bien ? Vous avez besoin d’aide ? »
Elle était déjà paniquée à l’idée de le voir.
« Non. Rassurez-vous, Loren est avec votre sœur et Colleen veille sur les autres malades. »
« Bien. »
« Qu’est-ce que vous lisez ? »
« Les nouvelles découvertes médicales. La trachéotomie m’intéresse particulièrement. »
« Vous souhaitez la tester sur des malades ici ? »
« Je ne sais pas … Je ne sais pas quoi faire pour parvenir à les aider à s’en sortir. Je lis tout ce qui pourrait nous aider. Que pensez-vous de cette technique ? »
« Elle est très expérimentale et toute récente. Je vous avouerai que je n’ai pas encore pris le temps de m’informer sur ce sujet. »
« Je suis comme vous, je doute. Nous n’avons pas de cas qui se prête à ce genre de traitement pour l’instant. Je ne sais pas ce que je ferai si c’était le cas. »
« Je ne sais pas quoi vous dire, Michaëla. »
Andrew était bien embarrassé pour lui répondre.
Elle n’avait pas envie d’affronter sa mère à nouveau, elle pensait que sa mère allait enfin comprendre que sa mère était ici.
« Michaëla ? Je peux te parler une seconde ? Je sais que tu as besoin de te reposer, mais j’aimerai discuter avec toi. »
Michaëla commença à se mettre assise dans le lit.
« Non, restes allongée, s’il te plaît. »
La future maman s’exécuta.
« Qu’avez-vous encore à me dire, mère. Si vous essayez encore de me convaincre de rentrer avec vous à Boston, la réponse est non, mère. »
« Je sais que ta vie est ici. J’ai beaucoup parlé avec Daniel et Dorothy depuis que je suis ici. La situation dans laquelle tu es est exceptionnelle et n’est pas facile pour toi, alors je vais t’aider. »
« M’aider ? »
« Oui. Je connais plusieurs avocats à Boston, beaucoup étaient amis avec ton père et j’aimerai leur soumettre le cas de Sully si tu me le permets. »
« Mais pourquoi ? »
« Je ne peux pas te regarder pleurer ou être triste sans rien faire. Je suis ta mère, Michaëla. Il est peut-être temps pour moi de t’aider au lieu d’essayer de te ramener avec moi à Boston. »
Michaëla était abasourdie. Devait-elle vraiment croire sa mère ? Le faisait-elle de bon cœur ?
« Tu peux me croire, Michaëla. Je sais que tu as de mal à me croire. Je n’ai rien fait pour t’aider mais je vais essayer de le faire dans l’avenir. »
Son coeur s’accéléra. Que réservait vraiment l’avenir ? Elle était soudain très épuisée …
Élisabeth allait pourtant s’en prendre à Michaëla dans les prochains jours. Personne ne s’attendait à ce que tout tourne mal. Il est vrai que l’intubation avait ses inconvénients mais cet inconvénient attendit pour se manifester.
Il fallut attendre jusqu’au bout. Marjorie était même debout près de sa sœur. Elle continuait à l’aider du mieux qu’elle pouvait.
Et elle eut soudain un accès de fièvre qui la fit s’évanouir devant Michaëla.
Cette dernière appela Andrew à l’aide immédiatement parce qu’elle ne pouvait pas s’en occuper toute seule.
En constatant ce qu’elle craignait, Michaëla sentit la culpabilité l’envahir à nouveau. Sans cette expérience, elle n’en serait pas là. Bien sûr, personne ne pouvait être que cela change les choses. Si elle ne l’avait pas fait mais elle ne pensait pas à ça à ce moment-là.
Son cœur se brisa et son attitude de médecin se dissipa. La sœur, le membre de la famille, refit surface. Elle n’était donc plus la personne idéale pour s’occuper de Marjorie.
Heureusement qu’elle savait pouvoir compter sur Andrew, qui fit face à la situation mieux qu’elle. Il prit son stéthoscope et examina Marjorie.
Ce qui leur faisait peur à tous les deux était en train d’arriver et il ne leur restait pas grand-chose à faire. Michaëla avait compris et rien qu’en les regardant ce qu’il en était.
Les larmes coulaient de ses yeux sans discontinuer. Qu’allait-elle pouvoir faire contre cette double pneumonie. Elle savait très bien que cela allait entraîner le décès de sa sœur.
La tristesse s’abattit sur elle et à ce moment-là, elle aurait aimé être ailleurs qu'ici.
Mais elle se devait d’être présente et d’apporter les meilleurs soins à sa sœur.
Elle se ressaisit et se mit aux côtés d’Andrew pour mener cette opération à deux.
Andrew se rendit compte de la tristesse de sa collègue et fit tout pour la rassurer. Il savait ce à quoi elle pensait. La dernière chose qu’elle souhaitait était qu’elle se sente coupable.
Il savait pourtant qu’elle se culpabilisait. Personne ne pourrait être sûr que les choses auraient été différentes si ça s’était passé autrement.
Il avait bien envie de lui dire qu’elle n’était pas responsable mais elle n’écoutait personne. Peut-être que Sully aurait pu lui faire changer d’avis et encore !
L’heure de la prise d’une décision pour Michaëla était venue. Daniel et lui allaient pouvoir mettre leur plan en route dans pas longtemps.
Il était plus que temps de réagir, en espérant qu’Élisabeth n’allait pas tout compliquer.
Pour l’instant, être aux côtés de sa collègue était plus que nécessaire, après l’on verrait.
Colleen descendit à ce moment-là et comprit sans même qu’on lui dise que la situation était critique. Il pouvait compter sur la jeune femme pour l’aider.
Elle alla se placer à côté de sa mère et posa une main légère sur son épaule. Que pouvait-elle apporter à sa mère plus que son soutien indéfectible ? Pas grand-chose ! Si seulement Sully pouvait être là avec eux pour la soutenir dans les heures à venir !
Si seulement, elle pouvait enfin accepter de se reposer, elle avait tellement besoin.
Andrew s’éclipsa, se promettant de rester proche si besoin.
Michaëla se pencha vers sa sœur quand celle-ci rouvrit les yeux. Elle ne pouvait pas empêcher les larmes de couler de ses yeux.
« Michaëla, ne sois pas triste, s’il te plaît. Tu n’es pas coupable, il fallait que tu essayes de faire quelque chose, tu as fait le bon choix. Il faudra que tu te remettes pour ton bébé à venir. »
« Marjorie, je suis tellement désolée. »
« Ne le sois pas. J’ai été plus heureuse ici qu’ailleurs. N’hésites pas sur la marche à suivre. »
« Je vais chercher Loren. »
« Oui, vas-y, mais s’il te plaît, ne t’en sens pas coupable. »
Michaëla acquiesça, puis sortit pour aller chercher Loren.
« Loren, dit-elle en pleurant, Marjorie vous réclame. »
Rebecca s’approcha de sa sœur pour la prendre dans ses bras et pour pleurer avec elle, préférant ignorer le regard désapprobateur d’Élisabeth.
Elle sentait le moment mal choisi pour accuser Michaëla mais elle allait devoir le lui dire. Matthew s’approcha de celle qu’il considérait comme sa mère pour la soutenir à son tour. Daniel fit de même, tout en regardant Andrew. Ils se comprirent sans même se parler.
Leur plan allait pouvoir se mettre en place. Étant donné l’état actuel de Michaëla, Sully pouvait lui apporter un soutien que personne ne pouvait lui apporter.
Pendant ce temps-là, à l’intérieur de la clinique, Loren faisait ses adieux à Marjorie, qui était en train de s’éteindre à petits feux.
Quand il eut fini, il rouvrit la porte pour permettre à la famille de s’approcher de la défunte pour une veillée funèbre triste et coupable.
Tout le monde était effondrée, surtout Michaëla.
« Nous allons rentrer à Boston. » Annonça-t-elle.
« Nous ne pouvons pas partir, mère. Nous devons continuer à aider Michaëla. Il y a encore beaucoup de malades. » Dit Rebecca.
« Michaëla n’a besoin de personne pour l’instant. »
« Si c’est une façon de m’accuser de ce qu’il s’est passé, ce n’est pas la peine, je l’ai déjà fait. Je sais très bien que je n’aurai jamais dû prendre cette décision. Nous croyez que je ne le sais pas ! »
Élisabeth regretta immédiatement ce qu’elle avait dit. Elle ne pouvait pas savoir si Marjorie serait encore vivante si Michaëla n’avait pas pris cette décision.
De plus, en voyant l’état dans lequel était sa fille, elle s’en voulut. Elle devait la soutenir plutôt que de l’accabler. Michaëla continuait d’avancer vers la clinique, les larmes coulant de ses joues, tenant à peine debout.
Daniel et Matthew, en se regardant, prirent la décision de se rapprocher de Michaëla, et lui apportant chacun un bras quand ils la virent vaciller.
Andrew vint vers eux. Le temps était venu de mettre leur plan en route.
Elle n’avait plus la force de protester, ni même de lutter contre eux. Tout tournait autour d’eux sans qu’elle comprenne le sens.
Guidée avec ménagement vers le chariot, elle ne se rendit pas compte qu’ils la soulevaient pour la mettre sur un des matelas emprunté à la clinique.
« Dites à Sully de l’empêcher de revenir ici avant la fun de l’épidémie et de prendre soin d’elle. Elle doit absolument se reposer. »
« Ne vous inquiétez pas, Andrew, Sully fera le nécessaire. Il la connaît mieux que personne. » Dit Daniel.
« Je peux l’accompagner. Il faudra absolument que je lui parle pour m’excuser de mon comportement. »
Sully le suivit, en déposant un baiser sur le front de son époux qui ouvrit ses yeux pleins de larmes pour le regarder dans les yeux, cherchant son réconfort et ne pouvant lui cacher son désespoir.
Elle referma les yeux, se sentant plus en confiance que jamais. Après tout, elle avait ce qu’elle voulait et ce dont elle avait besoin près d’elle. Avec lui, elle savait qu’elle pouvait retrouver sa sérénité et elle allait s’en servir pour prouver à sa mère que c’était Sully dont elle avait besoin et personne d’autre.
Sully vit que Daniel déposait le matelas à terre et remarqua qu’il s’agissait d’un matelas deux personnes. Il posa avec beaucoup de délicatesse dessus et la couvrit amoureusement.
Il devait la laisser brièvement pour essayer de parler à Daniel et comprendre comment cela se faisait que Michaëla était dans cet état-là.
Mais quand il fit mine de s’éloigner, une main s’accrocha à la sienne. Apparemment, Michaëla ne voulait pas le quitter et il ne pouvait pas l’abandonner surtout qu’elle pleurait toujours.
Daniel préféra expliquer les choses brièvement.
« Marjorie vient de décéder. »
Sully hocha la tête, comprenant bien, rien qu’avec cette phrase courte, ce que cela signifiait.
Daniel s’éclipsa, leur faisant savoir qu’il viendrait aux nouvelles au quotidien pour les donner à Matthew et à Colleen, ainsi qu’à Andrew.
Et Sully comprit qu’Andrew devait être assez inquiet pour sa consœur pour vouloir être au courant de son état. La tache était dure à mener pour lui. Mais il faisait en sorte de consoler et rassurer Michaëla et si cela passait par un affrontement entre lui et Élisabeth, et bien, il ferait avec.
Michaëla avait surtout besoin de sa présence à lui.
La voir dans cet état était toujours aussi dure pour lui. Il essayait tant bien que mal de la consoler. Elle ne voulait toujours pas qu’il s’éloigne d’elle. Heureusement, Daniel avait déposé tout le nécessaire avant de partir.
Il déposa un baiser sur le front de Michaëla pour la réconforter, tout en jetant un coup d’œil à Élisabeth, assise en face de lui.
Elle baissa les yeux, comme si elle savait à ce moment-là que Sully lui en voulait et qu’elle devait se préparer à une discussion sérieuse avec lui.
Bien sûr, la discussion n’était pas d’actualité.
Brian et Katie faisaient aussi voir leur mécontentement en évitant leur grand-mère. Katie jouait calmement avec son frère comme si elle savait que sa mère avait besoin de calme.
Sully, lui, avait lâché la main de Michaëla pour préparer le repas, en espérant pouvoir convaincre son époux d’en manger.
Il savait d’avance que ce ne serait pas facile, comme il ne serait pas facile de la faire parler, car elle refusait de parler. Au moment où il trouvait un moyen de préparer le repas, une petite fille blonde se rapprocha de sa maman.
Les yeux de Sully se posèrent sur elle. Il était prêt à intervenir si elle embêtait sa mère. Mais Katie semblait calme et prête à consoler sa mère.
Elle s’assit tranquillement à côté de Michaëla et commença à caresser ses cheveux, comme sa maman l’avait fait pour elle à certains moments.
Puis, Katie se pencha et déposa ce qui ressemblait à un baiser sur son front. Michaëla esquissa un mouvement pour s’asseoir mais Katie l’en empêcha.
Sully crut bon d’intervenir en attrapant leur fille par-derrière pour la faire renoncer.

Il posa Katie sur ses genoux et commença à lui expliquer la situation, pas sûr que leur fille allait comprendre.
« Maman est triste, Katie, mais je vais faire en sorte qu’elle aille mieux. Tu n’as pas à t’en inquiéter. D’accord ? »
La petite fille se retourna pour regarder son père dans les yeux pour chercher à voir la vérité et hocha la tête.
« Le repas va bientôt être prêt. »
Katie acquiesça et se dirigea à nouveau vers Brian, comme si elle avait compris que son père avait besoin de parler à sa mère.
D’ailleurs, Sully se pencha pour murmurer à son oreille.
« Tu veux essayer de manger quelque chose ? »
Comme il s’y attendait, la réponse fut négative.
« Il faut que tu essaies d’avaler quelque chose, pour toi et le bébé. »
Ce mot eut un effet sur elle. Bien sûr, elle pouvait comprendre que son mari s’inquiète pour elle et pour leur bébé à naître, mais pour l’instant, il n’y avait qu’une seule chose qui tournait dans sa tête, sa culpabilité dans la mort de Marjorie.
Néanmoins, sa main se posa délicatement sur son ventre et la chaleur de son mari lui fut transmise.
Sa main à elle vint recouvrir celle de son mari et elle leva ses yeux vers lui, comme si elle y cherchait une réponse.
Il avait envie de lui dire tellement de choses qui ne pouvaient être dites en présence d’Élisabeth et des enfants. Néanmoins, sa bouche se dirigea vers la sienne pour un long baiser qui fit naître un sourire sur les lèvres de Brian et un froncement de sourcils chez Élisabeth, qui se retint bien d’intervenir. Michaëla semblait avoir besoin d’affection.
Après un baiser qui l’avait transportée dans un autre lieu et un autre endroit, Michaëla rouvrit les yeux pour regarder Sully. Les larmes coulaient toujours mais elle semblait apaisée.
Il lui reposa la question.
« Tu veux manger quelque chose ? »
Elle secoua la tête. Comme elle s’y attendait, Sully insista.
« Il y a des morceaux de tarte aux pommes, tu ne veux pas essayer de manger ? »
Elle se mit assise, essuya les larmes qui continuaient de couler et tendit la min vers la part de tarte aux pommes que lui tendait son mari.
Il sourit, un peu rassuré. Pour une fois, elle pouvait bien avaler ce qu’elle souhaitait, pour peu qu’elle avale quelque chose. Elle avait besoin de reprendre des forces dans tous les sens du terme.
Elle avait trop donné de sa personne lors de cette épidémie, mais il savait que personne ne pourrait rien y changer.
Les yeux fixés sur sa mère, Michaëla avala avec gourmandise sa part comme si elle cherchait à lui faire comprendre quelque chose. D’ailleurs, Élisabeth évita son regard, comme si elle cherchait un moyen de parler à sa fille.
Pour l’instant, le moment était mal choisi. Michaëla n’était pas en état de discuter de quoi que ce soit et elle n’acceptait que les approches de son mari.
D’ailleurs, leur rapprochement était flagrant à ses yeux. Michaëla passa son temps à sonder le regard de Sully qui répondait par des gestes subtiles.
Il appuyait un peu plus sa main sur la sienne, son pouce caressant la paume de Michaëla, il essayait de déposer des baisers discrets sur la joue de sa femme. En fait, Élisabeth devait bien lui reconnaître sa discrétion.
« J’ai besoin que tu me parles, Michaëla, que tu me dises ce qu’il s’est réellement passé pour que tu sois dans cet état-là. »
Sully mettait à profit l’absence des enfants et d’Élisabeth pour enfin découvrir la vérité sur la situation.
« S’il te plaît, Michaëla, dis-moi ce qu’il s’est passé. »
« Marjorie est morte et c’est de ma faute. »
« Non, ce n’est pas de ta faute. Elle voulait que tu essaies de tout faire pour tes patients. Elle voulait être volontaire. »
« Je ne savais pas ce qu’il fallait faire. J’ai hésité et j’ai pris la mauvaise décision, celle qui a condamné Marjorie. Ma mère a raison, Sully, j’ai tué ma sœur. »
« Ce n’est pas vrai. Elle n’aurait pas voulu que tu te culpabilises. Elle t’a donné son accord et elle voulait que tu sois heureuse. Elle aurait voulu que tu profites de ce bonheur qui t’es offert d’être à nouveau mère. »
Michaëla savait que Sully répétait les paroles de Marjorie. Elle se rappelait que sa sœur lui avait dit de ne pas se sentir coupable et qu’elle voulait son bonheur par-dessus tout.
Elle avait juste besoin de faire la paix avec sa mère pour réapprendre à vivre même si la douleur de la perte de sa sœur serait toujours présente. En attendant, elle n’allait pas gâcher le moment qu’elle pouvait passer avec Sully car elle avait aussi besoin de lui.
Pour la première fois depuis des heures, ses larmes s’arrêtèrent de couler et elle se focalisa sur son mari qu’elle dévisagea.
Il ne put s’empêcher de plonger ses yeux bleus dans les siens pour lui dire ce qu’il avait sur le cœur.
« Tu sais que j’ai raison. Tu sais que Marjorie voulait ton bonheur. Je vais parler à ta mère dès que je pourrai. »
Elle savait qu’il le ferait et que rien ne l’en empêcherait. Ses mains vinrent prendre les siennes pour les serrer et elle se plongea encore plus dans ses yeux bleus.
« Je t’aime et je serai toujours là pour toi. »
Un baiser léger sur la bouche vint conclure cette promesse et il sut qu’elle en voulait plus quand elle resta accrochée à lui.
Il ne put résister plus longtemps. Elle était là près de lui et il pouvait lire le besoin qu’elle avait de lui dans ses yeux.
Très doucement, il approcha de nouveau ses lèvres des siennes pour lui donner ce qu’elle réclamait en silence, un long baiser plein d’amour et de tendresse.
Elle se sentit soudain revivre sous ses lèvres. C’était à nouveau comme si plus rien autour d’eux n’existait et n’avait de sens. Tout ce qui importait c’était de recevoir cet amour dont elle avait cruellement besoin.
Leur baiser dura un long moment à échanger et à recevoir. Cela rattrapa leur séparation forcée et apaisait la souffrance endurée.
Quand leur échange brûlant s’apaisa, elle resta collée à lui et se jeta dans ses bras.
Il n’eut pas d’autre envie que de la serrer dans ses bras et de la bercer comme s’il cherchait réellement à lui enlever toute la culpabilité qu’elle ressentait.
Il ne fut pas vraiment surpris quand il la sentit trembler contre lui et qu’il entendit ses sanglots à nouveau.
« Pourquoi Sully ? Pourquoi est-ce arrivé ? »
« Je n’ai pas la réponse, mon amour. »
Il ne put que lui caresser le dos pour essayer de la calmer. Son amour la consola à nouveau et il fut heureux d’être parvenu – pour un temps seulement – à l’apaiser. Il commençait vraiment à comprendre pourquoi Andrew tenait tant à être au courant de son état. Il avait dû percevoir cet état de déprime et avait fait en sorte qu’elle soit avec la seule personne qui pouvait lui faire retrouver le moral.
Il savait que Brian l’appellerait si besoin alors, il la suivit assez rapidement, ayant plus qu’envie de découvrir ce qu’elle souhaitait lui dire.
Elle commença comme elle le put.
« Je suis désolée, Sully. » Ce fut une phrase qu’il ne comprit pas réellement alors il la laissa continuer.
« Je n’aurai jamais dû dire tout ça à Michaëla. Je ne pensais pas ce que je lui ai dit. »
« Que lui avez-vous dit ? »
« Je l’ai accusé du décès de Marjorie alors que ce n’est pas sa faute. Je ne veux pas la perdre comme j’ai perdu Marjorie. »
« Je crois que vous avez besoin de vous parler toutes les deux. »
« Elle n’est pas en état de me parler, Sully. »
« Pour l’instant, non. Mais nous allons faire en sorte, vous et moi, de l’aider à se remettre. »
« Je n’étais pas sûre que vous voudriez me parler, après mon altercation avec Michaëla. »
« Je ne peux pas dire que je ne vous en veux pas, Élisabeth, mais je peux comprendre votre douleur. Je sais quels sentiments sont les vôtres face au décès de votre fille. C’est votre douleur qui a parlé ainsi à Michaëla, pas à vous. »
« J’ai quand même besoin de m’excuser auprès de ma fille. Je veux qu’elle arrête de se culpabiliser. Elle n’y est pour rien. »
« Si vous parvenez à la convaincre qu’elle n’est pas coupable, alors là, je crois que je pourrai vous pardonner. »
« Mais la connaissant, vous ne croyez pas que j’y parviendrai, n’est-ce pas, Sully ? »
Il acquiesça.
« Allons retrouver ma fille et mes petits-enfants avant qu’elle ne se réveille. Il ne vaut mieux pas qu’elle se pose de questions à son réveil. »
Même cachés comme cela, Élisabeth assista à leurs échanges et décida de laisser faire sans rien dire. Il semblait que Michaëla avait besoin d’un moment de tendresse. Peut-être que Sully n’était pas si mal que ça après tout.
Elle l’avait entendu demander à sa fille si elle allait bien.
Elle leva un peu la tête et observa le couple une autre fois. Cette fois-ci, Michaëla avait posé sa tête, dans le creux de l’épaule de son mari et semblait prête à s’endormir.
Elle vit le bras de Sully remonter un peu plus la couverture sur Michaëla, puis se glisser à nouveau à l’intérieur de la couverture pour l’entourer de ses bras.
Il déposa même un baiser sur le front de Michaëla et lui caressa le dos avec délicatesse comme s’il la massait.
En quelques minutes, elle s’endormit d’un sommeil paisible et réparateur. Sully avait peut-être remarqué que sa belle-mère les avait observés mais il ne fit pas un signe pour lui faire savoir si oui ou non il l’avait vue faire.
Élisabeth attendait maintenant avec impatience le lendemain pour avoir l’occasion de parler à sa fille.
Elle devait absolument leur montrer qu’elle approuvait leur mariage et leur vie si différente de la sienne. Elle devait aussi dire de Michaëla que ses mots à la suite du décès de Marjorie avaient dépassés sa pensée et elle devait avouer à Michaëla qu’elle avait eu tort de la condamner.
Bien sûr, elle espérait que sa fille comprendrait son point de vue et que Sully allait la soutenir.
Seulement, le doutait était en elle concernant l’état de sa fille car elle savait qu’elle était fatiguée et qu’elle aurait peut-être du mal à la comprendre.
Elle pensait pouvoir compter sur le soutien de Sully.
Sully avait finalement à s’endormir assez rapidement en tenant Michaëla dans ses bras, presque rassuré sur son état mental.
Le fait qu’elle dorme si paisiblement dans ses bras le rassurait, même s’il restait une chose difficile à faire.
En effet, elle refusait toujours de lui parler de Marjorie et de ce qu’il s’est passé pour elle avec sa mère.
Il était plus confiant en se réveillant ce matin-là avec Michaëla toujours blottie dans ses bras. Elle ne semblait pas avoir bougé de la nuit. Il fut surpris de voir Brian, Élisabeth et Katie réveillés. Il ne les avait pas entendus se réveiller.
Élisabeth lui fit un signe plutôt positif en lui demandant de ne rien dire. Il tenta de se sortir de l’étreinte de Michaëla sans la déranger mais elle renforçait son emprise sur lui.
Sans la brusquer, il réussit tout de même à s’asseoir.
Le silence les enveloppait, chacun respectant le sommeil de Michaëla, qui avait vraiment besoin de repos.
Ils virent le petit-déjeuner en silence encore une fois, après quoi Élisabeth demanda à Sully de lui parler, qui accepta en sachant qu’ils ne s’éloigneraient pas de la grotte.
« Je suis désolé de ne pas m’être réveillé pour m’occuper de Brian et de Katie. »
« Ne vous excusez pas. Vous aviez certainement besoin de vous reposer après avoir veillé sur Michaëla toute la nuit. »
Sully acquiesça, ayant du mal à accepter de se reposer alors que son épouse avait besoin de lui.
« Vous vous rappelez ce que je vous ai dit hier, je n’ai pas changer d’avis, Sully. Je vais parler à ma fille dès qu’elle sera réveillée. »
« Si cela peut lui permettre de se consoler, je ne suis pas contre. »
D’un commun accord, ils rentrèrent à nouveau dans la grotte comme s’ils avaient compris que Michaëla n’allait pas tarder à se réveiller.
« J’aurai dû le savoir. Je suis médecin, après tout. »
« Non, tu ne pouvais pas prévoir et je sais que je n’aurai jamais dû t’accuser, je m’en excuse. Pardonnes-moi, Michaëla. »
« Il n’y a rien à pardonner, mère. »
« Plus que tu ne le crois, ma chérie, crois-moi. C’est comme quand je te disais de t’éloigner de Sully, j’aurai mieux fait de me taire car il est la seule personne que tu écoutes. »
Sully la regarda pour voir quelle réaction elle avait face aux excuses de sa mère et sa dernière phrase n’était apparemment pas rentré dans l’oreille d’une sourde.
« Qu’est-ce que vous voulez dire, mère ? »
« Je regrette d’avoir mal jugé, Sully, et de lui en avoir voulu suite au soulèvement à la réserve. En fait, je comprends mieux pourquoi il a agi ainsi. »
Sully acquiesça, reconnaissant envers sa belle-mère, qui devait vraiment prendre sur elle pour admettre qu’elle avait eu tort.
« Merci, Élisabeth. » Lui dit-il.
« Maintenant, je crois que je vais aller rejoindre mon petit-fils et ma petite-fille. Vous avez besoin d’être en amoureux. »
Sur ce dernier mot, elle les laissa sans leur laisser leur temps de réagir.
Sully fut soulagé que sa belle-mère avait tenu la promesse qu’elle lui avait faite la veille lors de leur discussion.
Elle avait réussi à apaiser Michaëla, plus que surprise que sa mère fasse son mea-culpa, de plus en présence de Sully.
« J’avoue être plutôt surpris par les paroles de ta mère. Je crois que nous pourrons compter sur elle pour nous aider à partir de maintenant. »
« Si elle pense ce qu’elle a dit, je dois avouer que ma mère est en train de changer. »
« Pourquoi si ? »
De plus, Daniel devait aussi informer Matthew et Colleen de l’état de leur mère car ils s’inquiétaient eux aussi.
Sully se tira tant bien que mal de l’étreinte de sa femme, quand il vit Élisabeth, Brian, Daniel et Katie rentrer dans la grotte.
Daniel portait Katie dans ses bras tout en cherchant comment il pouvait commencer à parler. Ce qu’il avait à dire n’était pas évident mais il devait le dire quand même.
« Il faut déjà que vous sachiez que Matthew, Colleen et Rebecca vont bien. »
« Et Andrew, il s’en sort ? » Demanda Michaëla, confirmant sans le savoir les doutes de Sully.
« Il y a encore beaucoup de malades, mais avec l’aide de Rebecca et de Colleen, il s’en sort plutôt bien. »
Michaëla ne croyait pas un seul mot de la phrase de Daniel, mais elle savait exactement quelle serait la réaction de Sully si elle insistait pour retourner immédiatement.
D’ailleurs, Daniel prit les devants.
« Andrew veut que vous continuiez à prendre soin de vous. Vous ne devez pas aucun cas revenir en ville. »
Elle acquiesça, avait-elle d’autre choix ?
« L’Armée fuit la ville autant que possible mais elle continue de te rechercher Sully. Elle pense que tu pourrais profiter de l’occasion pour te montrer en ville. »
« Je ne suis pas aussi bête que ça. Je ne vais pas leur donner l’occasion de m’attraper. »
« Oui, c’est sûr que tu ne le feras pas. Je vous ai emmené des plats préparés par Grace. Elle veut absolument que vous les preniez. »
Sully acquiesça, reconnaissant et cherchant à déceler quelque chose dans les yeux de Michaëla. Il la pensait contrariée au sujet de l’Armée.
Daniel eut tôt fait de repartir pour la ville et tenir Matthew et Colleen au courant de l’état de leur mère. Sully sentit une contrariété chez Michaëla. Comme il s’y était attendu, elle s’en voulait d’être ici alors que l’on avait besoin d’elle.
D’ailleurs, jusque-là, elle était restée proche de lui et là, elle s’éloignait de lui. Bien sûr, durant la journée et la nuit précédente, elle s’était levée plusieurs fois pour aller satisfaire des besoins naturels, mais jamais pour une période longue.
Là, ça faisait plusieurs minutes qu’elle était partie et elle ne revenait pas. Sully savait et comprenait qu’elle avait besoin d’être seule et pourtant, il était inquiet.
Elle ne semblait pas dans son état normal depuis quelque temps et cela ne le faisait que se renforcer depuis la visite de Daniel.
Son cœur s’emballa à la pensée qu’elle puisse se trouver mal.
Élisabeth lui fit signe pour qu’il aille retrouver Michaëla et qu’il sache enfin ce qui n’allait pas.
Il sortit et alla vers l’endroit qu’il avait réservé aux besoins naturels et la trouva immobile et inquiète, comme il s’y attendait. Elle semblait même prostrée sur elle-même.
C’était plus fort que lui ! Il ne pouvait pas lui en vouloir de réagir comme ça et il ne pouvait pas la laisser dans cet état-là. Il se rapprocha d’elle et posa délicatement ses mains autour d’elle pour la consoler. Il avait l’impression de la déranger.
« Michaëla ? Je sais que tu aimerais pouvoir aider Andrew et Colleen à Colorado Springs mais ce n’est pas sage. »
« Ce n’est pas ça ! Et tu le sais. »
« Alors, dis-moi ce qui ne va pas. C’est à cause de l’Armée qui continue de me rechercher ? »
« Je ne peux plus le supporter Sully ! »
« Quoi donc ? »
« De ne pas pouvoir être avec toi quand je le souhaite. D’avoir toujours cette menace autour de nous. »
« Quand l’épidémie sera terminée en ville, je me rendrais. »
« Non, c’est beaucoup trop tôt ! Mère peut nous aider à trouver un avocat qui te sorte de là. Si tu te rendais aujourd'hui, l’Armée en profiterait pour te pendre haut et court. Je ne pourrais pas le supporter ! »
« Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme ça, surtout maintenant que ce bébé arrive. »
« Je sais que je vais continuer à me battre pour te sauver. »
« Je veux que tu continues à prendre soin de toi pour la suite de ta grossesse, pas que tu te mettes en danger. Tu as besoin de te reposer, c’est pour ça qu’Andrew t’a envoyée ici. Tant que tu es là, je peux veiller sur toi. »
« Je suis capable de prendre soin de moi, Sully. »
« En es-tu sûre ? Je n’aime pas te voir dans l’état dans lequel tu es arrivée ! »
Michaëla baissa la tête, sachant et n’osant pas lui dire à quel point il avait raison, surtout depuis qu’elle était arrivée ici. Devait-elle lui avouer la raison pour laquelle elle était si triste ou pas ? Il allait encore lui dire qu’il fallait qu’elle se repose !
Il lui fit face pour arriver à détecter la moindre de ses expressions. Il pouvait sentir le fait qu’elle lui cachait quelque chose et il devait absolument essayer de comprendre de quoi il s’agissait.
« Que se passe-t-il exactement, Michaëla ? »
Elle ne pouvait pas se résoudre à lui répondre.
« C’est le bébé ? Tu as mal ? Tu perds du sang ? »
« Oui, un peu. »
« Alors, tu vas venir nous rejoindre et tu vas t’allonger et tu vas prendre un peu de laudanum pour la douleur, d’accord. »
Elle se laissa guider par son mari.

 Le fait qu’elle perde un peu de sang et qu’elle ait quelques contractions les inquiétaient un peu mais Sully était persuadé qu’avec du repos, cela irait mieux.
Michaëla elle-même savait qu’il n’y avait pas de réelles raisons de s’inquiéter pour le bébé. Elle était sortie avec sa trousse et avait écouté le cœur du bébé. Non, le problème venait d’elle. Il était temps qu’elle s’écoute un peu plus.
Elle avait trop donné de ses forces pendant des mois et cela la rattrapait à ce moment-là. Heureusement, dans cette grotte en présence de sa mère, de son mari et de deux de ses enfants, elle pouvait largement se reposer.
D’ailleurs, elle savait que Sully allait faire en sorte de surveiller ses moindres faits et gestes pour qu’elle se repose véritablement. Il avait été des plus tendres quand il avait compris qu’elle n’allait pas bien, il l’avait soulevée dans ses bras et l’avait ramenée vers la grotte.
Blottie ainsi contre lui, elle avait savouré cette proximité plus que tout et l’avait laissé la poser sur le matelas et la recouvrir avec tendresse.
Élisabeth avait tout de suite compris que sa fille n’allait pas très bien et n’avait fait aucun commentaire, sûre que sa fille était dans les meilleures mains du monde.
Elle fut aussi soulagée de voir que son gendre cherchait le meilleur moyen de calmer sa fille. Car, bien sûr, Michaëla pleurait à nouveau, malgré sa certitude que le bébé allait bien, elle s’en voulait d’avoir agi sans réfléchir.
Sans la menace de l’Armée, peut-être, pensa Sully, se reprochant immédiatement d’avoir une telle pensée.
Michaëla ne pourrait pas supporter le fait qu’il se rende et qu’il affronte la Loi maintenant.

 

C’était une certitude pour lui, il devait admettre pour prendre une décision pour elle et pour leurs enfants. S’il pouvait seulement en arrière et ne pas commettre cet acte, Michaëla pourrait au moins vivre une grossesse sereine.
Mais non, il était trop tard ! Il fallait maintenant qu’il se montre présent pour elle.
Après l’avoir recouvert avec la couverture, il ne put pas s’empêcher de lui donner un baiser sur le front. Cette femme était tellement forte et avait besoin de lui et il devait la rassurer.
Il tendit sa main libre pour essuyer ses larmes qui continuaient à couler sur ses joues. Il n’aimait toujours pas la voir pleurer.
Élisabeth et les enfants observaient la scène en silence sans rien dire de plus. Brian et sa grand-mère savaient tous deux que Michaëla avait plus que besoin de Sully.
Élisabeth en venait même à se reprocher d’avoir voulu détourner sa fille de Sully, car en les voyant tous les deux, il était clair qu’ils étaient inséparables.
Brian, lui, pensait que Sully était le seul à pouvoir faire fléchir sa maman, qui voulait toujours en faire trop. Même si cela faisait quelques jours qu’il n’avait pas pu lui apporter son soutien, il savait qu’elle en faisait toujours trop pour ses patients.
La voir arriver en pleurant l’avait bouleversé au plus haut point. Il savait bien entendu qu’elle avait été triste quand elle avait dû l’opérer ou quand elle avait soigné Sully quand il avait été battu par Rankin ou après sa chute de la falaise plus récemment mais elle semblait toujours se remettre.
Peut-être était-ce trop pour elle. Il pouvait toujours s’occuper de sa petite-sœur pour eux ou aller chercher de la nourriture en forêt pour les aider.
« Michaëla, Sully, j’aimerai pouvoir vous apporter plus d’aide que je le fais depuis que je suis ici. »
« De quoi voulez-vous parler, Mère ? »
« Tu le sais aussi bien que moi, et vous aussi, Sully. Vous êtes tous les deux inquiets par rapport à l’Armée et je peux vous mettre en rapport avec un avocat que je connais très bien. »
Les yeux de Michaëla s’agrandirent face à cette annonce.
« Oui, je sais ce que tu penses, ma chérie, mais je veux faire en sorte que Sully soit libéré pour ton bien et celui de ton enfant. Je sais que vous avez l’intention de vous rendre, Sully, et je veux vous éviter de faire la plus grosse bêtise de votre vie. »
Il la dévisagea longuement. Ainsi, comme il l’avait craint, elle était parvenue à deviner ses pensées et elle faisait en sorte de le tranquilliser.
Michaëla n’avait pas besoin de se poser de questions sur ça en ce moment-là, elle faisait cela pour la rassurer elle aussi.
« Ce que je vous dis est sérieuse, Sully. Je connais des personnes qui peuvent vous aider et je vais les contacter dès que je le pourrais. J’ai déjà pris des contacts avant. Cela peut t’étonner, Michaëla parce que tu sais comment je suis mais votre situation me touche, surtout maintenant que tu attends un enfant. »
« J’ai toujours cru que mon choix de vie n’allait pas dans le sens où vous le vouliez, Mère. Habiter ici, m’établir en tant que médecin et épouser Sully n’allait pas avec vos convictions. »
« C’est sûr que j’attendais de toi autre chose mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas heureuse pour toi. La vie que tu mènes ici te rend heureuse. Tu as quatre enfants, bientôt un cinquième. En fait, ta vie est ici. Il m’a fallu attendre longtemps pour le comprendre mais je le sais aujourd’hui. »
Michaëla et Sully étaient interloqués.
Après avoir réussi à rassurer son épouse, Sully tournait comme un lion en cage en attendant impatiemment la visite de Daniel. Son cœur battait à toute allure. Daniel était plus ou moins ponctuel, donc à l’heure qu’il était il devrait être là.
Michaëla savait à quoi il pensait. Sully ne voulait absolument pas que son meilleur ami puisse être accusé de complicité alors qu’il ne faisait rien de mal.
Au bout d’un long moment, des pas de chevaux se firent entendre au loin et Sully se sentit un peu rassuré mais son cœur s’emballa à nouveau quand il vit la silhouette se dessiner. Il ne s’agissait pas de Daniel mais de Matthew.
Ce dernier se hâta vers son père dont il percevait l’angoisse et descendit de sa monture.
« Matthew ? Où est Daniel ? »
« Nous allons rentrer dans la grotte, si tu veux bien. »
« Explique-moi, Matthew. »
« Daniel est malade, il a la diphtérie. Il ne pourra pas venir dans les prochains jours. Andrew et Colleen s’occupent de lui. »
La réaction de Michaëla se fit pas attendre.
« Il faut que je retourne en ville. Je parviendrai peut-être à le soigner. »
« Il en est hors de question, maman. Andrew peut s’occuper de lui ! Il sait ce qu’il y a à faire et il insiste pour que vous continuiez à vous reposer ici. »
Michaëla fit la moue. Elle savait qu’elle n’était pas encore assez forte pour reprendre le travail.
« S’il vous plaît, soyez raisonnable. Andrew veut que vous vous reposiez encore. »
« S’il le faut vraiment. »
« Oui, et je vais faire en sorte qu’elle se repose, dis-lui bien Matthew. »
Sully était intervenu parce qu’il savait que Michaëla s’en voulait de ne pas pouvoir être présente alors que Daniel était malade.
D’ailleurs, dès que Matthew fut reparti en ville, elle trouva vite un prétexte pour s’éclipser et être seule.
Il est vrai que son prétexte pouvait s’avérer vrai car elle avait dit qu’elle allait se laver dans le bassin de source chaude qui se trouvait à proximité.
Sully, lui, ne savait pas quoi dire pour trouver le moyen de la rejoindre car il savait très bien que sa belle-mère comprendrait vite pourquoi il faisait.
Pourtant son intention n’était pas du tout de trouver une solution pour faire l’amour à sa femme mais plutôt de la consoler alors qu’elle se sentait impuissante.
Aussi fut-il surpris quand Élisabeth emmena les enfants en promenade en forêt alors qu’il était clair qu’elle ne connaissait pas les environs. Brian les connaissait beaucoup mieux qu’elle. Les deux enfants furent plus qu’heureux de s’aérer. Sully n’avait donc plus besoin de trouver un prétexte et sans plus réfléchir, il alla rejoindre Michaëla qui barbotait dans l’eau en sous-vêtements.
Ses yeux s’assombrirent de désir à la vue de son épouse assis au bord de l’eau en train se mouiller légèrement les bras, son petit ventre rond clairement visible sous sa culotte bouffante.
Les yeux de Michaëla rencontrèrent les siens et semblèrent le défier de rentrer dans l’eau pour la rejoindre.
Le doute ne fut pas en lui une seule seconde. Il quitta sa chemise et rentra dans l’eau en pantalon, se fichant de se mouiller car l’eau était agréable et l’air aussi.
Pas un seul mot ne fut dit dans l’espace de temps qu’il mit pour rejoindre Michaëla.
Elle ne baissa pas les yeux une seule seconde face à son regard perçant.
Assise comme elle l’était, elle n’eut pas d’autre envie que de s’immerger à nouveau pour être à son niveau.
Une fois dans l’eau, elle attendit pourtant que Sully soit près d’elle et se sentit beaucoup mieux une fois dans ses bras. Ses mains caressèrent les bras musclés de son mari et lui la rapprocha encore plus de lui.
« Est-ce que je t’ai déjà dit à quel point tu es belle ? »
« Je ne le suis pas ! Regarde-moi bien, je suis grosse. »
« Tu n’es pas grosse, tu es enceinte et cela te va à merveille. »
Elle enroula ses bras autour de son cou et se colla contre son corps pour lui faire comprendre qu’elle partageait son désir à lui.
« Serais-tu en train d’essayer de me séduire, Michaëla Quinn ? »
« Peut-être. » Dit-elle en déposant un baiser aux coins de ses lèvres.
« Tu joues avec le feu. Nous ne devrions pas faire ça. »
« Faire quoi, monsieur Sully ? Faire l’amour à votre femme parce qu’elle en meure d’envie et que vous aussi ? Je ne vois pas où est le mal ! »
« Dois-je te rappeler que je suis médecin et que je peux te dire que je me sens très bien ? Sully, je t’aime tellement, tu me manques. »
« Ça fait déjà quelques jours que nous sommes ensemble et nous nous sommes embrassés plusieurs fois, même devant ta mère. »
« Tu sais bien que ça ne suffit pas ! »
Elle se rapprocha encore et posa ses lèvres sur les siennes pour bien lui faire comprendre ce qu’elle voulait.
Bien sûr, il tenta de lutter, mais elle était si désirable et envoûtante. Ses baisers étaient si délicieux et en plus, il était sûr que personne ne viendrait les déranger avant longtemps.
Il tenta néanmoins de diminuer la tension amoureuse qui montait en lui, mais il sentait bien que ce serait difficile tant elle semblait déterminée.
Encore tous retournés par ce qu’ils venaient de vivre tous les deux, Michaëla et Sully n’osaient pas reprendre la parole de peur de briser la magie.
C’était comme s’ils attendaient ce moment d’intimité depuis longtemps et qu’ils pensaient que c’était la dernière fois qu’ils faisaient l’amour.
Néanmoins, quand il reprit enfin pied dans la réalité, Sully enfila rapidement son pantalon et enveloppa sa femme dans la couverture. Elle n’éprouvait aucun regret sur ce moment partagé avec son mari, même si elle savait qu’elle devait en garder un souvenir précieux car il était hors de question d’y penser dans la grotte en présence de sa mère et des enfants.
Et c’est d’ailleurs à cet instant-là qu’elle se rappela qu’ils étaient toujours dans la grotte et qu’ils avaient dû se poser des questions sur leurs parents.
« Ta mère a emmené Brian et Katie faire une promena dans les alentours. »
« Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant ?! »
« Je n’ai pas vraiment l’occasion de t’en parler. Ma femme était bien trop séduisante et irrésistible. »
Elle baissa les yeux, comme si elle se savait prise en faute.
« Il n’y a pas de raison d’avoir honte. J’ai passé un très bon moment en compagnie de ma femme et la mère de mes enfants. Après tout, on est mariés depuis assez longtemps pour pouvoir passer des moments intimes comme celui-là ensemble. »
« Mais tu avais un avantage sur moi, tu savais que nous ne pouvions pas être dérangés. »
« Ça n’a pas eu l’air de t’avoir perturbé. »
« Sully ! »
« Cesse de t’inquiéter, Michaëla, ta mère aurait fait, elle a d’ailleurs fait en sorte que nous puissions être ensemble. »
Sully, qui ne connaissait pas la raison réelle de sa tristesse se posa des questions sur la raison mais il en vint à conclure qu’elle était encore en train de s’inquiéter à son sujet.
Encore une fois, il se fit une réflexion. Si seulement je pouvais revenir en arrière. Mais il était bien trop tard pour cela.
Il était sur le point de lui poser la question, alors qu’ils étaient tous deux en train de revenir à la grotte, quand il vit Élisabeth, Brian et Katie.
La vieille dame lui fit un sourire discret auquel il répondit par un sourire crispé qui laissait bien deviner son inquiétude.
Elle prit à nouveau les choses en main en demandant à Sully de la suivre au dehors.
« Que se passe-t-il encore ? Ma fille est inquiète ? »
« Vous la connaissez assez bien pour savoir qu’elle est toujours inquiète à mon sujet ? Si seulement je pouvais revenir en arrière. »
« Vous savez bien que c’est impossible. À mon avis, il n’y a pas que ça qui s’inquiète. »
« Ah oui ? » Fit Sully, intéressé.
« Oui. Thanksgiving approche et je sais l’importance qu’à cette fête aux yeux de Michaëla et je sais aussi qu’elle n’a pas envie de la passer sans vous. »
« Nous n’arriverons à rien sans aide d’ici là. »
« Non, en effet, mais nous pouvons peut-être arriver à quelque chose avec l’aide de Daniel quand il sera guéri parce qu’il va guérir. »
Elle lui exposa son plan et le rôle qu’il allait devoir jouer pour qu’il marche.
Elle lui dit aussi de n’en rien dire à Michaëla tant qu’elle n’était pas sûr de sa réussite afin de ne pas la décevoir. En tout cas, elle comprit qu’une telle idée avait l’air de lui plaire, car un sourire apparut à nouveau sur son visage et elle en fut heureuse car elle avait au moins réussi à lui redonner le sourire.
En ville, Andrew faisait de son mieux pour soigner les patients encore atteints de la diphtérie. Le flot se réduisait peu à peu avec les jours qui passaient.
Colleen restait très disponible et faisait tout pour le seconder et Rebecca se révélait être une très bonne infirmière.
Daniel, lui, se remettait peu à peu de la maladie depuis qu’Andrew avait pris la décision de l’intubation et semblait sur la bonne voie de la guérison.
Les jours s’étaient écoulés depuis qu’Élisabeth avait pris la décision d’aider Sully à organiser Thanksgiving et Matthew avait pu avoir le temps d’informer du plan en ville.
Depuis les choses se mettaient en place. Daniel allait certainement pouvoir tenir son rôle. Le docteur Cook avait retenu son souffle après sa décision et il était soulagé jour après jour de voir l’état de son patient s’améliorer. Ce jour-là, il était vraiment soulagé de voir que Daniel était guéri.
Restait à savoir l’annoncer à Michaëla et Sully, très inquiets du sort de leur ami.
Matthew avait d’ailleurs bien compris que sa mère se sentait coupable et avait su le dire à Andrew et Colleen.
Pour le docteur Cook, l’essentiel était de faire en sorte de protéger Michaëla, qui restait fragile et de la contraindre encore au repos.
De toute façon, l’épidémie se finissait enfin mais la ville retenait son souffle aussi. Le nombre de victimes était impressionnant et la ville était meurtrie.
Le Révérend tenait à fêter Thanksgiving mais pas de la manière habituelle. Cette fois-ci serait plus dans le recueillement que dans la joie mais il fallait absolument continuer à se réunir et à être ensemble.
Daniel crut bon d’intervenir.
« Matthew a tout organisé pour que vous soyez tous réunis à Thanksgiving. On envisage d’inviter Andrew, je crois qu’on peut lui faire confiance et cela réjouirait Colleen. »
Michaëla, se trouvant devant le fait accompli, ne savait plus quoi dire. En effet, elle souhaitait plus que tout que toute sa famille soit réunie pour Thanksgiving, mais elle n’avait pas imaginé une seule seconde que ça soit possible.
Le fait que sa mère ait participé, à sa manière, à la mise en œuvre de ce plan pouvait bien une bonne fois pour toutes qu’elle les avait acceptés.
Son cœur se serra à cette pensée, il avait fallu un drame pour qu’elles se rapprochent et qu’elles se comprennent enfin. Les larmes lui montèrent aux yeux sans raison, et elle s’éclipsa le plus discrètement possible.
Discrètement, pas tant que ça, car tout le monde s’en aperçut. En un signe des autres, Sully fut vite à sa suite, essayant de la rattraper pour la réconforter.
Son cœur se serrait à l’idée que sa femme puisse pleurer alors qu’elle aurait dû se réjouir de passer un peu plus de temps avec lui.
En fait, il savait ce qui la perturbait à ce point-là.
Une nouvelle fois, il la trouva pas loin du bassin d’eau chaude en train de caresser son ventre rebondi.
« Tu n’es pas contente que nous ayons trouvé un moyen d’être ensemble à Thanksgiving ? »
« Bien sûr que si, si votre plan marche ! »
« Il n’y a pas de raison pour que cela ne marche pas mais ce n’est pas ce qui te bouleverse. »
« Je pense à tout ce nous avons dû traverser pour que ma mère accepte enfin notre vie, notre amour et notre façon de vivre ensemble.
« Ta mère veut que tu sois heureuse, Michaëla, elle a compris que ta vie est à Colorado Springs depuis longtemps. Elle sait aussi que tu souhaites être avec moi. Je peux comprendre pourquoi elle a réagi ainsi cependant ! »
« Pourquoi ? »
« Imagine ce que cela te ferait si tu apprenais que ton gendre était impliqué dans le soulèvement d’une révolte indienne, un peuple que tu ne connais pas. Je crois que tu n’accepterais pas. »
« Rappelle-moi que nous avons eu cette conversation si cela se produit avec Colleen ou avec Katie. »
« Je te le rappellerai. Mais je comprend pourquoi ta mère a toujours voulu le meilleur pour toi. Ce n’est certainement pas moi qui te l’apporte en ce moment. »
Derrière ces mots, elle comprenait ce que son mari ne pouvait pas dire.
« Tu m’as toujours apporté ce qu’il fallait, Sully. Quand je suis arrivée ici, j’essayais de trouver un moyen d’être médecin et d’être acceptée en tant que tel. J’ai dû m’occuper des enfants très vite mais j’étais loin de me douter que je rencontrerai l’amour. »
Sully ne dit rien, la laissant continuer sur ce chemin.
« Cet amour, tu me l’as offert, Sully. Je sais ce que tu as traversé avant de me connaître, et je voulais que tu sois heureux. J’ai aussi fait de jolies rencontres. Celle d’avec Oiseau Blanc restera en moi. »
Elle inspira en sentant les larmes lui monter aux yeux rien qu’à la pensée de cet ignoble attaque qu’avait subie le peuple Indien cette fois-là.
« Je ne veux pas qu’un tel massacre se reproduise, Sully … Il y a eu trop d’innocents qui sont morts à Washita pour laisser un tel acte se reproduise. Nuage Dansant aurait fini par se faire tuer si tu ne l’avais pas aidé à s’enfuir. Bien sûr, il y a une menace qui pèse sur vous deux, mais tu ne pouvais pas le laisser mourir sans rien faire. »
« Michaëla est retournée en ville. »
Ce n’était pas une question mais une affirmation de la part de l’Homme Médecine.
« Comment peux-tu le savoir ?! »
« Je sais tout, mon ami et je crois que tu as besoin de compagnie. »
« J’ai plutôt besoin d’être seul. »
« C’est ce que tu crois, alors que tu vas passer ton temps à t’inquiéter alors que cela ne change rien à la situation. Michaëla est bien plus forte que tu ne le crois. »
« Elle doit affronter tellement de choses en ville. »
« Je sais que Dorothy sera auprès d’elle quand il le faudra. »
Sully acquiesça. Si un soutien pouvait être utile pour Michaëla, c’était bien celui de Dorothy.
Cependant, la journaliste devait être auprès de Loren qui avait bien besoin de compagnie après avoir perdu Marjorie.
« Je sais à quoi tu penses, Sully. Forcément, Dorothy apporte son soutien à Loren, elle me l’a dit, mais elle s’inquiète aussi de Michaëla et je crois que tu peux compter sur Matthew et Daniel. »
« Daniel a d’autres choses à faire maintenant qu’il est revenu en ville pour me retrouver. Il va certainement devoir repartir bientôt. »
« Il ne partira pas tant que tu ne seras pas libre, Sully, tu le sais autant que moi. »
Sully baissa la tête. En effet, en plus de gâcher l’existence de Michaëla, il gâchait l’existence de Daniel en l’obligeant à rester à Colorado Springs.
Il avait tout gâché en organisant l’évasion de Nuage Dansant, pourtant il n’avait pas vu d’autres solutions à la sécurité de son frère.
Michaëla lui avait dit qu’elle comprenait pourquoi, qu’il n’y avait pas d’autre chose pour leur ami que cette évasion de Nuage Dansant.
Pendant que Nuage Dansant ne lâchait pas le chevet de Sully, Michaëla était elle aussi très entourée. Pour bien prouver qu’elle était de retour en ville, elle devait se montrer en ville aux plus d’habitants possibles.
Accompagnée de Daniel, qui ne comptait pas la laisser seule une seule seconde, elle s’était déjà rendue au magasin de Loren pour lui apporter une fois de plus son soutien.
Élisabeth, elle, s’était rendue au bureau du télégraphiste pour faire appel à ses connaissances. Ainsi, elle aussi se faisait voir pour couper court à toutes discussions.
Elle vit passer sa fille avec Daniel. Tous deux semblaient se diriger vers le restaurant de Grace. L’heure du repas était là et c’était l’endroit idéal pour se faire voir et pour parler. Élisabeth décida de rejoindre sa fille et Daniel. Katie, Brian, Colleen et Andrew arrivaient à ce moment-là.
Dès qu’elle aperçut son amie, Grace alla vers elle, très heureuse de la revoir. Elle prit même le temps de l’examiner avec attention pour pouvoir savoir si elle allait bien ou non.
Elle semblait avoir pris un peu de ventre et elle semblait un peu plus reposée, même si son air soucieux ne la quittait pas.
« Alors, Docteur Mike, vous voici de retour en ville. Votre séjour à Saint-Louis s’est bien passé ? »
Grace connaissait la vérité quant au lieu dans lequel se trouvait son amie pendant ces quelques jours mais elle devançait toutes les curiosités en trouvant une explication possible.
L’Armée était présente. Ainsi, elle avait satisfaction de connaître la destination du docteur pendant ces quelques jours. De plus, en la voyant de retour peu avant Thanksgiving, elle en devenait insoupçonnable à leurs yeux.
Et les enfants et sa mère étaient avec elle.
« Très bien. Ma mère a insisté pour que je me repose. Je voulais juste rentrer en ville avant Thanksgiving. »
Grace lui sourit et lui proposa le plat du jour. Une personne avait entendu cette conversation et n’allait pas se contenter de cette version.
Il s’agissait de Dorothy, elle aussi au courant de toute la situation, elle voulait en savoir plus. Aussi attendit-elle la fin du repas pour pouvoir aborder son amie.
Et puis, il fallait aussi trouver un endroit discret pour parler. Elle suivit son amie dès qu’elle partit du restaurant et attendit sur le porche de la clinique que la porte s’ouvre. Elle ne tarda pas à s’ouvrir sur le Révérend venu apporter son soutien.
Michaëla fit signe à Dorothy de rentrer et plutôt que de s’installer en bas, Dorothy fit comprendre à son amie qu’il fallait monter à l’étage.
La journaliste choisit une chambre au hasard et l’ouvrir pour s’y engouffrer avec sa meilleure amie.
Tout de suite, elle chercha à savoir ce qu’il s’était passé pendant ces semaines où elles ne s’étaient pas vues.
« Alors, c’était bien avec Sully. »
« J’aurai voulu pouvoir rentrer avec lui mais cela est impossible. Ça faisait longtemps que je n’ai pas pu être avec lui comme ça. »
« Je sais que ce n’est pas facile. J’ai vu Nuage Dansant hier. Il devait aller voir Sully pour lui remonter le moral après votre départ. »
« Je sais que c’est dur pour Sully, mais nous nous retrouvons demain, ce n’est pas si loin. »
« Cette année, je reste près de Loren. Nuage Dansant ne vient pas chez vous non plus. »
« Je sais ... »
Michaëla savait plus que tout autre que Nuage Dansant ne pouvait pas se permettre de se faire voir dans cette période-là.
« Je comprends pourquoi Nuage Dansant ne peut être présent. Et je pensais bien que vous alliez rester auprès de Loren. Vous êtes la seule personne à pouvoir le soutenir. Si seulement, il était possible de revenir en arrière. »
« Personne ne peut être sûr de ce qu’il se serait passé, Michaëla, vous n’avez pas à vous sentir coupable. »
« Tout le monde me le dit, même Sully. Il a tout tenté pour que j’arrête de me sentir coupable. »
« Il n’y est pas parvenu, à ce que je vois. »
Michaëla baissa la tête. Il est vrai qu’en présence de son mari, elle avait un peu réussi à oublier sa culpabilité dans le décès de Marjorie, mais la culpabilité revenait.
Elle savait à quel point Loren était affecté dans ce décès, et qu’elle ne pouvait rien dire ou faire pour la soulager.
« Au sinon, votre séjour était agréable ? »
« Je n’avais pas le droit de bouger et j’ai passé beaucoup de temps à me reposer. Sully était très présent. »
« N’en dites pas plus. Je sais à quel point il vous manque au quotidien ! »
Michaëla rougit. Il est vrai que la partie agréable était bien le fait qu’elle avait pu dormir dans les bras de son mari au quotidien.
Leur lien était intact malgré leur séparation et leurs baisers avaient été très prometteurs. Ils avaient même pu faire l’amour et cela lui manquait déjà.
Elle savait que, malgré les épreuves qui les attendaient avant de se retrouver pour de bon, mais elle savait aussi que leurs sentiments étaient toujours les mêmes.
Voilà qu’elle était en train de rêver toute éveillée en présence de sa meilleure amie. Et pourtant, il y avait encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir espérer se retrouver.
Encore heureux qu’elle avait réussi à convaincre Sully de ne pas se rendre. Elle savait que cela ne pourrait pas durer éternellement mais cela lui laissait le temps de se retourner.
« Ne vous inquiétez pas trop pour Sully, je suis sûre que vous réussirez à le sortir de là sans même vous en rendre compte. »
« J’aimerai que vous disiez vrai. Il a encore envisagé la possibilité de se rendre ... »
« Il est trop tôt pour cela, Nuage Dansant me l’a dit. Vous avez réussi à le convaincre d’attendre encore, n’est-ce pas ? »
« Oui, mais je ne vais pas réussir indéfiniment. Suly souffre de cette situation tout comme moi. Je sais qu’il s’en veut parce qu’il ne peut pas me surveiller. Il a peur que j’en fasse trop. »
« Il vous connaît bien ! »
« Je tiens à cet enfant, Dorothy, et je veux qu’il aille bien tout comme lui. Je ne peux pas rester inactive face à cette situation-là. »
« Vous jouez un jeu un peu dangereux. Pour Sully, vous devez avant tout vous reposer pour votre bien et celui de votre bébé. Je suis sûre qu’il vous a demandé de vous reposer. »
« Vous le connaissez bien ! »
« Vous devez l’écouter, Michaëla ! Je ne veux pas dire par là que vous devez rester sans rien faire, mais vous pouvez le faire sans vous épuiser. »
Michaëla réfléchit. En effet, cela était possible, ainsi elle n’inquiéterait pas son mari, et elle pourrait continuer à travailler.
Il fallait vraiment qu’elle adopte cette solution mais elle ne savait pas encore que cela n’allait pas être possible !
Katie dévisagea sa mère comme si elle cherchait la vérité dans ses yeux. Elle hocha la tête.
« En attendant, tu vas aller dormir. »
Elle allait se lever pour aller mettre sa fille au lit mais sa mère s’approcha d’elle à ce moment-là.
« Laisses-moi m’en occuper, Michaëla, tu ferais mieux d’aller au lit toi aussi. »
« Je vais y aller, mère, mais je ne suis pas sûre d’arriver à dormir. »
« Il va pourtant falloir que tu essaies ! Je suis sûre que Sully veut que tu te reposes ! »
« Je ne peux pas dire que vous avez tort. »
Les paroles de son mari au moment de leur séparation lui revenait en tête. Il voulait qu’elle se repose.
Michaëla se laissa embrasser par sa mère et décida de gravir l’escalier pour aller dans sa chambre après avoir embrassé ses autres enfants.
Matthew et Brian devaient dormir dans la grange tous les deux parce que Brian avait laissé son lit à sa grand-mère.
Colleen et Rebecca allaient dormir dans la même chambre et Daniel campait en bas.
Toute la famille avait apparemment décidé cela en son absence et elle savait que ça ne servirait à rien de les convaincre de faire autre chose.
Pourtant, son cœur se serra quand elle entra dans sa chambre vide. Quelqu’un manquait à ce tableau de famille et c’était une personne essentielle !
Elle ferma la porte et ouvrit l’armoire pour prendre sa chemise de nuit et elle tomba sur les chemises de son mari.
Elle se déshabilla et ne put résister : elle prit une chemise de Sully et se glissa dedans.
Ainsi, son odeur était avec elle.
Katie le regarda avec un sourire à faire chavirer le cœur de son père. Sully l’embrassa sur la joue et observa attentivement le visage de son épouse. Elle avait quelques cernes autour de ses yeux, mais semblait aller bien.
La connaissant, il savait qu’elle n’avait pas dormi beaucoup cette nuit et qu’elle avait passé une partie du matin à demander à tout le monde si tout était prêt.
Élisabeth vint prendre sa petite-fille dans ses bras et les laissa en tête-à-tête quelques minutes. C’en fut assez pour Sully. Il s’approcha encore plus de sa femme et l’embrassa sur le front.
« Ça va ? »
« Très bien, surtout depuis que tu es là. »
« Tu as encore l’air fatigué. Tu as peut-être repris le travail un peu trop tôt. »
« Tu veux rire ! Dois-je te rappeler le temps que j’ai passé avec toi dans la grotte ? »
« Dois-je te rappeler dans quel état tu es arrivée et que tu attends un bébé ? »
« Je vais bien et le bébé aussi ! »
« Tu en es sûre ?! »
« Oui. »
Sully chercha la vérité dans ses yeux. Elle ne semblait pas mentir pour l’instant mais quelque chose lui disait de garder un œil sur sa femme, que quelque chose allait arriver, et l’empêcherait de se reposer.
Il se secoua mentalement. Il aurait assez de temps pour y réfléchir plus tard. Il devait se réjouir de la possibilité de passer ce jour avec sa famille. Il espérait que la prochaine fois qu’il serait ici, ce serait en homme libre.
Élisabeth regardait sa fille et son gendre sans le faire savoir. Elle aussi avait remarqué l’excitation de sa fille ce matin et elle comprenait sans avoir besoin de l’entendre que Sully cherchait à la calmer.
Elle avait fait parvenir un télégramme à un avocat qu’elle connaissait bien pour essayer de régler le problème de Sully mais elle avait peu d’espoir.
Néanmoins, il leur restait une solution pour parvenir à la fin de ce conflit, et elle était prête à aider sa fille si nécessaire.
De leur côté, Michaëla et Sully continuaient à être proches l’un de l’autre et Sully avait même réussi à conduire sa femme vers un fauteuil pour la faire asseoir, une première depuis le matin.
Colleen, elle, s’activait aux fourneaux avec l’aide de Rebecca, qui se révélait parfait cuisinière.
Le repas avançait à grand pas et la vaisselle la plus belle fut sortie et mise sur la table.
Katie, elle, s’était mise à jouer avant de se rapprocher de son père, qui avait fini par la prendre dans ses bras pour un câlin qu’ils apprécièrent tous les deux, et qui arracha quelques larmes à Michaëla.
Dans la famille, il était clair qu’elle n’était pas la seule à qui Sully manquait et elle devait recommencer à se battre pour que Sully sorte de ce problème.
Elle ne voulait pas y penser aujourd'hui, ce n’était pas le moment mais elle allait reprendre le combat avec ténacité.
Elle allait reprendre les courriers et les télégrammes et contacter les personnes qui pouvaient les aider.
Elle savait pouvoir compter sur le soutien de sa mère, même si elle ne savait pas qu’elle avait déjà contacter plusieurs personnes qu’elle connaissait.
Le repas fut prêt sans que Michaëla s’en rende compte, trop perdue dans ses pensées. Ce fut quand Colleen appela tout le monde qu’elle réalisa qu’elle avait tout simplement oublié d’en vérifier que tout était en place mais elle devait reconnaître que tout était parfait.
Les places attribuées à table avaient été décidées de façon à ce que Sully et Michaëla soient face-à-face.
D’ailleurs, Sully n’allait pas manquer l’occasion pour chercher la vérité une réponse dans les yeux de sa femme.
Le moment le plus émouvant du repas fut certainement le moment des prières où chaque main se relia avec celle de son voisin et où Michaëla remercia Dieu de leur avoir permis d’être en famille pour Thanksgiving et eut une pensée émue pour sa sœur.
Seul Sully put s’apercevoir de sa réelle émotion en la regardant car elle la balaya vite pour les autres.
Ses yeux bleus n’avaient pas quitté les siens et il avait eu accès à beaucoup de sentiments.
Encore une fois, son cœur se serra en réalisant que la peine qu’elle ressentait, c’était à cause de lui qu’elle l’avait.
Pourtant, toutes les personnes réunies autour de cette table – ses enfants, la mère et la sœur de Michaëla, Andrew et Daniel – n’avaient que des sourires pour lui, comme si tous cherchaient à le consoler.
Il se concentra à nouveau sur Michaëla, qui lui souriait tout à coup. Elle était bien sûr heureuse de l’avoir auprès d’elle ce jour-là.
Après le repas – il ne savait pas encore comment – il fallait qu’il trouve le moyen d’être seul avec elle et aussi qu’il réussisse à la convaincre d’aller se reposer.
Tout un programme certainement facile à réaliser, sauf peut-être avec de l’aide.
Elle ne protesta pas. Elle aurait été stupide de ne pas accepter les attentions amoureuses de son mari.
Elle ne pouvait pas faire comme si elle ne souhaitait pas qu’il soit aussi attentionné. Elle pouvait dire qu’il était encore inquiet de son état.
Ses yeux bleus ne lâchaient pas les siens et semblaient lui transmettre un message d’apaisement. Elle n’avait pas vraiment pris le temps de se reposer depuis ce matin et il lui rappelait une chose essentielle pour elle et pour leur bébé.
Assise dans son fauteuil, elle s’accrocha aux yeux de son mari et se rapprocha un peu de son visage.
Elle l’embrassa délicatement et il ne put s’empêcher de prolonger ce baiser. Il avait envie de l’avoir dans ses bras pour l’éteindre et de l’embrasser.
Il était heureux d’être là pour veiller sur elle et l’obliger à se reposer. Mais cela l’inquiétait pour les jours à venir.
Il ne serait pas là pour la surveiller et elle en ferait trop comme à son habitude. Sa promesse de se reposer ne durerait pas longtemps. Il pouvait compter sur le soutien de ses amis pour veiller sur elle heureusement.
Il la fit lever pour se glisser à sa place et la faire asseoir sur ses genoux. Il l’entoura de ses bras et elle se blottit contre son torse.
Il posa une de ses mains sur son ventre et la fit un peu voyager sur sa rondeur.
« Le bébé a besoin de se calmer. Peut-être que si sa maman se calmait, ça l’aiderait. »
Elle ne commenta pas, appréciant simplement le fait d’être dans les bras de son mari.
Appuyée ainsi contre son torse, elle aurait presque pu se convaincre que le temps était revenu en arrière ou que rien n’était arrivé.
Elle appréciait tout ce qu’elle partageait à ce moment-là. Ses bras l’entourant, ses baisers amoureux, sa façon de veiller à ce qu’elle aille bien, elle appréciait tout.
Sully lui aussi appréciait ce doux moment. Il avait tellement envie de la prendre dans ses bras pour l’entourer d’amour et de tendresse.
Il la sentait s’appuyer de plus en plus contre lui et se fondre dans ses bras. La fatigue commençait certainement à peser sur elle.
Il la laissa s’endormir contre lui.
D’ailleurs, il décida de rester ainsi dans le fauteuil et la regarda pendant son sommeil. C’était quand elle baissait la garde et qu’elle lui montrait son côté fragile qu’il l’aimait le plus. Lui plus que tout autre ce qu’elle avait dû franchir comme obstacle pour parvenir à être acceptée comme médecin.
Et pour cela, elle avait mis de côté sa vie de femme. Il était heureux d’être entré dans sa vie pour changer tout cela.
Le temps passa assez rapidement jusqu’au moment où Michaëla se réveilla et fut surprise d’être toujours dans les bras de son mari, qui la tenait fermement.
Elle se retourna plusieurs fois pour le regarder le fixer et essaya même de se lever mais il l’en empêcha. Il planta un doux baiser sur son front.
« Tu as bien dormi ? »
« Hum, hum, mais tu n’aurais pas dû me laisser m’endormir comme ça ! »
« Et pourquoi ça ? Tu étais certainement fatiguée. »
Elle secoua la tête. Ce n’est pas ce qu’elle voulait dire.
À voir le jeune docteur aussi à l’aise, elle ne doutait pas un seul instant de sa sincérité. Elle avait été surprise d’apprendre que c’est le jeune docteur était à l’origine de la décision d’emmener sa fille dans la grotte où se trouvait Sully et les enfants.
Pour avoir eu cette idée-là, il devait les soutenir avec autant d’acharnement, et était prêt à tout.
Elle savait qu’après son départ et après que Sully soit libéré, la situation serait idéale. En attendant, elle pouvait compter sur chacun d’entre eux pour veiller sur Michaëla dans l’avenir.
De son côté, Andrew, justement, observait le couple formé par Michaëla et Sully, admiratif de leur lien. Il se félicitait d’avoir permis à ce couple si particulier de passer du temps ensemble. Cela avait eu l’air bénéfique. Même si elle semblait remise, Michaëla avait toujours besoin de repos.
Par contre, elle avait l’air un peu plus souriante même si la mort de Marjorie la touchait encore. Assise sur les genoux de Sully, elle souriait et profitait de chaque instant passé avec lui comme si elle cherchait à prendre tout ce qu’il y avait à prendre avant son retour dans la clandestinité.
Et Andrew se donnait un rôle, celui de veiller sur sa collègue et de la forcer à se reposer. Avec l’aide de Colleen et de Matthew, ils pourraient l’obliger à se reposer.
Daniel pourrait aussi y veiller à la demande de Sully et resterait ce lien entre Michaëla et Sully. Et Andrew allait continuer à travailler, Michaëla, surtout maintenant que Preston avait accepté – sous la contrainte – qu’il reprenne son cabinet médical.
Le docteur Cook avait émis quelques conditions que le banquier avait été obligé d’accepter.
La journée de Thanksgiving était sur le point de s’achever. Sully ne faisait pas un geste. Michaëla avait compris qu’il allait pour la nuit et s’éclipser de bon matin en toute discrétion.
Élisabeth, Rebecca et Andrew étaient rentrés en ville. Seul Daniel allait rester dans la grange avec Matthew.
Même si Sully, après avoir eu une conversation avec son meilleur ami, lui avait assuré qu’il ne risquait pas de se faire prendre et que ce n’était pas la première fois qu’il se glissait dehors de bon matin en silence, cela n’avait pas changé.
Avec un signe de tête, après voir vu Colleen et Brian se retirer pour la nuit, Daniel et Matthew décidèrent de se rendre dans la grange. Tous deux resteraient en lien avec le futur papa pour l’informer de tout ce qu’il se passait chez lui.
À nouveau seuls, Michaëla et Sully étaient pourtant assez éloignés l’un de l’autre. Michaëla s’occupait comme elle le pouvait en essayant de rester loin de son mari.
La vaisselle était faite depuis longtemps et elle essayait de trouver autre chose. Après avoir été dans les bras de son mari une bonne partie de la journée, elle cherchait à s’éloigner.
En fait, elle redoutait de se retrouver seule le lendemain. Sully ne souhaitait pas la voir s’enfoncer dans la dépression tout de suite. Peut-être cherchait-elle à se protéger ?
Néanmoins, il fallait lui redonner confiance en l’avenir.
Il se rapprocha d’elle en la prenant dans ses bras.
« Sully, qu’est-ce que tu fais ? »
« Je profite de ma femme, je peux ? »
« Tu vois bien que je suis occupée. »
« Tu cherches surtout à me fuir. Mais c’est le moment de la journée qu’on appelle la nuit. »
Sans attendre de réponse, il la souleva dans ses bras pour l’emporter dans leur chambre.
Sully se leva avec hésitation tant il redoutait de devoir mettre fin à ces jours exceptionnels et privilégiés. Pourtant, le jour allait bientôt se lever et l’Armée allait être à pied d’œuvre immédiatement.
Michaëla aussi était éveillée et était blottie dans ses bras, redoutant elle aussi ce moment. Elle respirait l’odeur du corps de son mari, voulant s’imprégner de tous ces moments dont elle pourrait se servir dans les jours à venir.
Elle pourrait encore compter sur le soutien de sa mère et de sa sœur quelques jours mais les deux femmes allaient devoir repartir à Boston à un moment ou à un autre.
Sully savait que Michaëla ne dormait pas et ils n’avaient pas besoin de parler pour deviner les pensées de l’un et de l’autre.
« Il va falloir que j’y aille. Je ne veux surtout pas que tu risques quoi que ce soit par ma faute. Je repasserai ce soir. »
« Non, ne prends pas de risques toi non plus ! »
« Je serai là à nouveau ce soir et tu ne m’en empêcheras pas ! »
Elle n’obtiendrait pas gain de cause, elle le savait. Elle avait confiance en lui pour prendre toutes les précautions nécessaires. Sully approcha sa bouche et de celle de sa femme pour lui donner un baiser à couper le souffle.
Il était clair qu’ils avaient du mal à se séparer. Pourtant, ils avaient tous deux l’impression que quelque chose allait se passer dans les prochains jours.
Sully se leva et mit ses vêtements tout en observant sa femme dont il devinait la tristesse. Il s’assit à nouveau sur le lit pour se rapprocher de sa femme et l’embrasser une dernière fois. Elle savoura ce baiser qui n’en finissait pas et le laissa partir …
Il ne s’était pas retourné une seule fois, il avait préféré agir ainsi. Il avait dit au revoir au reste de la famille la veille au soir.
Sans se retourner, il avait au moins pu continuer à avancer car un seul regard vers Michaëla l’aurait fait reculer.
Elle aussi préférait qu’il soit parti de cette manière. Il fallait qu’ils se séparent, ils n’avaient pas le choix. Si rien ne venait le contraindre à faire autrement, il viendrait le soir-même.
Elle espérait qu’il le pourrait. Cette première journée sans lui allait être dure, elle le savait et elle allait faire semblant que tout allait bien.
Certaines personnes n’allaient certainement pas la croire car elles la connaissaient très bien. Sa mère n’allait jamais croire qu’elle allait bien, ni Rebecca, ni Dorothy.
Ce n’était pas grave, elle allait faire comme elle le souhaitait et reprendre sa vie de médecin.
Là, à la clinique, elle n’aurait pas à faire semblant car ses patients lui donneraient une occasion de se changer les idées. Andrew allait lui faire un rapport détaillé de l’état de ses patients et lui conseiller de se reposer un peu plus dans les mois à venir pour être le mieux en forme pour la naissance du bébé.
Elle allait y réfléchir sérieusement. Elle avait besoin de repos, elle devait l’admettre de s’évader n’allait pas être une décision facile.
Ainsi, elle ne tiendrait pas la promesse faite à Sully si elle continuait à travailler sans compter. Que devait-elle faire ? Que pouvait-elle faire ?
Son cœur s’emballa d’un seul coup.
Finalement, le jour où elle devait rejoindre Sully arriva plus vite que Michaëla le croyait. Elle avait très peu dormi la nuit comme elle s’y attendait car elle appréhendait un peu de se retrouver face à Lune Noire et son peuple.
Daniel avait essayé de la rassurer. Avec la présence de Sully auprès d’elle, tout allait bien se passer.
Comme elle s’y attendait, Matthew avait pris les devants pour préparer le chariot et lui éviter de la fatigue.
Elle pouvait compter sur Colleen, encore en congés, pour s’occuper de Katie pendant son absence qu’elle essaierait de rendre moins longue.
De toute façon, elle avait toutes les choses en main pour parvenir à un accord avec les indiens. Son cœur battant fort dans sa poitrine suite à son départ de la maison.
Sully devait la rejoindre au bout d’un moment et l’aider à poursuivre le chemin vers le camp de Lune Noire. S’il le fallait, il ferait diversion.
Il n’avait pas l’intention de lui faire prendre de risques plus que nécessaire pour aller soigner les Renégats.
Son mari apparut devant ses yeux quand elle prit un tournant pour rejoindre la forêt.
« Sully, tout va bien ? »
« Oui, sois prudente avec le chariot, s’il te plaît. »
« C’est ce que je fais. Matthew a tout préparé pour mon départ et Daniel me soutient pour cela. »
« Je sais qu’il doit inventer une histoire pour couvrir une absence. Il fera tout pour nous. »
Elle acquiesça. Elle se sentait un peu soulagée d’être sur la route avec son mari.
Il avait le don de la mettre en confiance et de la rassurer. Elle qui se sentait si fébrile au réveil retrouvait un peu de sérénité et le bébé réagissait à son angoisse en se manifestant de plus en plus.
Son souffle s’accélérait un peu après un temps. On entendait un bruit de chevaux aux alentours. Comme tous deux s’y attendaient, les soldats étaient en train de patrouiller pour essayer de voir s’ils pouvaient attraper un indien.
« L’armée est sur les dents. Elle sait que les Renégats sont de retour et elle les cherche. »
« Ne t’inquiète pas pour moi, ils ne m’attraperont pas. »
« Ils savent que tu es dans les parages. »
« Tout se passera bien. Tu as encore un peu de distance avant de tomber sur le campement indien, tu peux y parvenir, non ? »
« Ne t’inquiète pas. »
Il s’éloigna un peu et créa un diversion pendant qu’elle continuait son chemin vers le campement.
Elle tremblait un peu pour Sully car elle avait peur qu’on l’attrape mais elle avait confiance en sa capacité à se faufiler.
Nuage Dansant fut vite à ses côtés quand elle s’approcha des tentes et il l’aida même à descendre du chariot tout en lui expliquant les symptômes des indiens assez rapidement.
Elle eut d’ailleurs vite fait de se faire une idée sur la maladie qui les ravageait.
Ce n’était pas réjouissant et elle comprit en le regardant dans les yeux que Nuage Dansant le savait aussi.
Il y avait une seule chose à faire, essayer de vérifier les soupçons et les soigner au mieux, même si ce ne serait pas facile.
Les heures et les jours à venir s’annonçaient assez difficiles pour eux.
Michaëla examina attentivement le visage du guerrier renégat. Il cachait quelque chose mais elle savait d’avance qu’elle ne pourrait pas le découvrir tout de suite.
« Il faut essayer de parler à l’armée pour essayer de trouver un accord. Il faut que mon peuple retourne au nord. Il n’y a que là qu’il pourra venir en paix. »
« Je peux essayer de leur parler si vous le souhaitez. »
« Vous êtes certainement la seule personne qu’elle écoutera même si la situation de votre mari n’est pas enviable. »
Michaëla posa la main sur son ventre, le bébé bougeait et regarda son mari.
Tous deux mirent fin d’un commun accord à l’entretien qu’ils avaient avec Lune Noire. Il fallait qu’ils réfléchissent pour voir ce qu’ils pouvaient envisager.
Nuage Dansant les apostropha pour leur désigner l’endroit ou une tente avait été montée à leur intention. Michaëla ne devait pas retourner en ville tout de suite.
Elle fut heureuse de l’attention dont elle bénéficiait de la part de l’homme médecine.
Sully d’ailleurs la conduisait vers la tente, il fallait qu’ils parlent tous les deux.
Il poussa le pan de la tente et la força à rentrer à l’intérieur. Il y entra à sa suite.
Puis il la prit dans ses bras. Il en avait besoin et elle aussi car elle s’accrocha à lui. Combien de temps et d’épreuves leur faudrait-il encore traverser avant d’être ensemble et tranquilles ? Quand pourraient-ils encore apprécier le fait d’avoir un autre bébé ? A quand le retour à la vie normale, entourés de leur famille et de leurs amis ?
Il la souleva dans ses bras pour la poser sur la couverture disposée par terre à leur intention. En fait, il avait été chercher des feuilles pour les disposer sur le sol pour son confort.
Elle semblait fatiguée, il devait prendre soin d’elle et il le fit avec plaisir. Elle le regarda avec amour. Il avait bien compris qu’elle semblait préoccupée par le sort des Renégats qui n’allaient pas bien. Elle voulait le meilleur pour eux.
Il la reconnaissait bien. Dès qu’elle avait appris qu’elle avait avoir besoin de se rendre de ce peuple, elle n’avait pas hésité une seconde.
Elle regarda les yeux bleus, elle était contente d’être en sa présence, il lui avait tellement manqué.
Elle s’assit pour essayer de l’atteindre. Malgré la situation, elle avait envie de profiter de lui, de son attention et de son amour. Lui, il avait envie de l’entourer d’amour et de tendresse, pour tenter d’effacer les jours de souffrance qu’elle devait subir pour être avec lui.
Personne ne pouvait effacer ce qu’il avait fait, personne ne pouvait revenir en arrière, mais ils pourraient tout de même aller en avant.
Irrésistiblement, il s’approcha d’elle et posa sa bouche sur la sienne en un très long baiser qui avait pu n’avoir pas de fin s’ils n’avaient pas entendu Nuage Dansant les appeler.
Il voulait parler à Sully d’une vision qu’il avait eue et qui lui posait problème.
« Sully ? »
« J’arrive. » Dit-il. Il fit signe à Michaëla de se repose en attendant.
« Qu’est-ce que tu voulais me dire ? »
« Je suis un peu préoccupé par Michaëla. Elle a l’air fatiguée. »
« J’ai bien vu cela. J’ai fait le nécessaire pour qu’elle se repose tant qu’elle est ici. »
« Tu dois prendre soin d’elle, Sully. »
« Pourquoi tu me dis ça ? Tu as eu une vision des Esprits ? »
« Je l’ai juste vu allongée à l’arrière du chariot la main sur le ventre. »
« Tu veux dire que le bébé risque quelque chose ? »
« Je ne pense pas, non, car je vous aussi vu tous les deux avec un bébé dans les bras et ce n’était pas Katie. »
« Donc, que veux-tu que je fasse ?! Tant qu’elle est ici, je peux arriver à l’obliger à se reposer mais quand elle sera de retour en ville, je ne serai plus auprès d’elle. »
« Ne t’inquiète pas trop. Tu seras auprès d’elle dans ce moment-là. »
« Je l’espère. »
« Nous arriverons à un accord avec l’armée. »
Sully ne répondit pas à cette dernière intervention de Nuage Dansant car pour cela, il fallait que Michaëla soit capable de négocier. Il savait que même si elle était fatiguée, elle donnerait tout pour le peuple et pour lui, même au prix de sa santé.
Heureusement que Daniel allait faire en sorte de la couvrir le plus possible en ville.
Son soutien leur serait très utile dans les prochains jours si certains trouvaient l’absence de Michaëla trop longue. Mais ils avaient aussi plusieurs alliés de poids avec Andrew, Loren et aussi Hank.
Car le barman, derrière ses manières de rustre, allait tout faire pour aider la femme médecin. C’était elle qu’il voulait aider.
Sully avait observé le visage de sa femme dans son sommeil et avait imaginé ce qu’il pourrait se passer dans les jours à venir.
Il remerciait Nuage Dansant de lui avoir dévoilé ses visions mais il ne pouvait pas s’empêcher de voir ces images.
Michaëla se réveilla et aperçut le regard de son mari. Elle savait qu’il s’inquiétait pour elle au quotidien.
Elle devait avouer qu’elle se sentait un peu fatiguée et qu’elle avait vraiment besoin de repos. Et pourtant, il fallait qu’elle tienne encore le coup si elle voulait aider les Indiens au mieux.
Elle allait s’asseoir mais la main de Sully lui imposer à rester couchée …
Elle soupira. Sully avait déjà tout compris et pourtant, il faudrait refaire surface à un moment ou à un autre.
Son cœur s’accéléra car elle voulait épargner son mari. Il avait besoin de toutes ses forces pour arriver à se sortir de ce mauvais pas.
Sully se pencha sur elle et l’embrassa délicatement sur le front. Il ressentait le besoin de l’entourer de tendresse. Elle lui manquait au quotidien. Leur séparation devait depuis trop longtemps.
En plus, avec la grossesse de Michaëla, il ressentait le besoin d’être plus avec elle pour veiller sur elle.
Mais il leur fallait affronter d’autres choses avant de pouvoir être réunis pour de bon.
« Reste allongée, mon amour. »
« Je vais bien, Sully, tu n’as aucune raison de t’inquiéter. »
« Et pourtant, je le suis. »
« Je sais que tu l’es ! »
« Je n’arrête pas de me demander si tu vas bien et je n’ai aucun moyen de le savoir. »
« Je le sais mais je prends soin de moi. »
« En es-tu sûre ? Je ne te crois pas ! Tu n’as jamais su t’arrêter, je sais comment tu es. Tu as besoin de te reposer. »
« Ma mère est partie hier. Elle n’arrêtait pas de dire la même chose que toi. Elle va tout faire pour nous aider. »
« Je sais qu’elle le fera. »
« De quoi as-tu peur ? »
« Tu le sais très bien. »
Elle le comprenait. Il n’avait pas besoin de lui dire et si elle était honnête avec elle-même, elle savait qu’elle avait tort de vouloir continuer à tout faire sans même se reposer. Mais elle voulait n’avoir rien à se reprocher par la suite.
Ça ne lui ressemblait pas de faire marche arrière ou de rester inactive dans une période comme celle-ci.
C’était elle qui avait insisté pour qu’il ne se rende pas et qu’il reste en clandestinité. Elle voulait le sauver. Elle voulait vivre avec son homme pour leur enfant à venir.
S’il s’était rendu à l’époque, il risquait la prison. Elle savait que Sully ne pourrait pas survivre longtemps enfermé.
Elle avait un plan en tête, dont il ne fallait pas lui parler pour l’instant.
Sully la connaissait assez pour savoir qu’elle ne l’écouterait que tant qu’elle serait avec lui. Donc, il fallait faire en sorte qu’elle reste assez longtemps pour qu’elle se repose un peu, même s’il lui faudrait veiller sur les indiens.
En fait, rien n’était mieux pour elle et il ne savait plus quoi faire pour lui épargner cela.
« Vous savez très bien où j’étais, monsieur Simon vous l’a dit. »
« Oui, en effet. Quel est le sujet de votre conversation ? Je suis un homme occupé, madame Sully, j’ai d’autres choses à faire. »
« Vous allez avoir cinq minutes à m’accorder. Les Indiens veulent un passage pour retourner dans les Territoires du Nord. »
« Ils veulent détruire l’armée et les habitants de cette ville. Je souhaite leur reddition. »
« Ils promettent qu’ils n’attaqueront plus le village et les habitants ! »
« Ce ne sont que des promesses, des mots. On sait très bien à quoi s’attendre avec eux et ne croyez pas que j’oublie l’implication de votre mari dans ce conflit. Dois-je vous rappeler que couvrir un fugitif est passible de prison. »
« Aucun besoin, général ! »
Elle lui tourna le dos, ne voulant pas en attendre plus. Elle avait compris plus que ce qu’il en disait. Il fallait faire venir Welland Smith et retourner auprès de Lune Noire pour lui dévoiler ce plan.
Ce plan devait marcher. Elle en avait assez de devoir se cacher pour voir Sully.
Néanmoins, elle devait attendre un peu pour lui annoncer les conclusions de l’entretien avec le général afin de ne pas éveiller les soupçons de l’armée.
Il n’y avait rien à espérer.
Sully ne voulait pas qu’elle risque quelque chose elle-même dans ce conflit. Il ne voulait pas qu’elle fasse de prison. Il ne voulait pas que le bébé risque quelque chose.
Il fallait qu’elle fasse attention !
Il avait le don de la mettre en confiance et de la rassurer. Elle qui se sentait si fébrile au réveil retrouvait un peu de sérénité et le bébé réagissait à son angoisse en se manifestant de plus en plus.
Son souffle s’accélérait un peu après un temps. On entendait un bruit de chevaux aux alentours. Comme tous deux s’y attendaient, les soldats étaient en train de patrouiller pour essayer de voir s’ils pouvaient attraper un indien.
« L’armée est sur les dents. Elle sait que les Renégats sont de retour et elle les cherche. »
« Ne t’inquiète pas pour moi, ils ne m’attraperont pas. »
« Ils savent que tu es dans les parages. »
« Tout se passera bien. Tu as encore un peu de distance avant de tomber sur le campement indien, tu peux y parvenir, non ? »
« Ne t’inquiète pas. »
Il s’éloigna un peu et créa un diversion pendant qu’elle continuait son chemin vers le campement.
Elle tremblait un peu pour Sully car elle avait peur qu’on l’attrape mais elle avait confiance en sa capacité à se faufiler.
Nuage Dansant fut vite à ses côtés quand elle s’approcha des tentes et il l’aida même à descendre du chariot tout en lui expliquant les symptômes des indiens assez rapidement.
Elle eut d’ailleurs vite fait de se faire une idée sur la maladie qui les ravageait.
Ce n’était pas réjouissant et elle comprit en le regardant dans les yeux que Nuage Dansant le savait aussi.
Il y avait une seule chose à faire, essayer de vérifier les soupçons et les soigner au mieux, même si ce ne serait pas facile.
Les heures et les jours à venir s’annonçaient assez difficiles pour eux.
Néanmoins, elle devait annoncer la décision de l’armée aux Indiens, ainsi qu’à Nuage Dansant et Sully.
Aucun d’eux ne s’attendait à ce que cela se règle facilement avec un accord avec l’armée. Dès qu’il l’avait rejoint à l’entrée de la forêt, Sully avait compris qu’elle avait des mauvais nouvelles.
La fatigue se lisait sur son visage comme dans un livre ouvert. Elle avait besoin de repos. Et pourtant, elle devait affronter Lune Noire pour le lui dire. Elle ne s’imaginait pas que cela allait lui révéler sa grave maladie.
Elle alla le voir tout de suite, accompagnée de Sully et lui rapporta les paroles du général.
« Ils veulent que je me rende, c’est cela ? »
Michaëla acquiesça.
« Alors, je le ferai. J’en ai marre de lutter. Je veux que mon peuple puisse vivre en liberté. »
« Mais je peux faire venir Welland Smith pour voir s’il peut m’aider à vous permettre d’être libres. »
« Ça ne suffira pas et vous le savez ! »
C’était à ce moment-là qu’elle le vit en train d’étouffer une toux persistante. Sully sortit quand il comprit qu’elle voulait avoir une confirmation de son état de santé.
Elle eut vite fait et elle ressortit avec la mine sombre. Sans même lui poser de questions, Nuage Dansant et Sully comprirent.
« Il n’y a rien à faire ? » Demanda l’Homme Médecine.
« Je peux essayer de le faire tenir en vie encore quelques jours. »
Sully comprit.
« Il a une tuberculose foudroyante. Il a caché tant qu’il a pu sa maladie et a préféré que ses homme soient soignés avant lui. »
« Il est prêt à se sacrifier pour son peuple. » Remarqua Sully.
Michaëla pensait exactement la même chose que lui. Lune Noire acceptait de se rendre à condition que son peuple puisse accéder librement aux Territoires du Nord.
Il allait falloir qu’elle retourne en ville, qu’elle attende l’arrivée de Welland Smith pour régler la situation.
Sully décida d’accompagner un peu sa femme. Elle avait besoin de lui parler et lui aussi.
« Rassure-toi, Michaëla, maintenant que Lune Noire accepte de se rendre, il y a un espoir pour les Indiens. »
« Oui, ils pourront enfin vivre libres. »
« Qu’est-ce qu’il y a, Michaëla ? »
« Je veux la paix pour le peuple indien, je veux la sécurité pour Colorado Springs mais plus que tout, je veux que tu reviennes à la maison auprès de moi et des enfants. »
« Je sais tout cela et nous nous occuperons de mon cas après les Indiens. »
« Quand ?! Quand ce moment arrivera-t-il, Sully ?! »
« Quand les Indiens seront en sécurité dans les Territoires du Nord, je me rendrai. »
« Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. »
« Si, il nous faudra l’affronter tôt ou tard. »
« Non, nous pouvons encore ... »
« Non, ma décision est prise, je me rendrai, point final ! »
Elle se serra dans ses bras, il fallait qu’elle fasse quelque chose pour le sauver avant qu’il ne se rende. Il fallait qu’elle le sauve.
Heureusement, Dorothy avait réussi à convaincre Michaëla de reprendre le combat. Elle avait retrouvé une énergie qu’elle ne pensait pas retrouver.
Tout le monde pensait qu’elle n’en pouvait plus et fut donc surpris de la voir aussi en forme.
En fait, elle cachait cette fatigue incessante et qu’elle ne voulait pas écouter. Tout comme le bébé qui manifestait sa présence. Elle avait eu le télégramme de la part de Welland Smith qui annonçait son arrivée le plus rapidement possible.
D’après les nouvelles, il serait là le lendemain.
Elle qui désespérait d’avoir des nouvelles du président Grant voyait enfin une réponse à ses demandes incessantes.
Elle en fut donc soulagée, même si elle savait que l’angoisse serait au rendez-vous car il y avait cette incertitude en elle quant à la possibilité de trouver un accord.
Même avec Welland Smith, il serait difficile d’obtenir ce qu’elle souhaitait réellement. Mais elle se devait d’essayer et de tout faire pour y parvenir.
Daniel se proposait d’être à ses côtés pour ce moment de pourparlers pour la soutenir. Et Matthew allait encore et encore étudier la possibilité de s’appuyer sur ses livres de droit.
Il fallait trouver la faille et enfin parvenir à quelque chose. Michaëla avait besoin de parvenir à un accord.
Dans son dos, ses amis se réunissaient de temps en temps pour voir s’il était possible de l’aider sans qu’elle le sache. Tous ceux qu’elle connaissait était prêt à la soutenir quoi qu’elle fasse et ils savaient tous qu’elle se fatiguait.
Colleen avait prévu de rester aussi longtemps que possible avec Andrew, ils avaient mis en route une organisation pour l’aider et se reposer.
Élisabeth écrivait à certaines personnes sans qu’elle le sache et elle faisait en sorte de les tenir au courant des avancées qu’elle parvenait à obtenir.
Daniel restait le lien et sa position de shérif lui permettait d’avoir plus de poids. Il en remerciait Sully car c’est de lui que venait cette idée.
Même si cela les plaçait dans des positions opposées car l’un représentait la Loi et l’autre était recherché, Daniel n’en avait pas abandonné son objectif.
Il était hors de question pour lui de laisser tomber son meilleur ami au moment où celui-ci en avait le plus besoin. Il fallait qu’il l’aide d’une manière ou d’une autre.
En étant présent auprès de Michaëla, il serait un appui de tout instant.
Elle avait besoin de lui comme de personne et il lui donnerait la force de se sortir de ce mauvais pas et de faire ses propositions sans état d’âme.
Si elle ne faisait pas cette proposition, elle ne se respecterait pas. Il fallait qu’elle le fasse !
Matthew souhaitait lui aussi être présent en tant qu’avocat et c’est pour cela qu’il étudiait les textes de Loi. Elle n’avait pas refusé sa présence auprès d’elle. Elle serait entourée des deux hommes. Et l’Armée n’avait que le général pour se défendre et pour faire la part des choses, il y avait Welland Smith et cela aurait un impact.
Il était plus proche de Sully que de l’armée. Et cela leur serait peut-être utile. Son coeur battait fort à cette perspective et elle ne savait pas qu’elle serait soumise à rudes épreuves le lendemain. Comment pouvait-elle faire pour parvenir à ses fins ?
Son arrivée en ville ne passa pas inaperçue comme Michaëla l’avait espéré. La nouvelle avait vite fait le tour de la ville.
Même Hank avait décidé de faire des siennes aujourd'hui.
« Alors, Michaëla, on va défendre les peaux rouges. »
Mais il arrêta ses remarques aussi vite qu’il les avait lancées quand il vit son visage. Elle n’était pas en état de lui répondre comme il l’avait espéré.
Il fit un clin d’œil à Loren qui s’apprêtait à lui répondre pour lui dire de se taire car il avait compris.
Dorothy aussi avait remarqué la pâleur de Michaëla et elle alla vers elle pour lui parler.
« Michaëla, vous allez bien ? »
« Oui. Mais qui suis-je pour parler au nom des Indiens ? »
« La personne la mieux placée pour cela, Michaëla. Vous êtes le seule à leur témoigner de la sympathie. Vous verrez, tout se passera bien. »
Michaëla hocha la tête, incertaine d’elle-même. Daniel arriva à ce moment-là et alla la saluer et lui glissa :
« Sully est de tout cœur avec vous. Il a confiance en vous. »
Elle le savait, elle n’avait pas besoin qu’on lui dise. Daniel oubliait volontairement de lui dire que Sully était inquiet pour sa femme et qu’il lui avait demandé de prendre soin d’elle en son absence.
Daniel se rapprocha de Michaëla pour poser une main sur son épaule. Il ne savait pas comment Sully avait pu le deviner mais il avait raison sur une chose.
Il fallait prendre soin de Michaëla et rester à ses côtés pendant cette réunion pour la soutenir.
À ce moment-là, Welland Smith arrivait par le train pour essayer de régler cette affaire. Il avait été accueilli à la gare par un jeune homme qui lui avait dit être le fils de la personne qui devait parler au nom des Indiens.
Il savait qu’il s’agissait de sauver Byron Sully et que celui-ci était recherché par l’armée. Il voulait aider ce jeune homme qui lui avait paru bien placé pour la paix.
Son cœur s’accélérait face à l’imminence de la rencontre, elle se sentait dépassée. Elle ne savait pas comment aborder certains sujets.
Et ce fut à cet instant-là que Welland Smith arrivait pour se présenter à elle. Cette femme avait du style et de la classe malgré son ventre rond.
La réunion se prépara dans l’effervescence et Michaëla se retrouva assise autour de la table sans même se rendre compte comment elle pouvait se trouver là.
Le général avait déjà exposé ses volontés, c’était maintenant à elle de les exposer.
« Le traité doit donner la liberté aux Indiens et un droit de passage jusqu’aux Territoires du Nord. »
Le général était d’accord et donc tout allait pouvoir se mettre en place, mais Michaëla avait un effet de surprise à annoncer.
« L’accord doit inscrire en lettres claires la grâce de mon époux Byron Sully. »
« Nous ne pouvons inclure le cas de M. Sully dans cet accord. Il doit être jugé. »
« Le président compte sur moi pour qu’un accord soit conclu et cela dépend de vous. »
Welland Smith s’était tourné vers le général et celui-ci était plus que content d’avoir Lune Noire et il avait déjà un plan en tête.
Michaëla avait pris le chariot pour se rendre à l’endroit où elle devait retrouver son mari pour lui annoncer la nouvelle.
Elle était impatiente, malgré son anxiété récente qu’elle pouvait encore ressentir en elle.
Sully, lui, trouvait le temps long en attendant qu’elle arrive. Il était inquiet pour elle, pour le bébé, pour tout. Peu lui importait, en fait, qu’un accord soit trouvé entre les Indiens et l’armée parce qu’il n’avait que peu d’espoir mais il la voulait en bonne santé.
Aussi fut-elle soulagée et lui aussi quand ils furent l’un en face de l’autre.
Michaëla fut attendrie par la prévenance de son mari à son égard quand il la fit descendre du chariot.
« J’ai réussi à trouver un accord. Les Indiens vont pouvoir accéder aux Territoires du Nord en toute tranquillité. »
« C’est très bien. »
Elle avait envie de lui annoncer. Il n’attendait que ça.
« Et tu es libre, Sully. Libre ! »
Il avait du mal à comprendre ce mot mais quand il en saisit la portée, il la souleva dans ses bras, et la fit tournoyer autour de lui.
« Sully, doucement, je ne suis plus toute seule. »
Il réalisa ce que cela voulait dire, et la posa à terre.
« Comment tu as fait ?! »
Elle souleva un sourcil, comme pour le mettre au défit de trouver à redire.
Elle se mit à sourire, tout était enfin réglé.
L’émotion la gagna peu à peu quand elle se rendit compte de ce qu’elle avait réussi à faire. En fait, elle avait réussi ce qu’elle voulait faire : libérer son mari.
Si elle n’avait pas réussi, il se serait rendu !
Sully la rapprocha de lui, fier d’elle. Malgré la fatigue évidente qui se lisait sur son visage, elle avait accompli ce qu’elle attendait le plus au monde.
Il l’embrassa sur le front et chercha à relever son visage pour pouvoir lui exprimer la gratitude qu’il ressentait. Elle planta ses yeux pleins de larmes dans les siens et il l’embrassa avec douceur, ayant peur qu’elle s’effondre dans ses bras.
Elle se raccrocha à lui quand elle sentit un vertige la saisir. Il y avait trop d’émotions en elle, trop de tout.
« Nous devrions aller rejoindre Nuage Dansant pour lui annoncer. » Dit Michaëla.
Elle espérait qu’en marchant, ce malaise qui la saisissait la quitterait.
Il n’en fut rien car elle titubait et s’accrocha à son mari qui s’était bien rendu compte de son mal-être.
« Ça va ? »
Elle le regarda courageusement en acquiesçant. Après tout ce combat, ce n’était pas vraiment le moment de se laisser aller.
Sully la souleva dans ses bras pour la porter vers le campement cheyenne.
Nuage Dansant les attendait avec impatience, incertain de l’accord obtenu ou non.
« Tout va bien ? » Demanda-t-il quand il les vit arriver ainsi.
« Il ne doit s’agir que de fatigue. » Dit Michaëla en regardant son mari dans les yeux.
« Il ne doit s’agir que de fatigue. » Dit Michaëla en regardant son mari dans les yeux.

« Michaëla a réussi à obtenir la liberté pour ton peuple et pour moi. »

Sully ne pouvait pas s’empêcher de sourire malgré l’inquiétude évidente qu’il ressentait pour sa femme.

Nuage Dansant leur indiqua un tipi pour que Michaëla puisse s’allonger mais celle-ci voulait aller voir Lune Noire pour constater son état.

« Mon malaise est passé. » Dit-elle pour les rassurer.

Sully n’eut pas d’autre choix que de la poser à terre pour la laisser agir à sa guise.

Elle alla vers le tipi du chef des Renégats et fut consterné par le visage qu’il présentait.

Il était pâle et transpirant. Cela se voyait clairement qu’il était fiévreux et que son état ne s’arrangeait pas. Sully et Nuage Dansant l’avaient accompagnée et surent que la situation était désespérée.

Mais Michaëla avait une solution pour cacher les symptômes de Lune Noire et de lui permettre de se sentir mieux quelques jours.

Elle décida de l’opérer. Même si sa rémission ne serait que temporaire, elle le faisait pour son bien, puis elle lui expliqua avoir obtenu l’accord de l’armée contre son arrestation.

Le chef en fut soulagé pour son peuple. Il voulait absolument tenir jusqu’au jour de l’échange qui devait avoir lieu dans deux jours.

Michaëla laissa les instructions à son mari et sortit du tipi.

Elle devait maintenant rentré en ville.
Michaëla se sentait toujours pas à l’aise. Elle avait fait le nécessaire pour soulager Lune Noire pour lui aider à accomplir ce qui lui tenait à cœur.
Sully la raccompagna aussi loin qu’il le put. Il lui tardait tant de la retrouver au quotidien pour prendre soin d’elle. Elle avait montré des signes de fatigue aujourd'hui, surtout après lui avoir annoncé sa liberté.
Elle ne prenait pas assez soin d’elle, c’était certain. Ils approchaient de leur maison et il allait falloir se séparer.
Elle descendit du chariot par elle-même sans attendre qu’il vienne l’aider et il sauta du cheval pour la rejoindre. Il la serra dans ses bras.
« Il faut que je rentre. Nous n’avons que quelques jours à attendre pour être ensemble. »
« Je sais. » Dit-elle.
« Tu vas bien ? »
« Oui, je suis heureuse d’avoir pu obtenir ta liberté. »
« Moi aussi. Je ne sais pas comment tu as pu y parvenir. »
« Welland Smith m’a beaucoup aidée. Le fait que tu connaisses le président nous a aidés. »
« Je lui dois beaucoup, c’est vrai et je te dois beaucoup. »
« Je souhaite autant que toi que tu reviennes à la maison. Je suis épuisée par cette lutte incessante entre l’armée et les Indiens. »
« Moi aussi, mais je crois que tu es épuisée plus que par ça. »
« Peut-être. »
« Ton malaise de tout à l’heure m’inquiète, Michaëla. Tu dois prendre soin de toi et du bébé. »
« Ne t’inquiète pas, je vais bien. »
« Je n’en suis pas aussi sûr que toi. »
« Ce n’était rien, juste de l’émotion. »
Sully ne semblait pas convaincu. Il savait qu’elle lui cachait la vérité. S’il pouvait avoir un moyen de lui faire voir par les habitants.
Ce fut à ce moment-là qu’il vit le Docteur Cook arriver vers leur maison accompagné de Colleen.
Michaëla en fut décontenancée mais fit face car elle savait qu’elle pouvait faire confiance en son collègue.
Sully et elle n’avaient en effet pas trop fait attention à leurs environs quand ils s’étaient approchés de la maison. Ils savaient que trop que l’armée avait levé la garde car elle voulait Lune Noire.
Ils n’avaient pas pensé au fait que quelqu’un pouvait venir à la maison. Il ne s’agissait que d’Andrew, donc ils furent soulagés. Michaëla voulait prouver à tout le monde qu’elle allait bien et marcha seule vers la maison mais elle éprouvait de nouveaux des vertiges.
Sully n’était pas loin derrière elle, maintenant son approche envers elle et il la retint quand il vit qu’elle partait vers l’avant.
« Sully, qu’est-ce que tu fais ? Je vais bien ! »
« C’est pour cela que tu fais des malaises sans cesse ! »
Andrew s’approcha d’eux pour leur faire signe de rentrer dans la maison et Sully posa délicatement sa femme sur un fauteuil.
« Alors comme ça, Michaëla, vous avez fait des malaises aujourd'hui ? »
« Seulement deux. »
« Alors, il va falloir que je vous examine pour savoir si tout va bien. Tout malaise doit mener à un examen médical. Une objection ? »
Michaëla était sur le point de protester mais quand elle croisa le regard de son mari, elle préféra se taire.
« Sully, vous feriez mieux de l’emmener dans votre chambre. »
« Je vais vous préparer quelque chose à manger, je suis sûre que maman n’a encore rien mangé. » Dit Colleen, voulant se rendre utile.
Sully lui en fut reconnaissant. Ni Michaëla ni lui n’avait pensé à partager le repas des Indiens. Sully voulait à tout prix emmener sa femme se reposer au plus vite et tous deux semblaient préoccupés par l’état de Lune Noire.
Andrew suivit le couple en silence. Il comprenait que tous les deux avaient d’autres soucis en tête.
Bien sûr, ils savaient qu’ils pouvaient faire confiance au jeune docteur qui ne dirait à personne que Sully était dans leur chambre et leur maison.
Sully déposa son épouse sur le lit. Quelque chose lui disait de rester auprès d’elle mais il allait devoir se résoudre à rentrer au camp indien.
« Sully, installez-vous auprès d’elle. »
Le futur papa comprit le non-dit. De toute façon, il n’avait pas l’intention de partir sans savoir si elle allait bien ou non.
Andrew posa son stéthoscope sur le ventre de sa collègue, écoutant attentivement, puis il écouta le cœur de sa patiente, tout cela dans un silence religieux.
Sully essayait de décrypter toutes les expressions sur le visage du jeune docteur, cherchant à se rassurer mais il ne parvenait pas à comprendre.
Quand il le vit soulever la robe de Michaëla pour l’examiner plus attentivement, son cœur s’emballa.
Mais Andrew restait toujours imperturbable …
Michaëla savait ce qui n’allait pas avant même qu’Andrew lui dise.
« Bon, tout semble aller bien pour votre bébé, vous ne perdez pas de sang et le cœur du bébé bat régulièrement. »
« Mais ? » Dit Sully.
« Vous l’avez remarqué autant que moi, Sully, et Michaëla le sait aussi. Il faut du repos. »
« Andrew, il faut absolument que je sois présente lors de l’échange entre l’armée et Lune Noire. »
« Je suis d’accord avec vous, Michaëla, sans aucune réserve. »
Il allait ajouter autre chose mais Sully le devança.
« Il serait mieux qu’elle se repose le plus possible jusqu’à ce que ce jour-là. »
« C’est tout à fait cela. »
« Colleen est en train de préparer à manger, je vais aller la rejoindre. »
« Je vous accompagne, Sully. »
Michaëla comprit qu’Andrew avait encore quelque chose à dire à Sully qu’il ne voulait pas dire devant elle. Elle savait qu’il ne s’agissait pas de la santé du bébé.
Cela la concernait elle. Avait-il compris ?
Les deux hommes descendirent des escaliers et s’arrêtèrent arrivés dans le salon.
« Je devais vous parler, Sully. »
« Que vouliez-vous me dire, Andrew ? »
« Michaëla a besoin de vous, de votre présence. Elle essaie bien sûr de le cacher surtout maintenant que vous allez être libre mais elle est fragile psychologiquement. »
« Je vous promets de m’occuper d’elle quand je le pourrais. »
« Restez avec elle cette nuit ».
Sully comprit ce qu’il ne disait pas.
Michaëla se demandait ce que les deux hommes pouvaient se dire qu’elle ne devait pas entendre.
Elle savait que cela ne concernait pas le bébé car elle avait confiance en Andrew et en son diagnostic médical. Mais elle se posait d’autres questions.
Andrew avait-il compris quelle nostalgie elle ressentait ? Avait-il compris qu’elle avait besoin de Sully auprès d’elle cette nuit ?
Après cette lutte pour arriver à la faire libérer, elle le voulait auprès d’elle tout de suite, elle ne voulait plus attendre.
La fatigue pesait sur elle mais elle était incapable de dormir sans savoir si Sully restait cette nuit ou pas.
Sully remontait lentement vers leur chambre. Andrew était resté pas loin de Colleen pour laisser Sully rejoindre sa femme. Colleen allait leur monter leur repas et s’effacer tout aussi rapidement.
Michaëla caressa son ventre. Le bébé était agité mais elle savait pourquoi. Son anxiété se reflétait sur le bébé. Elle était perdue dans ses pensées quand Sully ouvrit la porte de la chambre lentement.
Il l’observa attentivement quand il referma derrière lui. Elle était dans ses pensées et elle était inquiète. Le bébé devait bouger car elle caressait son ventre.
Il ne pouvait pas la laisser comme ça.
Il se glissa à ses côtés et posa doucement sa main sur son épaule pour la tirer de ses pensées en toute douceur.
« Michaëla ? »
« Sully, sursauta-t-elle. Je croyais que tu étais encore avec Andrew ! »
« Non. Ne t’inquiète pas au sujet de ce que tu m’as dit. Tout va bien ! Je vais rester cette nuit. »
« C’est dangereux, Sully. »
« Non. L’armée ne va pas chercher à m’arrêter dans les prochains jours. Ils veulent Lune Noire à tout prix. »
« Si tu le dis. »
« Michaëla, ne me repousses pas alors que c’est ce dont tu as besoin le plus au monde. Nous avons le droit d’être ensemble. »
Alors que Michaëla s’apprêtait à répliquer, Colleen frappa et entra avec le repas.
Elle leur sourit pour les rassurer et eut tôt fait fait de les laisser seuls en les rassurant pour la fermeture de la maison. Elle leur dit aussi qu’elle allait garder Andrew dans une chambre pour la nuit au cas où.
Sully sourit et ne fit aucun commentaire. Il s’attendait à quelque chose dans ce genre de la part de Colleen.
Il se pencha vers sa femme dès que leur fille eut refermé la porte.
« Manges un peu, tu en as certainement besoin. »
Elle acquiesça, mangeant un peu mécaniquement, imitée par Sully. Par contre, quand elle arriva à la tarte aux pommes, ses yeux s’agrandirent d’envie et elle savoura chaque bouchée devant un Sully qui l’observait amoureusement.
Il ne put s’empêcher de déposer un baiser sur sa bouche et elle savoura cette étreinte comme un cadeau. Quand elle finit la deuxième part, elle se coucha contre les oreillers.
Sully suivit le mouvement. Il posa une main sur le ventre de sa femme.
« Il est agité, non ? »
« Hum ! »
« Si on reste très tranquille, il devrait se calmer et te permettre de te reposer. »
Sully avait été aux petits soins de sa femme toute la nuit, ne s’octroyant que très peu de repos. Heureusement, elle avait bien dormi à son plus grand soulagement.
Il était quand même inquiet pour elle car ils avait qu’Andrew ne l’avait pas alerté pour rien.
Sa présence au soir l’avait beaucoup aidé à s’apaiser et il espérait que ce serait encore le cas ce matin.
Bien sûr, il allait devoir rejoindre Nuage Dansant et Lune Noire pour les rassurer et pour pouvoir assister à cet échange mais il savait qu’il pouvait compter sur les enfants.
Justement, ils venaient de descendre en bas et de voir Matthew et Brian qui avaient passé la nuit en ville.
Tous deux avaient su instantanément que cela voulait dire et avaient apporté leur soutien à leur père.
Michaëla allait être très entourée pendant les deux jours qui séparaient l’accord trouvé et cela le soulageait.
Cette dernière se réveilla seule dans leur lit, redoutant que Sully soit parti sans lui dire au revoir pourtant elle put entendre son mari parler avec les enfants et elle sut qu’elle était le sujet principal de leur discussion.
Elle s’inquiétait pour elle-même. Ça ne lui ressemblait tellement pas de ressentir de telles choses. Ça devait être l’accumulation des derniers mois qui ressortait.
Elle savait qu’elle devait arrêter de déprimer, surtout maintenant qu’elle avait enfin réussi à obtenir un accord avec l’armée.
Mais elle avait tellement peur que cela ne se passe pas comme prévu, que quelque chose vienne tout remettre en cause. Elle savait qu’elle ne supporterait pas si tout ne se passe pas comme prévu.

Comme mû par un sixième sens, Sully ouvrit la porte au moment où Michaëla pensait à toutes les choses négatives qui pourraient les empêcher de se retrouver. Et son inquiétude ne passa pas inaperçue aux yeux de son mari.
« Tout va bien ? »
« Oui. » Dit-elle trop rapidement.
« Ne me mens pas. À quoi tu penses ? »
En la regardant dans les yeux, il put déceler ses pensées intimes. Il la comprenait si bien si c’en était déconcertant.
« Tu ne dois pas te poser de questions sur cet échange, tout se passera bien et nous serons ensemble pour toujours. »
« L’armée est tellement imprévisible. »
« Ils veulent tellement faire du cas de Lune Noire un exemple qu’ils ne vont rien tenter avant. »
« S’ils venaient à découvrir sa maladie avant ... »
« Non, il n’y a aucun risque. Nuage Dansant et moi veillerons à ce qu’il prenne le laudanum de manière répétée. »
« Je sais, j’ai confiance en vous. »
« Alors, tout ira bien. Maintenant, est-ce que tu te sens assez bien pour descendre nous rejoindre en bas ? Les enfants aimeraient te voir. »
« D’accord. »
« Andrew est avec eux, je dois dire qu’il est plus présent auprès de Colleen que jamais. »
Michaëla ne fit aucun commentaire car elle savait ce que Sully sous-entendait une relation plus qu’amicale entre leur fille et le jeune docteur.
Il semblait le souhaiter pour leur fille et il ne pouvait leur donner tort.
Il l’accompagna en bas en silence, en réfléchissant aux jours suivants.
Un accord silencieux avait été passé entre Sully et les enfants, elle le savait. Elle ne savait pas comment elle aurait pu tenir si les enfants ne l’avaient pas soutenue pendant ces deux jours.
Parce que Sully avait dû se résoudre à partir pour rejoindre les Indiens, même s’il était resté tout le matin suivant l’accord.
Maintenant, à l’aube de cette journée qui s’annonçait angoissante, Michaëla ne tenait plus en place.
Elle avait tenu à suivre les recommandations du Docteur Cook car elle se sentait fatiguée mais elle avait comme un sixième sens qui lui disait qu’il y avait une autre épreuves qui les attendaient. Elle s’était levée tôt pour faire les tartes préférées de Sully pour son retour à la maison.
Colleen l’avait trouvée debout alors qu’elle avait prévu de tout arranger pour que tout soit propre avant son lever. Cela l’inquiétait au plus haut point.
Elle avait réussi à être passive pendant ces deux jours d’attente mais l’énergie qu’elle avait déjà dépensé la rattrapait apparemment même si elle ne l’admettrait pour rien au monde.
Elle étouffa un bâillement et il fallait qu’elle tienne. Sully rentrait à la maison aujourd'hui et tout devait être parfait. Bien sûr, s’il avait été là, il l’aurait freinée dans ses tâches mais il n’était pas là.
« Maman ? »
« Oui, Colleen. »
« Vous devriez vous reposer un peu. N’oubliez pas votre promesse. »
« Je me sens bien ce matin, Colleen. Et je veux que tout soit parfait pour Sully. »
« Vous savez très bien que Sully ne veut pas que vous vous fatiguiez inutilement. Il sera simplement heureux de tous nous retrouver. »
« Je le sais, Colleen, mais j’ai besoin de m’occuper. »
« Tout se passera comme prévu ! »
« Je l’espère, Colleen, je l’espère ! »
Personne ne pourrait faire taire son angoisse. Il fallait que les heures passent assez rapidement.
Andrew était arrivé peu après cet échange entre la mère et la fille et trouva sa patiente un peu trop agitée. Il s’attendait un peu à la trouver dans cet état-là et il ne pouvait pas faire grand-chose pour la calmer.
Heureusement, l’heure se rapprochait et Katie se réveilla et obligea sa mère à s’asseoir un petit peu car elle voulait une histoire de bon matin.
En fait, elle semblait réagir à l’anxiété de sa mère, et le bébé aussi. Michaëla avait tenu à habiller sa fille mais Colleen l’avait fait avant elle. Le docteur Mike voulait que Katie sait élégante pour son mère mais au fond d’elle, elle savait que Sully allait leur fille belle.
Quand il fut l’heure d’aller en ville, Michaëla sentit une boule se former dans son estomac et elle savait que cela ne s’apaiserait qu’après l’échange. Elle décida de faire face.
L’accueil des habitants fut très différent selon les personnes qu’ils croisaient. Les amis étaient soulagés de la revoir et de savoir que les attaques allaient s’arrêter. Les ennemis, eux, disaient que Sully n’avait pas été assez puni.
Et il y avait ceux, comme Hank, qui préférait se taire.
Heureusement, Michaëla se sentait entourée par sa famille. Même sa mère était heureuse de ce dénouement. Elle pouvait compter sur la présence de Welland Smith pour l’appuyer. Le cœur battant à tout rompre, elle s’approcha du lieu d’échange avec angoisse et même avec l’envie de vomir.
Elle se sentait nauséeuse et déjà incroyablement fatiguée alors que ce n’était que le milieu de la matinée. Elle pouvait compter sur Katie pour la distraire et qui réclamait son papa depuis le début de la matinée.
Colleen s’en était bien occupée de temps en temps mais Katie avait besoin de l’attention de sa mère.
Sully, de son côté, avait été angoissé de bon matin aussi. Il savait sans la voir que sa femme était en plein questionnement.
Il savait aussi que le moment qui se profilait devant eux n’était pas des plus sereins.
Il avait fait boire du laudanum à Lune Noire afin de cacher ses symptômes de tuberculose, puis ils s’étaient mis en route.
Nuage Dansant avait tenu à les accompagner pendant un bout de chemin puis il les avait laissés, après que Sully lui eût assuré qu’ils iraient le voir lui et sa famille avant son départ.
Lune Noire et Sully avaient poursuivi leur chemin tranquillement car Sully ne voulait pas trop forcer l’allure pour ménager le chef renégat.
La ville approchait petit à petit et leurs cœurs battaient à tout rompre.
Welland Smith et le sergent commençaient à s’impatienter en regardant l’heure toutes les cinq secondes car il y avait un peu de retard.
Et Michaëla fit en sorte de sourire pour les rassurer alors qu’elle sentait l’angoisse lui nouer le ventre.
Et le bruit des chevaux se fit entendre petit à petit. Sully rentra dans la ville avec un sentiment partagé de joie et d’angoisse.
Les sourires de ses amis qu’il croisa pour se rendre jusqu’au pré devant l’église lui mit du baume au cœur. Il y avait eu le regard bienveillant de Loren, puis le sourire bien franc de Dorothy, ainsi que le salut de Horace.
Même l’indifférence de Hank lui fit du bien. Et il y eut sa famille. Colleen, qui souriait. Brian, assez ému. Matthew qui lui fit un clin d’œil et au loin sa magnifique femme.
Elle s’était coiffée avec soin et avait mis une robe bleue. Katie était aussi belle. Debout accrochée à sa femme, elle lui fit un sourire quand il s’approcha d’elle.
Il fallait que Michaëla la reteigne pour qu’elle n’aille pas trop vite vers son père.
Il y eut les mots officiels et l’obligation pour Lune Noire d’être attaché et Sully put descendre de cheval et fut officiellement libéré.
Cette fois-ci, Michaëla lâcha leur fille qui courut sur ses petites jambes pour rejoindre son papa. Michaëla l’envia presque de pouvoir faire ça.
Sully alla serrer la main de Welland Smith puis embrassa délicatement son épouse.
Le sergent emporta Lune Noire après lui avoir demandé où se trouvait son peuple et Welland Smith se dirigea vers la station de train.

Michaëla se sentait soulagée. Tout s’était bien passé lors de son échange mais il y avait toujours un poids sur son cœur. Sully la serra dans ses bras en sentant la tension qui émanait d’elle.
Il s’apprêtait à la serrer dans ses bras mais une petite fille attira son attention et il dut la prendre contre lui. Elle se blottit dans son cou et lui planta un baiser mouillé sur la joue.
« On va rentrer, ma chérie. » Dit-il à sa fille tout en soutenant le regard de sa femme.
C’était sans compter sur leurs amis respectifs qui se réjouissaient de la libération de Sully. Le jeune homme avait plutôt hâte de rentrer chez lui pour s’occuper de sa femme dont il devinait la fatigue.
Il faut dire qu’elle avait tout donné dans cette bataille et elle semblait presque épuisée depuis le début de la matinée, elle avait mal dormi cette nuit.
Sully se laissa entraîné vers le restaurant de Grace par son meilleur ami RobertE.
Tout le monde fut réuni, même Hank était venu malgré le fait qu’il râlait. En fait, il faisait style de rouspéter alors que lui aussi avait veillé sur le bien-être de Michaëla pendant l’absence de Sully. Il l’admirait pour son professionnalisme même s’il ne l’avouerait pour rien au monde.
Ce fut convivial et amical et cela donna l’impression à Sully d’appartenir à un endroit comme celui-ci et il le devait à Michaëla car son mariage l’avait aidé à se rapprocher des gens. Mais elle bâillait à fendre l’âme et il était plus que temps de rentrer à la maison.
D’un commun accord avec ses amis, il la força à aller vers le chariot.
Elle se laissa conduire sans protester. Elle pouvait enfin se reposer sur lui enfin.
Et il aimait prendre soin d’elle à ce point-là. Elle était heureuse de pouvoir faire entière confiance à son mari.
Il l’installa confortablement sur le siège et fit avancer le cheval avec un mélange de joie et d’inquiétude. La paix semblait trop belle pour être vrai. Un pressentiment l’assaillait et sans qu’il le sache, il était partagé par sa femme.
Tout se déroula bien jusqu’au moment où ils approchèrent de la maison. Sully avait besoin de prendre du temps, de savourer la vue de sa maison s’il la connaissait par cœur.
Il avait besoin de s’imprégner de cet endroit paisible et Michaëla et les enfants le comprirent.
« Je n’aurai jamais cru que le fait de revenir à la maison me rende si heureux. »
Michaëla ne répondit pas, partageant ce sentiment et attendant qu’il se décide d’avancer à son rythme.
Il recommença à avancer et ce fut à ce moment-là qu’il put entendre des sabots de cheval approchant vers eux.
Ce qu’ils redoutaient tous les deux arrivait à grands pas et leurs coeurs s’emballèrent quand ils reconnurent Nuage Dansant.
Il se passait quelque chose pour les Indiens, il n’y avait aucun doute à se faire sur la nature de ce problème.
Sans avoir encore entendu l’histoire, ils surent que l’armée n’avait pas respecté son accord avec Lune Noire.

A suivre ...