A l'aube du mariage

Fiancés ! Nous étions fiancés ! Je n'aurais jamais cru pouvoir rencontrer l'amour à Colorado Springs et c'est ce que j'avais fait. En revenant à la maison après notre discussion, Sully et moi avions annoncé notre mariage.
Les enfants avaient été réunis pour nous accueillir et ils avaient accueilli cette nouvelle avec plaisir.
Ils avaient bien sûr tous fait en sorte pour nous rapprocher et ils avaient aussi eu peur que je choisisse David. Je réalisais seulement maintenant que leur vie à eux aurait pu être bouleversée.
Il n'y avait que moi que cela touchait.
Cela avait un impact sur les enfants. Nous n'avions pas encore toutes les réponses à leurs questions mais nous savions que nous voulions vivre ensemble et c'était le principal.
D'ailleurs, les enfants ne nous ont pas posé de questions. Ils ont simplement été heureux de nous voir ensemble, eux qui avaient tant douté.
Oui, nous étions fiancés ! Cette phrase dansait dans ma tête comme une musique entêtante qui ne cessait pas.
Mes yeux brillaient et ceux de Sully avaient aussi un éclat particulier. Notre bonheur était visible en nous.
Les enfants sont allés se coucher rapidement, comme d'un commun accord, pour nous laisser continuer à rêver à notre vie future.
J'avais un idéal et Sully avait aussi le sien.
Il allait falloir faire des concessions pour arriver à s'accorder et nous étions bien loin de nous douter qu'il y avait encore des épreuves à affronter pour pouvoir être ensemble.
Le lendemain allait s'avérer incertain mais nous ne voulions pas y penser car nous étions heureux d'être enfin fiancés et j'espérais que nous serions plus forts à deux.

 

J'avais entendu parler du train par les habitants de la ville. Tout le monde le voulait pour améliorer notre vie mais je savais aussi que Sully y était opposé.
Il voulait faire voir aux enfants le terrain où il voulait construire une maison. Voilà un sujet que nous avions abordé entre nous le soir-même.
Sully trouvait que son ancienne maison trop petite pour accueillir tout le monde et il voulait aussi le meilleur pour moi.
Sa décision de construire une autre maison me paraissait bien mais pas si nécessaire que cela.
Je ne voulais pas trop m'éloigner de la ville mais le terrain qu'il avait choisi me plaisait par son côté isolé, même s'il était éloigné.
Maintenant qu'il avait enfin osé m'avouer son envie de vie commune qu'il m'avait enfin demandé en mariage, il semblait plus sûr de lui.
Apparemment, il avait passé une nuit blanche pour réfléchir à un plan de notre future maison. Il dévoila son plan dès que nous sommes arrivés sur le terrain.
Il avait vraiment l'air heureux de me montrer son projet. Il est vrai que ses dessins étaient prometteurs et je savais qu'il serait capable de les suivre à la lettre.
Nous devions installer certaines choses et il voulait délimiter le terrain pour savoir comment arranger les pièces. Et Brian allait parler du train.
Je savais que Sully était opposé à ce projet de la ville et je ne voulais pas que ce sujet vienne mais faire disputer alors que nous avions tout pour être heureux.
Sully m'a dit d'ailleurs de ne pas trop m'attacher à cette terre, car il souhaitait partir si le train arrivait. Je n'ai pas trop compris pourquoi il me disait ça mais je lui en reparlerai plus tard.

 

Les enfants étaient enthousiastes par la découverte des plans de Sully, qui avait prévu des chambres individuelles pour Colleen et Brian. Matthew n'avait pas besoin de pièce car il allait s'installer avec Ingrid.
Il avait tout fait pour que je sois surprise en m'obligeant à garder une main devant mes yeux.
Il fallait que je me plie à ses désirs et en plus, cela me plaisait. Et Brian a parlé du train, comme je le craignais, car je savais à l'avance que Sully serait opposé à ce projet.
Nous avions des idées très différentes sur le sujet. Je voulais que le progrès arrive pour que cela puisse me permettre de recevoir mes fournitures médicales plus vite.
Sully, lui, n'était pas très content car cela allait modifier le style de vie de certains de ses amis. Nous  avons continué de préparer tout puis nous sommes rentrés à la maison.
Alors que nous continuions de nous réjouir de notre futur mariage et de ce que cela allait entraîner pour les enfants, Brian a vu Nuage Dansant arriver et nous a prévenu.
Sully était heureux de le revoir après sa retraite. Nuage Dansant semblait apaisé et content mais nous n'avions pas besoin de lui annoncer quoi que ce soit.
Il avait su, grâce aux Esprits, que Sully et moi étions fiancés. Je lui ai alors parlé de ce qu'il m'avait dit car il m'avait dit que quelque chose allait nous séparer et il m'a répondu :
« J'ai dit que quelque chose allait vous séparer, je n'ai pas dit que ce serait pour toujours. »
Sully avait l'air rassuré et Nuage Dansant nous a enfin dit la raison de son retour. Il s'agissait de l'arrivée du train. Il avait peur pour son peuple.

 

C'est vrai que cette question avait aussi son importance. Je comprenais l'inquiétude de Nuage Dansant. Je l'ai invité à dîner avec nous. Il avait besoin de soutien et aussi d'apprendre ce qu'il s'était passé pendant son absence.
Les enfants ont été heureux de partager leurs aventures avec lui. Le climat était serein depuis ma décision finale d'épouser Sully.
Nuage Dansant nous a quitté juste après le repas, les enfants ont été rapidement au lit. Il ne restait plus que Sully et moi. Il semblait avoir beaucoup de mal à se séparer de moi et je dois avouer que je ressentais la même chose à son égard, pourtant nous ne pouvions pas encore partager le même lit.
J'avais du mal à imaginer notre vie future et j'avais encore peur de ce que l'avenir me réserver.
Plutôt que de cela, nous avons parlé de la date de notre mariage et je fus satisfaire quand Sully fut d'accord pour le printemps.
Bien sûr, j'aurai voulu aussi que ce soit proche mais il y avait beaucoup de choses à préparer et il fallait du temps pour cela.
Il m'a pris dans ses bras et m'a caressé les cheveux, comme pour me rassurer et ce geste tendre m'a énormément fait de bien. Mon cœur avait battu plus fort quand il avait fait ce geste.
Je rêvais encore une fois de ses lèvres sur les miennes. Mais il n'a pas fait le geste de réclamer un baiser de ma part. Il allait falloir pourtant nous séparer et je sais qu'il est parti à regret, comme je regrettais qu'il parte.
Le lendemain, j'allais devoir prendre une décision concernant le train et je ne savais pas quelle position prendre. L'opinion de Sully était importante à mes yeux. Fallait-il que je le suive ou que j'écoute mon cœur ?
J'étais tiraillée entre les deux et je ne savais pas quoi faire pour demain.

 

Comme je m'y attendais, il y avait foule lors de ce conseil municipal et Sully m'avait accompagnée. Je ne savais pas encore quelle décision prendre car si je suivais mon idée, cela donnerait l'impression que je ne pense qu'à moi, alors que ce n'était pas le cas. L'avis de Sully était important, bien entendu.
Bien sûr, Jake et Loren ont voté pour. Horace a voté contre car il voulait que ses enfants grandissent dans la ville qu'il connaissait et qu'il avait peur que cela emmène trop de changement.
Quand il a dit cela, Jake a failli lui mettre un coup de poing dans la figure. Le Révérend s'est alors prononcé contre car il avait vu ce que la cupidité des hommes face à cela, ils étaient prêts à se battre pour avoir ce qu'ils voulaient.
Voilà, ce que je craignais est arrivé, la décision reposait entièrement sur moi. Que pouvais-je décider ?
J'ai choisi de suivre mon avis. Le train allait pouvoir me permettre d'avoir des fournitures médicales plus rapidement et aussi d'avoir plus de patients à m'occuper.
J'ai vu la déception dans les yeux de Sully. Il allait falloir que je lui parle de mon opinion ;
Il est parti de l'église rapidement et je savais où il allait se réfugier. Je suis donc allée le rejoindre. Il était effectivement sur le chantier de la maison et je lui emmenais d'autres fournitures.
Je lui ai donc dit qu'il fallait en parler ensemble. Je voulais juste le meilleur pour les enfants. Sully voulait qu'ils sachent pourquoi il s'était battu et ce que la Terre pouvait apporter. Je lui ai assuré qu'ils le sauraient car tout n'allait pas changer du jour au lendemain.
Je n'avais certainement pas pris la bonne décision pour nous mais je ne parvenais pas à la regretter totalement.
Car le progrès pouvait avoir aussi du bon pour nous et j'avais des meilleurs souvenirs qui s'étaient passés dans un train.

 

Je suis descendue sans savoir quoi lui dire. Il était tellement enthousiaste et il m'a entraînée par la main pour me faire découvrir tout cela.
Quand il a pris l'entrée, il m'a soulevée dans ses bras car il souhaitait que je franchisse le seuil dans ses bras et cela avait son importance à ses yeux.
Je ne lui disais pas mais l'émotion montait en moi et je sentis sa main se resserrer dans la mienne, comme pour me rassurer. Il m'a fait voir où allait se trouver toutes les pièces. Les chambres des enfants et il m'a ensuite montrer « notre chambre » et « une petite chambre ici ».
La phrase « notre chambre » me parut étrange et pourtant, je réalisais qu'il allait falloir partager le lit de cet homme et cette pensée me bouleversa. Le sourire de Sully quand je répéta cette phrase me rassura et je pus lui demander :
« Et cette petite chambre ? »
« C'est pour celui ou celle qui viendra peut-être. » Et là, je lui ai avoué :
« J'y ai pensé ces derniers temps, j'y ai pensé beaucoup. Et vous, Sully ? »
« Je ne peux pas m'en empêcher, surtout maintenant que nous sommes fiancés. »
« Vous préféreriez avoir un garçon ou une fille ? »
« Une fille, je crois, car elle aurait vos yeux. »
« Oui, mais elle aurait mon entêtement. »
« C'est comme ça que je les aime. »
Suite à cette discussion, il a déposé un baiser sur ma joue et m'a serrée dans ses bras. C'était la première fois que nous osions parler de tout cela entre nous et j'espérais que cela allait encore nous rapprocher.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés enlacés mais je sais que cela nous a fait du bien et à l'un et à l'autre et nous a aussi rassuré.

 

C'est après que l'on est venu me chercher pour m'occuper de Peter, ce jeune Chinois et ami avec Colleen.
Je ne comprenais pas pourquoi personne ne voulait s'occuper d'un Chinois. Il fallait s'occuper de tout le monde et certains de mes confrères refusaient de le faire.
Quand je suis arrivée, Colleen m'a expliqué ce qu'elle avait pu trouver comme symptôme. Et le diagnostic qu'elle faisait après avoir consulté mes livres de médecine.
J'ai examiné Peter moi aussi et je fus fière de trouver le même diagnostic que Colleen. Elle avait réussi à établir cela seule sans mon aide.
Elle était capable de se débrouiller sans moi et elle méritait de continuer à s'occuper de son patient et d'attendre qu'il se réveille. C'était elle qui devait recevoir les remerciements de Peter et pas quelqu'un d'autre !
C'est pour cela que je l'ai laissé auprès du jeune homme. Monsieur Tait, celui qui s'en occupait m'a alors parlé. Il trouvait que Colleen avait été formidable et qu'elle avait de qui ressembler.
C'est alors que je lui ai dit qu'elle n'était pas ma fille biologique et que je l'avais recueillie au décès de sa mère.
Il est vrai que j'avais beaucoup douté quand j'avais recueilli les enfants de ne pas être à la hauteur et maintenant, j'avais du mal à imaginer ma vie sans elle.
Lui, il avait recueilli Peter et il l'aimait.
Sully était présent et avait écouté notre conversation, mais il a été surpris quand Monsieur Tait m'a demandé si je voulais réellement que le train vienne ou pas.
Je pensais que cela pouvait en effet nous apporter beaucoup de choses. Sully ne revenait pas du fait que cet homme puisse décider d'une chose comme celle-là.

 

Mais Monsieur Tait avait son mot à dire par rapport à l'arrivée du train en ville et il me demandait mon avis.
Je ne savais pas quoi lui répondre car je connaissais l'avis de Sully, mais j'ai choisi de parler en mon âme et conscience.
Le chemin de fer pouvait apporter ses bénéfices à la ville et je pensais aux enfants, alors j'ai répondu oui et Sully est parti. Bien sûr, je considérais l'importance du changement que cela allait apporter à la ville mais je voulais aussi que cela me permette d'avoir des fournitures médicales plus rapidement.
La décision fut prise selon mon opinion. J'ai entendu les cris de joie à l'extérieur en me demandant ce qui avait provoqué cette joie chez mes amis.
Ils venaient d'apprendre la décision du chemin de fer et ils savaient que c'était grâce à moi que le oui l'avait emporté.
Jake me remerciait de mon intervention. Dorothy avait un grand sourire et Hank semblait heureux. Jake et Hank m'ont même portée sur leurs épaules.
Les mêmes personnes qui me faisaient la tête la veille venaient me féliciter pour que ce que j'avais réussi à faire.
Sully a assisté à cette joie mais lui ne la partagerait pas un seul instant. Je savais à quel point il tenait à la liberté et à la forêt et il m'en voulait d'avoir apporté mon appui au chemin de fer.
Je savais que j'allais devoir apporter des explications tôt ou tard. Peut-être même le soir-même.
J'ai donc profité du moment de joie partagé par la ville pour me réjouir car je savais que j'allais devoir affronter plus.
Sully devait venir dîner le soir-même, comme tous les soirs depuis nos fiançailles, car nous avions besoin d'être ensemble mais je ne savais pas où il allait se passer.
J'aurai peut-être agi autrement si j'avais su que cela allait aussi troubler les enfants.

 

Nous étions installés autour de la table et Brian parlait de la façon dont les habitants m'avaient acclamée. Je savais que ce sujet allait emmener de la colère chez Sully.
Bien sûr, je savais que « mon métis » n'allait pas empêcher Brian de parler comme ça mais je savais aussi qu'il allait dire que je n'avais pas pris en compte son avis avant de me prononcer.
Je lui ai certifié que je prenais en compte son avis mais que je voulais le meilleur pour les enfants. Nous pouvions nous battre pour que le progrès ne détruise pas tout.
Il souhaitait que la forêt reste intacte et que l'Homme ne la détruise pas entièrement et il voulait partir avant de voir cela.
Mais même si nous fuyions, il faudrait peut-être encore fuir si le chemin de fer passait à nouveau dans cette nouvelle ville. Nous ne pouvions pas passer notre vie à fuir.
Nous ne pouvions pas arrêter le progrès et Brian s'est mis à pleurer. Il est vrai que nos voix s'étaient élevées et nous lui faisions peur en nous disputant.
Notre intention n'était pas de faire pleurer Brian. Matthew nous l'a tout de même reproché. D'ailleurs, Brian se fichait de l'arrivée du train. Il n'avait qu'à pas passer si cela nous empêchait de nous marier. Nous ne voulions en aucun cas lui faire peur.
Je lui ai dit que nous pouvions nous disputer et continuer à nous aimer. Je me suis rapprochée de Sully et je l'ai regardé dans les yeux pour qu'il appuie mes paroles et il a acquiescé.
Brian avait vécu tant de drames avant de pouvoir avoir une vraie famille. J'avais été trop loin et j'avais bien besoin d'être rassurée à mon tour.
Il allait falloir attendre pour en être sûre mais je lui poserai la question. Nous avons passé la soirée proche l'un de l'autre pour rassurer les enfants.

 

Quand ils sont allés se coucher, Sully et moi sommes allés dehors pour parler et je lui ai posé la question.
« Nous allons toujours nous marier ? »
« Bien sûr. »
Il était sûr de lui. Il souhaitait vraiment m'épouser au printemps comme prévu, et il n'avait pas prononcé ses mots en l'air juste pour rassurer les enfants. J'étais désolée que nous nous soyons disputés devant les enfants, et de les avoir fait douté de notre amour.
Je lui ai promis de partir si je voyais qu'il était triste et qu'il ne supportait pas la vie à Colorado Springs.
Il m'a pris dans ses bras pour me rassurer et je me suis sentie mieux tout de suite. Il avait cette expression si tendre en lui qui me consolait immédiatement.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ici devant la maison mais cela a consolidé nos liens.
Sully a franchi un pas dans notre relation, je l'ai compris après. Les enfants et moi devions assister à la cérémonie d'inauguration. Et Sully est passé me voir à la maison mais j'étais partie en ville. Il a donné un train en bois à Brian, que mon fils s'est empressé de me donner dès qu'il m'a vue.
Je reconnaissais bien là mon fiancé qui prouvait son amour pour Brian ainsi. Il souhaitait réellement que Brian passe un bon moment.
Et j'en fus heureuse car je savais que Sully avait fait un pas vers moi et je compris qu'il voulait réellement que nous nous installions ici à Colorado Springs.
Il semblait tenir tout autant que moi à cette ville qui avait vu grandir notre amour et dans laquelle je souhaitais me marier avec lui. Et je tiendrais ma promesse si je le voyais malheureux.

 

En attendant, j'ai été contente de son geste envers Brian et envers moi. Je savais que j'avais besoin de parler à Sully pour le remercier pour ce qu'il faisait pour lui.
En famille, nous avons assisté à la pose du premier clou de la voie ferrée (sauf Sully qui n'était pas venu) et Jake m'a choisie pour enfoncer ce clou.
La confiance de la ville me parut grandiose et je savais qu'enfin j'avais trouvé ma place, même si je savais que certaines personnes n'accepteraient jamais que je sois leur médecin.
Je sentais qu'un tournant de ma vie se finissait et que j'allais en entamer un autre avec l'homme que j'aimais. Une nouvelle vie nous attendait, qui, je l'espérais, allait encore nous permettre de nous connaître.
Quand j'ai revu Sully au soir, je l'ai donc remercié pour ce qu'il avait offert à Brian et il m'a dit qu'il avait fait cela pour qu'il apprécie ce moment.
Il était d'accord pour rester à Colorado Springs, je l'avais compris. Il avait certainement peur de me perdre et je m'en voulais d'avoir pris cette décision sans même prendre en compte son avis. Il allait falloir que je fasse plus attention à lui dorénavant. Il avait pris sa décision seul lui aussi et je ne lui en voulais pas.
J'allais devoir faire face à d'autres questions auxquelles je ne m'attendais pas.
Pour l'instant, je ne me rendais pas vraiment compte de l'attrait de Brian pour des choses que je ne connaissais pas moi-même dans les détails.
Je ne m'étais pas rendue compte que les enfants grandissaient tout simplement. Le temps semblait s'écouler trop rapidement. Je ne me sentais pas à la hauteur de la situation mais je ne l'aurai avoué pour rien au monde.
Des vendeurs de chevaux s'étaient installés devant l'église, cherchant à vendre des beaux animaux. L'un d'entre eux était nerveux, mais il attirait l'attention de nombreuses personnes, dont Loren.

 

Sully et moi sommes arrivés alors qu'il acceptait de l'acheter. Mais j'ai senti tout de suite qu'il allait se passer quelque chose et que Loren n'avait pas assez réfléchi.
Le vieil homme avait enfourché le cheval et ce dernier était nerveux. Le commerçant n'avait fait que quelques pas et le cheval a fini par l'envoyer au sol.
Sully et moi nous sommes précipités à son chevet pour voir si tout allait bien pour lui. Il semblait aller bien mais il voulait récupérer son cheval et si fichait un peu de notre sollicitude.
J'ai tout de même réussi à l'emmener à la clinique pour l'examiner et voir s'il n'avait pas été blessé grièvement.
Je lui ai clairement dit qu'à son âge, il fallait qu'il arrête toutes ses bêtises mais il ne m'a pas écoutée.
Mais j'allais devoir affronter autre chose.
Brian grandissait et il allait avoir besoin d'explications sur certaines choses de la vie. Il avait posé des questions à des habitants sur les relations entre hommes et femmes et je ne le savais pas encore.
Il observait les filles pour essayer de voir à quoi elles ressemblaient nues mais il a fallu que Sully me le souligne pour que je le comprenne.
J'ai commencé à le surprendre plongé dans mes ouvrages médicaux sur une partie bien spécifique de l'anatomie féminine. J'ai été choquée quand j'ai vu « mon métis », mais il m'a expliqué que Brian et Steven étaient en train de regarder ces images avant son arrivée.
Je pensais que Brian était trop jeune et qu'il avait encore le temps d'apprendre ces choses-là.
Il était plutôt coutumier que ce soit le père qui apprenne ces choses-là à son fils mais il n'avait pas de père. Sully s'est aussitôt proposé et je ne savais pas quoi en penser.

 

Elle s'était aperçue qu'il l'espionnait pour la voir nue et qu'il l'avait déjà fait avant quand elle se baignait en compagnie de ses amies.
Il était temps d'avoir une discussion avec Brian, mais que pouvais-je lui apporter de nouveau, moi qui ne connaissais rien de tout ça !
Je ne pouvais que m'appuyer sur mes ouvrages médicaux et je ne savais pas que cela allait emmener de bien chez mon fils.
C'est dont avec des termes très techniques que je lui ai parlé quand il est passé à la clinique pour que je lui explique.
Je ne voyais pas que Brian faisait un effort considérable pour essayer de suivre ce que je disais mais j'ai compris qu'au lieu de l'instruire, je lui ai fait peur !
Après le départ de mon fils, j'ai repensé à ma discussion avec Sully quand il m'avait demandé à quel âge j'avais vu un homme nu pour la première fois.
« J'avais 26 ans, lui 44 et je le disséquais. » Lui avais-je répondu.
Et là, tout le poids de ses mots précédents revenaient me hanter.
« Il y a des choses que les livres n'apprennent pas, Michaëla ! »
En effet, les livres n'apprenaient pas tout ce qu'il fallait pour réussir à apaiser la curiosité de Brian mais que pouvais-je faire ?
Je me rendais compte aussi de ma frayeur par rapport à ce sujet-là. Je savais qu'il allait falloir que je me soumette au désir de Sully quand je serai mariée et que je ne savais pas encore quel allait être mon comportement avec lui.
Il y avait encore du temps pour y réfléchir vraiment et aussi pour s'inquiéter à ce propos.
Je pense que le fait de devoir parler à Brian avait réussi à réveiller mes incertitudes concernant ce que ma mère appelait le « devoir d'épouse. »
Et je ne savais pas que j'avais réussi à effrayer Brian et qu'il allait fuguer.

 

Le lendemain au lever, je me suis aperçue de la disparition de Brian. Matthew le cherchait partout et ne le trouvait pas. Quand Sully est arrivé, je lui ai expliqué toute la situation et il a réagi comme je m'y attendais. Il était sûr que Brian n'avait pas fui très loin.
Colleen a essayé de se déculpabiliser, mais elle n'était pas responsable. Je savais que cela n'avait rien à voir avec Colleen mais que c'était de ma faute !
Ce que je lui avais fit avait créé de la confusion dans l'esprit de mon fils et c'est pour cela qu'il s'est enfui.
Sully me déconseillait de partir à sa recherche. Il estimait qu'il était temps que Brian fasse ses propres expériences. J'aurai voulu aller à sa recherche mais j'ai écouté mon fiancé.
Sully m'a promis de partir à la recherche de Brian en compagnie de Matthew. Il ne fallait pas que je m'inquiète pour lui.
Je ne pouvais pas m'en empêcher. J'étais affreusement inquiète pour Brian, ne sachant pas ce qu'il pouvait affronter comme bête sauvage dans la nature.
Brian avait retrouvé M. Bray dans la forêt et il avait dû affronter un ours furieux, sauvé par le vieil homme qui lui avait de monter à l'arbre.
Mais je sais que le fait d'avoir retrouvé « son grand-père ». Il paraissait être, à ses yeux, le mieux placé pour lui parler des femmes.
Brian voulait éviter d'attraper la puberté, qu'il estimait être une maladie. Loren ne voulait pas trop vieillir et je pense qu'il était certainement le mieux pour lui parler de ces choses-là.
Ces derniers temps, le commerçant se sentait le besoin de changer de vie. Il avait même fait colorer ses cheveux en noir pour paraître plus jeune.

 

La suite, Sully me l'a appris quand j'ai été en mesure de le comprendre. Il avait observé Loren et Brian en silence et les avait laissé se débrouiller seuls sans intervenir.
Il avait eu peur quand ils s'étaient retrouvés en face d'un ours et avait failli les aider mais il s'était aperçu que Loren et Brian étaient capables de défendre par eux-mêmes.
Loren avait parlé des sentiments à Brian. Il s'était comporté comme un grand-père.
Avec des mots choisis, il lui avait dit qu'avant d'aller plus loin avec une fille, il fallait qu'il soit sûr que c'était avec elle qu'il voulait le faire.
Sully m'a dit que ces mots-là avaient su apaiser les craintes de mon fils mais il m'avait dit avoir eu des doutes quant à la conduite envers Brian pour oser parler des relations sexuelles.
Je comprends qu'il se soit senti un peu embarrassé face à cela mais il avait voulu exercer son rôle de père envers Brian.
Contrairement à moi, Sully avait été marié dans le passé et il savait donc comment se comporter avec une femme. Il était le mieux placé, après Loren, pour lui parler de cela.
En effet, je réalisais mon égoïsme. Sully m'avait fait part de sa volonté de dire tout cela à Brian et je lui avais dit que j'y parviendrais seule, ce qui n'avait pas été le cas.
J'avais seulement réussi à l'effrayer !
Heureusement, Loren avait su le rassurer. Et Sully, au petit matin, s'était montré et Brian s'était tout naturellement jeté dans ses bras. À l'époque, j'aurai aimé assister à cette scène d'amour filiale entre mon fiancé et mon fils, mais il y a certaines choses qui doivent se passer en privé et cela en faisait partie.
Mon fiancé avait dit à mon fils qu'il était temps de rentrer à la maison que je me faisais un sang d'encre.

 

Il ne voulait pas rentrer tout de suite.
Sully a tenté le tout pour le tout et lui a explique avec des mots simples que le fait de fuir en l'empêcherait pas de grandir et que cela ne l'empêcherait non plus de devenir un homme.
Bien sûr, cela lui prendrait encore quelques années mais il fallait qu'il fasse avec, il n'avait pas le choix.
Mon fiancé lui a dit qu'il fallait qu'il s'écoute dans le choix de sa première partenaire et non pas qu'il se précipite comme lui l'avait fait.
En tant qu'homme, quand viendrait le moment de donner son corps à une femme, il saurait quoi faire et qu'il n'avait pas à avoir peur, cela se ferait naturellement.
Sully m'a aussi avoué que pour appuyer ses paroles, il lui parlé de ses sentiments pour moi et du fait qu'il se sentait honoré que je lui offre, lors de notre nuit de noces, ce que je ne pouvais offrir qu'à un seul homme.
Il avait fit tout cela en présence de Loren, qui s'était tu tout au long de l'intervention de Sully.
Ce dernier était un peu plus entré dans les détails en expliquant que quelque chose se passait dans le corps de l'homme quand il avait envie de faire l'amour avec une femme, mais qu'il était aussi important que l'homme s'assurer que la femme ressente cette même envie.
En fait, il avait expliqué les choses beaucoup plus librement et simplement que je n'aurai su le faire à ce moment-là.
Je sais pourquoi Sully a refusé d'entrer dans les détails à cet instant car il est vrai que ses paroles m'auraient choquées.
Je ne connaissais pas réellement ce que pouvait ressentir une femme quand elle faisait l'amour avec un homme.
Après lui avoir parlé ouvertement, Brian est enfin redevenu un petit garçon normal et avec Loren, ils se sont dirigés vers la réserve.

 

En effet, les Cheyennes avaient rattrapé le cheval et la mule du commerçant et il voulait les retrouver.
Apparemment, Sully était content d'avoir réussi à convaincre Loren de venir avec lui car les Cheyennes lui avaient réservé une surprise.
Le vieil homme souhaitait repartir tout de suite et poursuivre sa route vers la Bolivie, son but initial mais il était important qu'il assiste à la cérémonie organisée par les Indiens.
Sully avait su le convaincre de rester pour y assister et finalement, Loren avait passé un bon moment.
Il avait même reçu un nom Cheyenne.
Sully avait enfin compris que Loren allait enfin rentrer à Colorado Springs avec eux et retrouver sa vie. Brian avait besoin de lui, pour les années à venir, en tant que grand-père.
Après tout cela, Sully m'a ramené Brian et j'ai été heureux qu'il ait enfin compris qu'il n'avait pas à fuir. Colleen a même eu droit à des excuses de sa part.
Elle a été heureuse de le revoir mais j'ai compris que Brian était très fatigué par ces derniers jours passés dans la nature et je les ai envoyé au lit.
Cela me permettait de passer du temps avec mon fiancé pour lui parler encore à Brian et s'il savait tout ou pas.
Sully m'a rassurée et j'ai voulu aller plus loin mais il a su ne pas trop approfondir la discussion. Il m'a tout de même dit qu'il lui avait dit que la femme rendait l'homme meilleur. Je réalise maintenant que je sais tout qu'il a minimisé sa participation là-dedans alors qu'il avait eu le plus gros rôle.

 

Je percevais un peu plus le futur côté père de Sully, un côté qui m'attirait. Il semblait à l'aise dans ce rôle, comme si c'était naturel pour lui. Il y avait une telle facilité dans la relation entre Brian et Sully.
Cela contrastait évidemment avec la relation difficile que j'avais eu avec Brian et qui avait conduit à une autre fugue. Il semblait que je n'étais pas apte à gérer certaines choses seule.
En tant que femme et célibataire, il avait fallu que je me batte pour obtenir le titre de médecin, que je m'adapte à un rôle nouveau qu'était celui de maman.
Maintenant que j'avais un fiancé, il fallait que j'apprenne à m'appuyer sur ses épaules et que je l'écoute plus.
Ces affaires entre les hommes et les femmes me semblaient régler et j'ai cru qu'enfin j'allais pouvoir vivre tranquille. Sully a cru que j'allais devenir plus libre et plus proche de lui.
Il est vrai que nous avons passé un long moment tous les deux autour de la table. Sully m'a même donne plusieurs baisers.
Il s'agissait d'un nouveau départ après cette explication paternelle entre Sully et Brian.
Nous avons pu nous rendre en ville, j'ai pu retrouver mes patients sereinement sans me faire de souci.
Mais autre chose nous est tombé dessus. Peu après son retour à la boutique, Loren a reçu une lettre inquiétante. Après en avoir informé sa famille et ses amis, nous avons donc pris la décision de partir.
En tant que médecin et mère des neveux d'Olive, car il s'agissait d'elle, je faisais partie de cette expédition avec Sully qui voulait nous suivre à tout prix, ainsi que de Grace et de Robert E. Nous ne savions pas à quoi nous allions devoir faire face ni ce que nous allions vivre.

 Sully était un excellent guide pour cette expédition et c'est donc lui qui a pris la tête du groupe pour aller à la recherche d'Olive.
Il fallait que l'on rejoigne ses employés au plus vite. Bien sûr, nous ne savions pas à quoi ils ressemblaient mais je pressentais des ennuis à venir.
Les enfants avaient été inquiets quand ils avaient appris que leur « tante » était malade.
Loren avait été dévasté et bien sûr, il avait pris la décision de la rejoindre au plus vite. Lui, qui prévoyait il y a quelques temps pour la Bolivie entamait là un voyage déterminant.
Je me souvenais d'Olive, qui était débarquée dans ma vie jute après le décès de Charlotte et de Maud. Elle avait voulu reprendre « ses neveux », comme elle les appelait.
Cette femme volontaire et brin garçon manqué était aussi la sœur de Loren.
Tout rassemblait donc ma famille et celle de Loren, mais cela ne me déplaisait pas, d'autant qu'Olive était devenue mon amie au fil des jours et qu'elle avait convaincue par ma capacité à élever les enfants de Charlotte.
Apprendre qu'elle était malade avait réveillé le médecin en moi et je voulais lui porter secours et tenter le tout pour le tout.
Quand la question d'un voyage s'était posée, les enfants avaient insisté pour m'accompagner, ainsi que Sully. Je n'avais personne pour garder les enfants, alors j'ai accepté.
J'ai aussi compris que les enfants avaient besoin d'être avec moi et je m'imaginais mal sans eux pour des jours et des jours.
Ma décision avait peut-être paru égoïste mais je les emmenais et ils étaient heureux.
C'était tout ce qui comptait, qu'ils soient heureux !

 

Nous avons retrouvé ses employés d'Olive sur le chemin. Quand nous leur avons demandé ce qu'elle faisait, ils nous ont fait part de sa maladie et qu'elle avait été fatiguée.
Ils nous ont donné une lettre que Loren a commencé à lire. Elle y avait glissé des mots pour tout le monde. Cette lettre était touchante et émouvante.
Loren a été incapable de la finir par lui-même, alors il m'a laissée le soin de le faire. Je m'en sentais triste, mais il fallait que je le fasse.
Elle léguait ses parts du café à Grace, le troupeau de vaches à Matthew, son bijoux, elle me le donnait. Il y avait quelque chose pour toutes les personnes qui comptaient pour elle.
Savoir qu'elle avait finalement succombé à la maladie a été très difficile à entendre pour tout le monde. Brian et Colleen se sont mis à pleurer et je n'étais pas loin d'en faire autant. Sully a dû comprendre ce que je ressentais et que je faisais tout pour m'en empêcher.
Je ne voulais pas m'exposer mais, dès que Sully m'a pris dans ses bras, je me suis laissée aller.
J'avais besoin de son étreinte et de son soutien pour les jours à venir. Il avait certainement eu une sorte de sixième sens en acceptant d'accompagner Loren dans ce long périple.
Il pouvait aussi être une oreille attentive pour les enfants qui auraient peut-être besoin de lui et de son écoute.
Et pour Loren aussi, il pouvait être un soutien utile. Ses bras ne m'ont pas lâchée immédiatement et je me suis sentie gênée mais également heureuse. Personne n'y prêtait attention car tout le monde était triste de toute façon.
Je ne me rappelle plus combien de temps nous sommes restés sur place sans savoir comment nous remettre de cette tristesse mais ce temps nous a été nécessaire.

 

Nous nous sommes rendus sur la tombe d'Olive, où plusieurs d'entre nous nous sommes recueillis et avons dit des phrases à l'intention d'Olive.
Loren n'a pas réussi à parler et Sully est resté quelques temps pour lui parler en seul à seul.
Après ce moment de recueillement, nous nous sommes réunis autour de Paco Romero pour voir comment nous allions convoyer les vaches dont Matthew avait hérité jusqu'à Colorado Springs.
Paco proposa à Matthew de lui racheter les vaches à huit dollars par tête, mais Sully connaissait le prix et Matthew, je crois, était bel et bien décidé à garder le troupeau.
Le Mexicain devait rentrer dans son pays et ne pouvait pas aider Matthew à ramener les vaches dans le Colorado.
Matthew a même proposé à Jesse et à ses amis de nous aider et ils ont accepté. Je pense que ce jeune homme avait quelque chose en tête avant même que Matthew ne lui propose ce travail.
Il essayait de faire du charme à Colleen et je voyais cette relation d'un mauvais œil. Il ne fallait pas que je fasse voir cela.
Brian, Sully et moi, ainsi que tous les habitants de la ville ont voulu aider Matthew mais il allait falloir apprendre à se servir d'un lasso.
Personne n'avait d'expérience en matière d'emmener des troupeaux, pas même Sully.
Quand je me suis proposée, Sully n'y a pas cru car je ne savais pas comment faire et je lui ai répondu que lui non plus.
Il a reçu un échec en s'y essayant car il est tombé. Il ne s'était pas fait mal mais lui aussi devait reconnaître ses échecs.
J'ai essayé à mon tour et je ne savais pas comment faire. Il fallait faire des grands mouvements et il fallait que je choisisse une vache au hasard.
Sully est venu vers moi pour me guider et la seule chose que j'ai réussi à faire a été de l'attraper lui. Nous avons tous ri et j'ai laissé la place au suivant. Il s'agissait de Brian qui n'avait rien réussi à faire.
Il a vite abandonné et est revenu en s'excusant auprès de son frère qui lui a dit que ce n'était pas grave. Au bout d'un moment, nous avons réussi, en tout cas les adultes, à prendre une vache.
Nous allions pouvoir nous mettre en route. Je pensais que Matthew allait prendre la décision de mettre Sully en tête, car c'était déjà grâce à lui que nous avions pu rejoindre les employés d'Olive.
Mais Matthew voulait se débrouiller par lui-même et il a décidé de mettre Sully à l'arrière.
Mon fiance ne comprenait pas cette décision car il pensait pouvoir aider « mon fils » car c'était lui qui connaissait le mieux la piste.
Matthew lui a dit qu'il avait besoin de quelqu'un de confiance à l'arrière pour ne pas perdre de bêtes. Sully s'est incliné, ayant déjà peur que « mon fils » commette des erreurs et que cela n'en vienne à mettre quelqu'un en danger.
Je voyais le début de relation difficile pour Sully et pour Matthew refusait cette autorité-là.
Je ne voulais pas trop intervenir car j'estimais qu'ils pouvaient très bien se débrouiller par eux-mêmes. Je ne savais pas jusqu'où la relation pouvait aller et que les affrontements allaient arriver.
Nous avons pris la route et avons cheminé dans la prairie pour revenir. Nous savions que ce voyage serait pénible et qu'il nous faudrait du temps pour arriver à destination mais nous étions déterminés à y parvenir.
Jesse avait demandé à Colleen de s'installer à cheval pour faire ce voyage. Je voyais bien que ma fille s'intéressait à ce jeune homme mais je ne pouvais pas y changer grand chose.
J'avais essayé d'en parler à Colleen mais elle m'avait répondu que je ne le connaissais pas et que je ne savais pas ce que je disais.
J'aurai peut-être accepté que Colleen monte à cheval dans d'autres conditions mais le voyage était trop risqué pour elle qui avait peur des chevaux. Je n'avais pas assez en Jesse pour lui laisser prendre soin de Colleen.
Je savais qu'elle m'en voudrait mais je préférais cela à un possible accident.
Il n'était pas impossible que nous rencontrions des difficultés pour rentrer et je ne voulais pas en rajouter.
Matthew pensait pouvoir se débrouiller seule sans aide de la part de qui que ce soit. Sully le laissait agir comme il le voulait. Il s'est donc dirigé vers là où il croyait qu'il y avait un plan d'eau. Et Sully se sentait impuissant à pouvoir faire changer l'avis de Matthew.
Il savait pertinemment que l'eau n'allait pas se trouvait là où Matthew le croyait parce qu'il n'avait pas plu assez dans les derniers mois mais Matthew se fiait à la carte de la région.
C'est donc sans surprise que nous n'avons pas trouvé l'eau là où Matthew le pensait.
Jesse et ses amis Mexicains s'impatientaient car ils se rendaient bien compte de l'incapacité de Matthew et ils s'en amusaient.
Il fallait se rationner jusqu'au prochain point d'eau où il y en aurait forcément car Sully avait vérifié. Mais il y eut autre chose ...
Après plusieurs jours de voyage, tout le monde avait besoin de se délasser ou de jouer, surtout les enfants. J'avais donc donner l'autorisation à mes enfants d'aller se détendre.
Brian, au cours d'un jeu, fut piqué par un scorpion. Matthew s'était vite aperçu de sa blessure et il me l'a emmené immédiatement. Brian tremblait de tous ses membres et il était en état de choc. Mon cœur de mère s'inquiétait mais il fallait que je me comporte comme un médecin pour l'aider.
En mettant mes sentiments de côté, j'ai réussi à préparer un cataplasme avec de la terre et de l'eau.
Il fallait prendre soin de lui pour la suite du voyage et il fallait que je m'installe dans le chariot pour être près de lui et lui ai apporté le soutien dont il avait besoin.
Étant donné qu'il fallait économiser l'eau, cela n'allait pas être facile.
Et cela ne l'a pas été du tout. Brian avait besoin d'eau le plus possible pour pouvoir se remettre rapidement mais il fallait continuer à avancer pour atteindre le point d'eau le plus proche. Cela fatiguait Brian au plus haut point.
J'avais dû mettre Éclair à l'arrière du chariot pour m'occuper le plus de Brian mais je ne laissais la place à personne au début trop préoccupé par la fièvre de mon fils.
Je savais qu'il allait s'en remettre dans plusieurs jours mais mon cœur de maman était au supplice.
Sully venait souvent aux nouvelles aussi préoccupé par l'état de Brian que pour le mien. Nous étions tous épuisés par cette partie du retour harassante sans jamais se reposer pour arriver plus vite où se trouvait l'eau.
Loren est aussi venu demander des nouvelles de Brian. Il semblait inquiet quant à son état.
Il a insisté pour savoir réellement s'il pouvait s'installer dans le chariot pour s'occuper de « mon fils » et ça tombait bien parce que Colleen tombait de sommeil et j'ai pu prendre sa place à la conduite.
Bien contente d'avoir cédé ma place à Loren, j'ai pu me concentrer sur Colleen et la soutenir et j'ai aussi assisté à la déclaration du commerçant envers Brian.
Il commençait à se remettre petit à petit de la piqûre du scorpion et il était content de voir monsieur Bray à son chevet.
Le commerçant le suppliait de s'accrocher et de vivre parce qu'il tenait à lui.
« Il faut aussi que je te dise quelque chose que je n'ai jamais su dire à Olive. Je t'aime, petit. »
Cette déclaration d'amour fit un bien énorme à Brian et m'a arraché des larmes qui se sont mises à couler de mes yeux sans que je cherche à les essuyer.
Si quelqu'un m'avait demandé de justifier ses larmes, j'aurai été bien en peine de pouvoir l'expliquer mais je me demande si personne ne l'a remarqué.
Sully s'est justement approché du chariot à ce moment-là et je me demande s'il les a vues ou non.
Il n'a pas essayé de m'en parler, peut-être parce qu'il avait peur que je m'effondre dans ses bras pour de bon et il n'aimait pas me voir triste.
Son amour pour moi à ce moment-là a traversé ses yeux et ont envahi les miens et m'ont transportée dans un autre monde. En fait, je crois que nous n'avions pas besoin de parler pour se comprendre. Il n'y avait quelque chose de particulier qui se passait entre nous et que je n'avais jamais connu.
Finalement, Brian s'est remis au moment où l'on atteignait le point d'eau. Matthew avait poussé un cri de joie quand il avait vu l'eau, puis il s'était approché de nous pour savoir comment allait son frère.
Quand il vit qu'il allait mieux, il fut soulagé et heureux.
Son cœur battait à grands coups d'être enfin parvenu à l'endroit où il y avait de l'eau.
Nous avons enfin pu nous reposer et je dois avouer que nous en avions besoin après des jours harassants et éprouvants. Colleen en a profité pour s'isoler avec Jesse et lui en a profité pour lui dire de belles paroles et la séduire.
Je l'ai déjà dit : ce garçon ne m'inspirait pas confiance mais Colleen ne m'écoutait pas à son sujet et Sully m'avait dit que nous avions besoin de lui.
Il fallait certainement laisser le temps à Colleen de faire ses propres expériences afin qu'elle se rende compte de son erreur.
Mais je savais que j'allais la retrouver dans un état lamentable après. Je ne savais pas quand cela allait se produire mais je ne pouvais pas passer mon temps à m'inquiéter. J'avais besoin de repos, Sully l'avait vu et il a insisté pour que je prenne du temps pour dormir. Il n'avait certainement pas tort !
Après des jours et des jours passés à m'inquiéter pour Brian et à prendre soin de lui pour qu'il guérisse, j'avais bien besoin de calme.
Sully s'est couché à quelques pas de moi car lui aussi était fatigué.
Mais le repos a été d'assez courte durée car il y a eu un affolement dans le troupeau.
Matthew s'était endormi à cheval quand cela arriva de façon tout à fait imprévu.
Sans raison apparente, le troupeau s'était échappé. Un nuage de poussière avait aussitôt ravagé l'espace. Les enfants et moi nous étions mis en sécurité et Matthew et Sully étaient aussitôt partis à leur recherche.
Il leur fallut faire plusieurs voyages et ils ne retrouvèrent pas toutes les vaches disparues.
Matthew savait exactement de qui venait l'attaque, d'autant plus qu'ils avaient disparus en même temps que les vaches. Il s'agissait de Jesse et de ses amis.
Ils avaient réussi à semer le désordre pour récupérer une partie du troupeau. Après avoir fait le compte, il en manquait et Matthew accusa le coup.
« C'est Jesse ! »
Colleen aussi accusait le coup ! Elle croyait le jeune homme sincère et n'envisageait pas une seule seconde qu'il puisse faire cela. Son cœur avait succombé aux charmes de ce beau parleur et elle allait devoir faire face à la triste réalité à un moment ou à un autre.
Matthew voulait partir à leur recherche pour essayer de récupérer une partie du troupeau. Son héritage était décimé et il ne supportait pas ça !
Nous avons essayé, Sully et moi, de lui faire entendre, car cela pouvait s'avérer dangereux pour lui d'affronter ces hommes-là. Il ne nous a pas écouté même s'il ne savait pas à quoi il devait s'attendre.
Brian s'amusait encore une fois avec son lance-pierre quand son frère est parti. Il voulait suivre Matthew et pour cela, il avait fait croire à Loren qu'il continuait à s'exercer.
Matthew avait tenté de le renvoyer aussi vite car il ne voulait tout de même pas exposer son petit-frère.
Elle ne m'a pas cru quand je lui avais dit que moi aussi je m'étais faite avoir à son âge, et pourtant, c'était la vérité. Elle avait besoin de temps pour accepter tout cela et en tirer tous les enseignements qu'elle en tirerait.
Pendant ce temps-là, Sully et Matthew s'affrontaient toujours au sujet de Brian.
Je n'ai pas essayé d'intervenir en revenant après ma discussion avec Colleen car je comprenais l'avis de Sully. Ce qui était fait était fait et nous ne pouvions pas rester sur ses dernières épreuves.
La route a repris son cours. Il a fallu que je passe quelques nuits auprès de Colleen et de Brian.
Nous avons dû affronter une troupe d'Indiens affamés qui voulaient récupérer des vaches pour manger. Ils étaient prêts à tout pour avoir de quoi nourrir leur tribu.
Sully s'est dirigé vers eux dans l'espoir de leur faire entendre raison et pour éviter aussi de les voir attaquer.
Ces Indiens ne savaient pas le lien que Sully entretenait avec les Cheyennes de Colorado Springs et de ses alentours, ils ne voulaient qu'une seule chose : manger.
Sully a tenté de leur proposer un plan. Il pensait d'ailleurs et y être parvenu mais ils se sont mis à venir vers eux en utilisant leurs armes.
Ils étaient vraiment prêts à tout et Sully s'est trouvé sur leur passage. Heureusement, ils ne l'ont pas blessé mais j'ai eu bien peur quand ils ont attaqué. Les enfants, surtout Colleen, étant donné ce qu'elle avait déjà subi, ont été profondément touchés par cet affrontement entre Sully et ce groupe d'Indiens.
Brian, lui, ne comprenait pas pourquoi ils s'en étaient pris à Sully, alors qu'il était leur ami. Mais ce groupe ne le savait pas et ils avaient faim.
C'est à ce moment-là que Colleen a dit qu'il ne fallait pas faire confiance à ceux que l'on ne connaît pas. Elle avait peut-être raison mais je lui ai dit que ce n'est pas parce que quelques-uns sont méchants que tous le sont.
Ils voulaient que je reste près d'eux et je leur ai promis que ce serait le cas toute la nuit.
Ma présence était nécessaire auprès d'eux. Je ne pouvais pas leur refuser ça quand ils le demandaient avec autant d'insistance.
Sully n'est pas resté loin de nous lui aussi afin de nous rassurer. Je savais qu'il faisait ça aussi pour moi.
Lui n'avait pas paru choqué par l'attaque des Indiens ou alors il ne voulait pas le faire voir.
La nuit a été paisible. Malgré leurs craintes, les enfants ont passé une bonne nuit.
Je ne m'attendais pas à la suite non plus, dois-je dire ! Brian, le lendemain, est venu nous prévenir de la naissance d'un veau. Une vache mettait bas et elle semblait avoir du mal. Robert E était auprès de lui pour l'aider mais il n'était pas vétérinaire de métier et ne savait pas comment s'y prendre.
J'ai décidé de prendre les choses en main, pourtant je n'étais pas vétérinaire, mais j'avais dû au début m'occuper aussi des animaux. Nous ne pouvions de toute façon pas la laisser mourir. Je me suis donc approchée de la vache.
En touchant son ventre, j'ai pu me rendre compte que le veau était mal tourné.
J'ai demandé de l'aide à Sully et à Robert E pendant que j'essayais tant bien que mal de le guider dans la bonne direction. Je me suis salie tous les avant-bras mais je voulais y parvenir d'abord pour faire plaisir à Brian et aussi pour aider la vache.
Avec nos efforts communs, nous y sommes parvenus !
Le veau était gluant et sale mais il était en bonne santé et j'en étais heureux. Après cela, il fallait absolument que je me laver. Je me suis isolée pour y parvenir. J'ai pris de l'eau froide pour me laver.
Juste au moment où je commençais à enlever le gros de ma saleté, Sully s'est approché de moi pour me proposer de m'apporter de l'eau chaude.
Sa tendresse et l'amour qui transparaissait dans sa voix me firent chaud au cœur.
J'ai enlevé mon chemisier et Sully m'a vue en caraco quand il est revenu. Je ne savais pas quelle serait sa réaction quand il me verrait ainsi mais il ne m'a rien dit.
Il m'a demandé l'autorisation de me laver les bras. Cette demande m'a semblé tellement … je n'ai pas de mots pour le dire, et je lui ai dit oui !
Je me rends compte de ce que cela voulait dire à ses yeux. En fait, je le laissais s'approcher, me toucher, dans des endroits assez dangereux.
Je savais que la limite n'était pas loin mais j'avais confiance en Sully qui me respectais et je savais qu'il n'irait pas plus loin sans mon autorisation.
Mon cœur s'est emballé dans ma poitrine quand il m'a demandé, ou même exigé de laver ma nuque. Il semblait avoir vraiment envie de le faire.
Il m'a suppliée de pousser mes cheveux sur le côté. Je n'avais aucune idée à ce moment-là de quel effet cela ferait chez moi et en moi aussi ! Je voulais lui faire plaisir et lui, je le pense, cédait à un de ses fantasmes d'une manière très séduisante, je dois le dire.

J'ai été surprise et j'ai failli m'évanouir quand ses lèvres ont remplacé ses mains. À ce moment-là, la phrase qu'il avait dit quelques minutes avant est revenu dans ma mémoire.

« La première fois que je vous ai vue, je me suis dit que vous aviez les plus beaux cheveux longs et dorés. »

Mais ses lèvres qui m'embrassaient dans le dos, la nuque et le cou … quelle folie ! J'ai fermé les yeux en savourant secrètement ses caresses, ne sachant pas quoi en penser, n'ayant même pas envie de penser.

Quand il s'est déplacé sur le côté et a posé ses lèvres dans la partie droite de mon cou, j'ai pensé que rien ne pouvait dépasser le plaisir que je ressentais.

J'avais des frissons qui apparaissaient sur ma peau qui n'était pas dû au froid.

J'ai ouvert les yeux quand Sully a posé sa main sur mon menton pour guider ma bouche vers la sienne. Je me suis laissée emporter par ce baiser et j'ai cru que plus rien ne nous empêchait d'aller plus loin. J'en avais envie, en plus !

Ce baiser a duré un long moment sans qu'aucun de nous deux ne fassent un geste pour l'arrêter. Je ne sais pas combien de temps cela a duré.

Nous nous sommes séparés quand nous avons entendu un toux légère. Il s'agissait de Matthew qui venait nous prévenir que le repas était prêt.

Il semblait gêné de nous déranger et je dois l'avouer, j'ai été gênée qu'il nous trouve dans ce moment unique.

Nous en avons ri avec lui en lui assurant que nous allions arriver dans pas longtemps. Matthew n'est pas resté longtemps de peur de nous déranger plus que ce qu'il avait déjà fait.

Sully et moi avons continué à rire et je me suis blottie encore plus dans les bras de Sully, pour lui montrer que j'avais apprécié ce moment de tendresse avec lui.

 

Je pensais que l'intervention de Matthew nous avait servie pour revenir au présent. Je ne sais pas où nous aurions pu aller sans lui et pourtant, quelque chose me dit que Sully aurait su s'arrêter à temps.
Il savait l'importance pour moi d'attendre notre mariage pour aller plus loin. Je savais que cela venait de mon éducation et je regrettais de m'être montrée si froide face à lui.
Je ne pouvais pas revenir en arrière, mais je pouvais peut-être faire un effort pour l'avenir.
Après avoir repris nos esprits, et que je me sois rhabillée dans une tenue un peu plus convenable, nous avons rejoint les autres qui nous attendaient.
Nous avons partagé un repas convivial avec eux, tous chamboulés encore par ce que nous avions partagé. Le regard de Sully ne lâchait pas le mien.
Je sentais encore en lui une envie d'être avec moi et de parler et de continuer à partager des moments aussi.
Heureusement, nous n'étions pas seuls et nous avions encore du chemin à faire avant de revenir à Colorado Springs.
Ce moment presque intime entre Sully et moi m'a bouleversée mais il m'a aussi confortée dans le choix que j'avais fait de me fiancer avec lui.
Durant ces quelques minutes volées, il avait su se montrer aimant et tendre et m'avait aussi prouvée que j'étais capable de me laisser aller et que je saurai lui faire plaisir.
Je me posais toujours des questions sur les futures relations que j'allais entretenir avec Sully car ce côté-là du mariage m'était totalement inconnu.
Sully, lui, m'avait prouvé qu'il n'avait pas de craintes quant à notre futur, ou alors il le cachait très bien !
Une autre épreuve allait nous rapprocher encore.
Il y avait une rivière à traverser sur le chemin du retour. Matthew voulait tenter l'expérience en se convaincant que si nous poussions les vaches, nous allions pouvoir y parvenir.
Sully conseillait plutôt de faire un détour. On y perdrait peut-être du temps mais cela était plus que sécuritaire. Matthew n'a pas voulu écouter et il est vrai que cela aurait pu marcher seulement le troupeau ne voulait plus avancer.
J'étais au milieu de lui et l'affolement a fait cabrer Éclair qui m'a fait tombée par terre. Je n'avais pas prévu que cela arriverait mais quand je me suis retrouvée couchée avec les pattes des vaches qui menaçaient toutes de m'écraser, j'ai pensé que ma dernière heure n'allait pas tarder.
Je me suis protégée comme j'ai pu. Je n'entendais plus que le meuglement des vaches et le bruit de leurs cloches.
Matthew, en tête du troupeau, s'était vite aperçu de ma chute et il en a prévenu Sully.
Les secondes qui sont passées ont ressemblé à de longues minutes. Je ne pensais qu'à essayer de me sauver. J'essayais de regarder pour voir si je pouvais m'apercevoir autre chose que des pieds de vaches.
Et j'ai entendu cette voix pleine d'inquiétude qui m'appelait. Je ne pouvais pas aller vers elle sans me mettre plus en danger mais elle se rapprochait de moi.
J'ai été infiniment soulagée quand j'ai vu sa main se tendre vers moi et quand il m'a tiré pour me mettre devant lui à cheval.
J'étais bien entendu sous le choc de ce qu'il s'était passé et je ne savais pas si je serai capable de marcher tout de suite. Sully m'a transporté ainsi jusqu'à un endroit sûr.
Dès notre arrivée, Sully est descendu et m'a assistée du mieux qu'il le pouvait pour me prendre dans ses bras. Je l'ai senti aussi choqué que moi. J'étais incapable de faire un pas mais Sully m'a faite asseoir et il s'est assis près de moi pour me serrer et me soutenir.
Matthew s'est approché de moi pour savoir comment j'allais et il a été soulagé de voir que je pouvais parler et que je m'en étais pas si mal sortie que ça.
« Je suis désolé, tout est de ma faute. »
« Oui, tout est de ta faute. »
J'ai senti dans la voix de mon fiancé qu'il était en colère et qu'il en voulait à Matthew de m'avoir mise en danger. J'étais bien incapable de prendre partie.
Ce n'est que plus tard que j'ai réalisé que je n'en voulais pas à mon fils parce que je m'étais mise toute seule en danger. Je ne sais plus exactement comment Sully m'a transportée jusqu'à une tente pour soigner mes blessures. Je suppose que quelqu'un avait dû la monter pour lui.
Je me rappelle qu'il m'a soulevée pour me porter vers la tente et a relevé le battant, puis il a relevé aussi amoureusement et doucement que possible les manches de mon chemisier pour examiner mes blessures.
Je me souviens aussi de son souffle coupé quand il a vu mon bras gauche ensanglanté et couvert d'hématomes. La façon dont il s'est servi de mes médicaments et baumes pour me soigner a été très douce et tendre.
Peu à peu, le choc que j'ai ressenti s'est atténué en face de son regard hypnotique. Je suis convaincue que plus que ses soins médicaux, ce sont ses soins amoureux qui m'ont guérie et ramenée à la réalité. Il a été soulagé quand j'ai pris la parole, non pas pour essayer de le convaincre d'arrêter d'en vouloir à Matthew mais pour le remercier.
Je sais qu'il voulait se montrer présent avec moi pour essayer de me réconforter du mieux qu'il le pouvait. Sully a passé du temps avec moi à parler et à me soigner puis il m'a demandé s'il pouvait me laisser un peu car il voulait aider les autres.
J'ai dit oui et il est parti après m'avoir embrassée sur le front. J'ai entendu Matthew lui demander si j'allais bien ou non. Sully ne lui a pas répondu.
J'ai compris qu'il lui en voulait toujours. J'allais essayer de parler avec Sully pour le faire revenir à de meilleurs sentiments envers Matthew.
Mon fils s'est approché de moi pour me demander comment j'allais. Je lui ai dit que ça allait. Il s'est excusé d'avoir pris la mauvaise décision.
Il regrettait d'avoir agi comme il avait agi, de ne pas avoir écouté Sully. Il disait que s'il avait écouté, rien ne se serait passé. Nous ne pouvions pas savoir comment cela se serait passé. Il y aurait peut-être eu des problèmes aussi !
Matthew, je l'ai compris, voulait avoir l'appui de Sully pour la suite. Je lui ai promis de parler avec mon fiancé. J'ai ensuite demandé à mon fils de m'aider à baisser la manche de mon chemisier. Je voulais que nous reprenions la route le plus tôt possible.
J'ai rattrapé Sully. Je lui ai dit que Matthew avait besoin de son aide. Sully pensait que mon fils ne voulait pas de son aide. Il avait besoin de se montrer plus homme alors que cela ne faisait aucun doute.
J'ai dit à Sully que Matthew souhaitait un peu plus l'écouter à l'avenir. Mon fils avait droit à une deuxième chance mais je comprenais le point de vue de mon fiancé, qui ne voulait pas que Matthew fasse d'autre erreur qui mette d'autres personnes en danger.
« Est-ce que vous réalisez que vous auriez pu y rester ?! »
Cette question de sa part me faisait comprendre que Sully avait eu peur que je meure. Je savais qu'il tenait à moi, je comprenais ce sentiment. Je voulais juste qu'il fasse un pas vers Matthew, qui n'attendait que cela.
Je ne sais pas si mes paroles ont eu un impact sur lui mais il a rattrapé Matthew alors qu'il tentait de voir où il devait se diriger pour la prochaine étape.
Matthew lui a soumis son idée et Sully l'a approuvé. J'ai compris qu'ils avaient fait la paix quand ils sont revenus ensemble. J'ai laissé Sully me raconter ce qu'il voulait me raconter.
Je savais qu'il gardait certaines choses pour lui. Il ne me disait pas tout sur ses sentiments. Matthew et Sully s'appréciaient déjà auparavant et j'aurai malheureuse si je les avais éloignés loin de l'autre trop longtemps.
Quand il s'était approché de moi pour me parler. Apparemment, Matthew lui avait parlé de mon désir de me remettre à cheval. Sully me connaissait assez pour savoir que je n'allais pas renoncer aussi facilement que ça mais il m'a tout de même demandé si j'en étais sûre.
Je me sentais assez forte pour pouvoir être sûre de tenir en selle et je n'allais pas me laisser avoir par cette chute de cheval.
Sully était d'accord pour que je fasse un essai pour la suite. Il m'a seulement dit que s'il me voyait fatiguée ou prête à tomber, il me ferait arrêter et m'obligerait à continuer dans le chariot.
Il aurait tenu parole si tel avait été le cas et je n'aurai pas pu l'en empêcher.
Je ne savais pas où le veau s'était caché mais je devais le chercher et le trouver. Je ne savais pas non plus que le temps passait.
Plus les minutes passaient, plus le feu gagnait en intensité. Tout le monde était en sécurité, enfin presque tout le monde. J'ai réussi à prendre le veau à cheval avec moi pour travers le brasier.
La chaleur m'étouffait et je pensais que j'en verrais jamais la fin. Ma dernière heure aurait aussi pu arriver à ce moment-là, mais ce n'était pas encore le jour.
Je ne voyais plus où je me dirigeais. J'avançais grâce à Éclair. J'étais au bout du rouleau.
Je le sais, parce qu'il me l'a dit, Sully s'inquiétait pour moi à ce moment-là. Avec ma récente blessure, je devais être plus fragile. Il était prêt à venir me chercher quand il m'a vue apparaître enfin. Il est d'ailleurs tout de suite venu vers moi. Quelqu'un attrapa le veau et je dus faire un effort surhumain pour descendre.
J'étais essoufflée et épuisée. Sully a dû le remarquer quand il m'a vue car il s'est placé près de moi pour m'assister. Brian m'a demandé si j'allais bien.
J'ai répondu oui toujours à bout de souffle. « Mon métis » me proposait de m'asseoir pour me reposer. Je ne l'écoutais pas mais je savais déjà qu'il avait raison. J'ai dû faire au maximum trois pas avant de m'écrouler au sol. Sully s'est tout de suite alarmé. Je l'ai tout de suite rassuré. Il ne devait pas s'inquiéter plus que cela.
Après ce repas très particulier qui m'avait mis des rêves dans la tête, nous sommes allés nous reposer. Nous voulions entamer la dernière partie du trajet dans la journée du lendemain.
Je dois avouer que j'étais impatiente de retrouver Colorado Springs et ma maison. Je rêvais de prendre un bain et d'enlever toute la poussière accumulée sur mon visage.
J'avais aussi envie de connaître la suite de mon rapprochement avec Sully. J'aurai du mal à me séparer de lui une fois rentrée à la maison.
Nous avons eu le droit d'être ensemble pendant cette expédition et il allait falloir que nous nous séparions à nouveau.
Ce serait difficile à faire. Il y avait tellement de choses qui s'étaient passées et qui nous ont rapprochés.
Nous avons senti l'imminence de cette séparation, alors nous avons encore pris le temps d'être ensemble. La réaction de ma mère aurait été la pire si elle avait su tout ce qui s'était passé durant ce voyage. Elle n'en jamais rien su mais si elle l'avait su, elle m'aurait fait de sérieux reproches.
Encore une fois, Sully et moi avons passé de longues minutes amoureuses ensemble.
Personne n'en a été témoin, et heureusement, car nous nous sommes embrassés. Nous n'avons tout de même pas été trop loin. Au bout d'un moment, Sully m'a accompagnée auprès des enfants qui dormaient car il souhaitait me voir me reposer.
La dernière journée de notre périple se passa tranquillement et sereinement. Le rythme que l'on s'imposait était plus lent. Notre seul objectif était d'arriver sains et saufs à Colorado Springs avec le troupeau.
Celui-ci n'était pas complet mais il était en bonne santé. J'avais l'impression que quelque chose se finissait et que quelque chose allait recommencer dès notre arrivée.
Je percevais les regards de Sully qui ne cessait pas de se retourner pour voir si j'allais bien.
Malgré ma fatigue, je me sentais bien. Je n'avais pas besoin de preuves pour savoir que mon avenir avec Sully serait merveilleux, même si j'appréhendais un peu. Il vivait seul en forêt et sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit depuis de longues années. Il avait vécu avec les Indiens et portait leur collier.
Je l'aimais pour cela, parce qu'il était différent des autres hommes. Il voulait que je sois heureuse et je savais qu'il ne me demanderait pas d'abandonner la médecine pour lui. Je sais qu'il avait connu la vie conjugale avant moi mais était-il prêt à vivre dans une maison, de dormir dans un lit confortable, peut-être trop confortable à son goût.
Il devait l'être au sinon il ne me l'aurait pas proposé le mariage mais j'avais peur qu'il se lasse, qu'il se sente emprisonné un fois marié avec moi. Je ne voulais pas l'emprisonner, je voulais qu'il soit heureux.
Sera-t-il heureux près de moi ?
Il fallait que j'arrête de me poser ces questions sans cesse car j'avais aussi des doutes sur moi.
Son regard se posa à nouveau sur moi quand nous nous sommes approchés de Colorado Springs. Il était temps.
Matthew est rentré tard, heureusement, car j'ai passé beaucoup de temps dans le bain, puis auprès de Sully. Je pense que les enfants savaient que Sully était resté pour la nuit dans la grange.
Quand le lendemain, nous nous sommes réveillés encore engourdis et fatigués de cette expédition, ils n'ont pas posé de questions concernant la présence de Sully à la maison.
Je savais qu'ils voulaient vraiment que nous vivions ensemble. Ils avaient tout fait pour nous rapprocher. Je n'ai pas repris le chemin de la clinique ce jour-là. Sully a su me convaincre d'attendre. Il est vrai que tout le monde avait remarqué notre arrivée la veille. Ils n'auraient pas pu la louper.
J'avais besoin de passer ce moment-là avec mon fiancé, nous devions aussi aider Matthew à installer un peu mieux son troupeau.
Malgré notre fatigue, nous avons tenu bon. Colleen et Brian étaient retournés à l'école mais ils les aideraient à leur retour. J'imaginais très bien Matthew dans le rôle qu'Olive lui avait laissé. Il pouvait y faire sa vie.
Il pourrait ainsi peut-être s'installer avec Ingrid et ses sœurs. Je sais que Matthew rêvait de se marier avec la jeune femme mais il fallait que j'attende un peu. Il avait la vie devant lui.
Il en était de même pour Sully et pour moi, même si nous étions plus pressés que lui ! Il fallait que Sully ait le temps de construire la nouvelle maison.
J'espérais aussi avoir le temps de prévenir ma mère mais je n'étais pas sûre de sa réaction car elle ne voulait pas que je me marie avec lui. Ne pouvait-elle pas comprendre que je l'aimais ?!
Au lieu de me donner des nouvelles concernant son arrivée pour mon mariage, elle m'a envoyé des caisses remplies de livres. Les enfants ont été intrigués par leur arrivée, ils étaient pressés de savoir de quoi il s'agissait. Sully a eu du mal à les faire patienter jusqu'à ce que je puisse les ouvrir.
Je leur ai donné l'autorisation de le faire avec l'aide de Sully et nous avons ainsi pu découvrir que les caisses contenaient des livres très chers à mon cœur.
Il s'agissait des livres de mon père, que ma mère me faisait parvenir. Elle pensait qu'ils seraient plus utiles à Colorado Springs qu'à Boston.
Les souvenirs d'enfance me revenaient en tête. Sully se demandait à quoi pouvait en venir ma mère et ce que j'allais en faire. Je ne pouvais pas les garder rien que pour moi. Je voulais partager et ouvrir la première bibliothèque de la ville.
Sully était resté dans la grange quelque temps après notre retour à Colorado Springs et je savais qu'il avait désormais décidé de dormir dans l'abri le plus proche de la maison. Je voulais faire profiter des livres de mon père à toute la ville.
L'idée d'ouvrir une bibliothèque emporta l'adhésion des conseilles municipaux. Nous avons pu trouver un endroit où les mettre à disposition de tous ceux qui le souhaiteraient.
Je n'étais pas peu fière de voir que les livres allaient avoir un nouvel usage et que cela allait apporter de la joie.
Lire me plaisait. Dès que la bibliothèque a été ouverte à la mémoire de mon père, Josef, j'ai été très heureuse de lui rendre hommage.
Il me manquait terriblement et c'était important pour moi de partager son héritage avec les autres. Il y avait des livres variés qu'il avait prêtés à beaucoup de monde.
Colleen s'est portée volontaire pour s'occuper des prêts. Tout le monde devait s'inscrire pour avoir le droit d'emprunter des livres.
Au soir, chaque membre de la famille était penchée sur un livre. Brian avait pris un livre qui parlait des courses de grenouilles, Sully, un recueil de poèmes et moi un livre de médecine.
Brian essayait d'attirer notre attention avec son livre mais nous étions tous si passionnés que nous lui avons tous dit d'attendre plus tard.
Sully semblait plus absorbé par les autres. Il semblait fasciné par le livre qu'il lisait. J'étais très curieuse d'en savoir plus.
Les enfants sont allés se coucher et Sully est resté lire dehors. Je ne pus pas m'empêcher de le rejoindre pour en savoir plus. Je lui ai demandé si je ne le dérangeais pas.
Je savais que ce n'était pas le cas et j'ai enfin su ce qui avait tant passionné mon métis. Il avait trouvé un recueil de poèmes de Walt Whitman, Feuilles d'herbe, et voulait partager avec moi. Je lui ai demandé de me lire le poème qui l'avait le plus marqué.
Il s'est exécuté et j'ai vite compris que j'aurai mieux fait de m'abstenir. Les poèmes étaient inconvenants et choquants. Sully n'a pas compris ma réaction. Il ne voyait pas le mal que cela pouvait faire de les lire.
Il savait tout comme moi qu'ils parlaient de l'acte sexuel entre l'homme et la femme. Je ne voulais pas que les enfants tombent sur ce type de lecture.
Il m'a promis de les cacher mais il voulait les partager avec moi. Cela me faisait peur. Il m'a dit que c'était comme les fiançailles, qu'il fallait suivre chaque chapitre et que je pouvais changé d'avis.
Je n'en étais pas si sûre que cela !
Je lui ai avoué mes craintes. Je ne savais pas si je serai capable, si j'y parviendrais. Il m'a répondu qu'il était trop tôt pour s'en inquiéter et que je suive tous les chapitres un à un.
Si j'en loupais un, je ne saurai jamais l'histoire entière. Il serait difficile pour moi de suivre tous les chapitres car certains étaient plus difficiles que d'autres. Il fallait que je les suive malgré tout.
Tous les livres étaient disponibles, et très vite, le Révérend s'est aperçu que certains parlaient de diables. Il a vu Colleen lire Faust, un livre que j'avais lu à son âge.
Ce livre parlait d'un homme prêt à vendre son âme au diable. Le mot « diable » a fait son chemin dans la tête du Révérend.
Il est venu me voir. J'étais là, à la bibliothèque pour me faire voir que Colleen lisait. Je ne voyais pas le mal là-dedans. Après, le Révérend a voulu le confisquer, mais Colleen avait le droit de lire ce qu'elle souhaitait, après tout.
Je ne comprenais pas où le Révérend voulait en venir !
J'allais le comprendre dans les jours à venir. L'homme d'église ne voulait pas qu'elle lise ce genre de lecture à l'école. Elle pouvait très bien le lire chez elle, selon lui !
Ce qui a suivi a été une catastrophe. Le Révérend a été voir Dorothy pour qu'elle publie un éditorial concernant les livres de mon père.
Il y parlait des différents sujets abordés dans ces livres et de la nécessité de fermer la bibliothèque pour effectuer un tri et rouvrir avec ceux choisis.
J'ai été peinée quand je l'ai découvert et j'ai tout de suite été voir mon amie pour savoir si c'est qu'elle pensait ou pas. Elle m'a expliqué que le Révérend lui avait demandé de publier cet éditorial et qu'il avait certainement raison.
Les livres avaient tendance à enflammer les passions et à faire faire ce qu'il ne fallait pas selon elle.
Il fallait que j'affronte le conseil municipal mais je pense que la plupart des conseillers avaient déjà fait leur choix. Je ne pensais pas que la ville allait en arriver à cette extrémité mais j'étais loin d'avoir tout vu.
Le conseil s'est réuni et ils ont pris la décision de fermer la bibliothèque pour une durée indéterminée afin de pouvoir trier les libres avant de la rouvrir.
J'ai bien essayé de leur faire entendre raison mais le Révérend avait su certainement les faire changer d'avis. Leur manière de faire ne me plaisait pas. Ils ne laissaient à personne le droit de lire ce qu'elle voulait.
Je réalisais que je faisais exactement la chose qu'ils faisaient en demandant à Sully de cacher celui qu'il lisait. Mais le conseil municipal, surtout le Révérend et Jake avaient une manière de récupérer les documents qui ne plaisait à personne.
Ils entraient chez les gens en pleine nuit pour reprendre un livre qui ne leur convenait pas. Myra m'en a parlé le lendemain et je trouvais cela inadmissible. Mais je ne pouvais pas changer grand chose.
Puis, j'ai réfléchi, et j'ai pris une décision. Les locaux de la bibliothèque appartenaient à la ville mais pas les livres. J'avais le droit de les reprendre et c'est ce que j'ai voulu faire le lendemain.
Sully et Matthew, ainsi que Colleen et Brian, sont venus avec moi. Sully a enlevé les planches pour pouvoir rentrer à l'intérieur. Notre arrivée n'est pas passée inaperçue aux yeux des habitants. Jake a vite été mis au courant et est venu me voir pour savoir ce que nous faisions.
Je lui ai dit que je récupérais mes livres. J'avais l'intention de les récupérer et de les laisser à la clinique à ceux qui le voulaient.
Jake m'a rappelé que j'avais donné ces livres à la ville mais je lui ai répondu que je revenais sur ma décision. J'avais le droit de changer d'avis.
Nous les avons donc mis dans des caisses et transportés jusqu'à la clinique mais j'étais bien loin de savoir jusqu'où ils pouvaient aller.
Nous avons pu mettre certaines caisses dans la clinique mais certains habitants ont pris les livres pour les brûler.
Le Révérend a essayé de les en empêcher mais personne ne l'écoutait. Les habitants n'avaient qu'une seule idée en tête, celle de se débarrasser de ces livres une bonne fois pour toutes.
Dès qu'elle s'est aperçue de ce qui se passait dehors, Colleen nous a prévenu et nous nous sommes précipités pour éteindre le feu. Je savais qu'il était déjà trop tard et que certains ne pourraient jamais se récupérer.
Ce déchaînement de haine envers ses livres était incompréhensible. Je voyais tout partir en fumée et j'ai aussi essayé de freiner la colère de Sully, qui a bousculé Jake sur son passage. Nous avions beau versé des seaux d'eau sur les livres, il était bien trop tard.
J'ai senti les larmes me venir aux yeux mais que pouvais-je faire ? Il était trop tard.
Nous devions récupérer ce que nous pouvions. Quand les cloches ont commencé à sonné pour le début de l'office, j'étais en train d'examiner avec Sully et les enfants, l'état des dégâts causés.
Le Révérend est passé et m'a demandé si nous allions les rejoindre mais sur le coup, je ne voulais pas y aller. Comme Brian, j'avais du mal à accepter ce déferlement de haine.
Je comprenais que certains sujets abordés dans ces livres étaient choquants, moi-même j'ai été choquée par la lecture de « Feuilles d'herbe », mais y avait-il besoin de les brûler, juste au moment où j'ai saisi un livre et où je suis entrée dans l'église.
Là aussi il était question de sujet qui donnait à réfléchir mais il était important que j'en fasse part à la ville réunie dans l'église parce qu'il s'agissait de la Bible. En leur disant de quoi il s'agissait, j'espérais qu'il changerait d'avis.
Je réalisais que je devais en faire autant concernant « Feuilles d'herbe » que Sully voulait partager avec moi.
En sortant de l'église, Brian et son ami jouaient à faire sauter les grenouilles et ils avaient tout perdu suite à leur concours. Brian avait appris qu'il ne fallait pas jouer de l'argent sur tout et n'importe quoi.
Puis, les habitants de la ville nous ont rejoint pour nous aider à récupérer les livres non endommagés. Ils souhaitaient rouvrir la bibliothèque avec tous les ouvrages. J'avais gagné une bataille.
Et j'ai laissé Sully me livre « Feuilles d'herbe », enfin convaincue par son avis. Il voulait que nous suivions tous les chapitres de nos fiançailles ensemble et j'avais baissé la garde, certainement à son plus grand plaisir.
Halloween approchait. Grâce aux livres de mon père, j'ai pu partager le livre qui parlait de Frankenstein avec mes enfants. Brian étaient le plus impressionnable et le plus jeune. J'avais peur que ces histoires ne lui fassent peur.
Mais il est resté un peu plus tard avec moi pour que je lui lise un passage supplémentaire. J'adorais ces moments où nous étions tous les deux, rien que lui et moi. Je me sentais mère dans ces instants-là.
Et cette lecture me donnait aussi une approchée scientifique. Brian m'avait demandé si je serai un jour capable de créer un autre homme. La science arriverait peut-être à faire des progrès dans ces domaines-là, mais je ne pouvais pas m'imaginer que j'en serai capable.
Brian était arrivé en retard, nous commencions à nous inquiéter et il m'a demandé d'aller voir le monstre qui avait besoin de mon aide.
J'ai poussé un cri de terreur et Brian m'a tout expliqué. Il était tombé sur un homme défiguré dans la forêt, un homme blessé et qui avait besoin de mes soins. En tant que médecin, je ne pouvais pas refuser cela, mais en tant que femme, j'étais terrorisée par l'allure de cet homme.
Brian avait voulu dire à tout le monde qu'il avait trouvé un monstre, mais tous les habitants partaient à la chasse à cet animal qui détruisait tout.
Les hommes de la ville sont arrivés à ce moment-là à la maison pour savoir si nous avions vu le monstre. J'ai inventé le fait qu’Éclair boitait, j'ai bien senti que Sully ne voulait pas partir à la recherche du monstre, qui se trouvait de toute façon dans ma grange.
Les habitants de la ville commençaient à se poser des questions. Loren a osé le premier à le faire en frappant à la porte pour me livrer mes marchandises. Je lui ai juste dit que je me livrais à une petite expérience qui lui ne pouvait pas comprendre.
Je sais que des personnes ont commencé à jaser et qu'il ne s'attendait certainement pas à ça de ma part. Dorothy est rentré dans la clinique en mon absence et a découvert le « monstre ». Elle se demandait comme tous les autres ce qu'il m'était passé par la tête. Et elle a cherché à comprendre en posant des questions à Sully.
Elle avait entendu des rumeurs sur les expériences étranges que je menais. Elle pensait qu'il était mort mais je lui avais simplement pratiqué une opération. Il ne fallait pas qu'elle s'en mêle et qu'elle reste en dehors de tout ça. C'était mieux ainsi.
Le temps comptait dans ce genre d'opération. Deux semaines sont passées ainsi. Brian s'attachait à cet homme. Une réunion secrète entre habitants a eu lieu et Dorothy a dit à tout le monde qu'elle avait vu un « monstre ». Ils pensaient que je voulais faire revenir un mort à la vie et ils sont venus à la clinique.
Ils sont entrés dans la clinique et mon patient s'est enfui. Ils obtenaient ce qu'ils souhaitaient. Pourquoi ne voulaient-ils tout simplement pas comprendre que j'avais voulu tout simplement l'aider ? Je menais une expérience et je ne comprenais pas qu'ils ne veuillent pas me laisser faire ce que je voulais.
Quand nous avons rattrapé l'homme, je leur ai tout expliqué et je leur ai dit que c'étaient eux les « monstres » de ne pas vouloir accepter cela.
J'ai enfin enlevé les pansements sur son visage et il s'est découvert. Je lui ai dit que je le trouvais beau et il est vrai qu'il était vraiment bien plus beau qu'avant.
Nous sommes sortis ensemble de la clinique, pour faire voir ce résultat à tous les habitants réunis. Tous les regards étaient rivés sur lui et il s'est enfui car il a eu peur.
Sully m'a empêché de le retenir quand il est parti. Après tout, il avait droit de choisir où il voulait aller. Dorothy est venu ensuite me présenter des excuses après avoir découvert quel était le prénom de mon patient.
Tout ce que je lui avais raconté était vrai. Je suis donc allée le retrouver pour lui expliquer que c'était le pont qui s'était effondré. Il avait fait une erreur, seulement, ce n'était pas sa faute.
En soignant son visage, je pensais que je pouvais l'aider à vivre. John ne voulait pas continuer car il ne se pardonnait pas ce qu'il s'était passé. Il pensait que les personnes en ville ne l'accepteraient jamais mais il fallait qu'il s'accepte avant de faire ce pas vers eux.
Et le soir d'Halloween arriva. Nous avions emmené John avec nous pour qu'il fasse enfin ce pas vers l'humanité et qu'il redevienne un homme. John a hésité à faire ce pas, heureusement, Brian était à ses côtés.
Je l'ai présenté à mes amis, qui faisaient enfin eux aussi un pas vers lui. Il a prononcé un « Joyeux Halloween » et il avait enfin été accepté dans la ville.
Il en était tout autrement pour le peuple Indien, les Cheyennes en particulier. Sully et moi voulions les aider à obtenir des conditions de vie plus faciles. Mais nous savions que cela n'allait pas être aussi facile que cela.
Le gouvernement ne pensait pas que c'étaient des personnes civilisées, et l'accord allait être compliqué.
Nous l'avons compris quand nous avons rencontré l'Armée venue sur place pour bien faire comprendre que les Indiens n'avaient pas à décider quoi que ce soit et qu'ils devaient se plier aux règles qu'on leur imposait.
Nous étions scandalisés que pas un seul de ces politiciens ne connaissent les réelles conditions de vie des Cheyennes, mais nous avons été traités comme des parias par le représentant du gouvernement. Il ne pouvait pas comprendre qu'un métis et une femme médecin défendent des Indiens.
Nous avons refusé de signer un traité avec ce représentant. Il fallait que la vérité se sache. J'ai réfléchi rapidement et il me semblait qu'il n'y avait qu'une seule solution, mais je savais déjà que ce ne serait pas facile non plus.
J'en ai parlé le soir-même aux enfants et à Sully. La seule solution pour leur faire comprendre les vraies conditions de vie des Cheyennes était d'aller leur dire, pour peu qu'il soit possible de se faire entendre.
Les enfants étaient heureux de s'y rendre. Cela leur permettrait de découvrir une ville inconnue et de se faire plaisir. Sully semblait peu désireux de nous suivre. Il ne voulait pas aller à Washington et je ne comprenais pas.
Je l'ai laissé libre de sa décision. Je devais acheter des billets de train et je souhaitais savoir si je devais en acheter un pour lui. Mais il n'avait pas décidé et n'avait donné aucune réponse le lendemain. Je m'imaginais donc qu'il ne viendrait pas.
Les habitants étaient inquiets de notre départ. Je savais que Loren et Dorothy étaient tristes de voir les enfants s'éloigner et Matthew laissait Ingrid, mais cette dernière devait aller s'occuper d'enfants à Denver, donc cela ne le dérangeait pas.
Jake était surtout inquiet de se retrouver sans médecin à Colorado Springs. Je n'avais qu'une seule ambition, celle de faire comprendre au congrès de Washington que mes amis Indiens étaient des hommes qui méritaient de vivre décemment.
Le cocher a demandé si nous devions attendre quelqu'un mais je savais déjà que Sully ne viendrait pas. Il avait apparemment décidé de ne pas nous accompagner.
Peut-être trouvait-il cela inutile ? Il est vrai que les Indiens étaient certainement la dernière préoccupation du gouvernement. Au bout d'un moment, la diligence s'arrêta et nous nous sommes demandé ce qu'il se passait.
En fait, Nuage Dansant et Sully avaient arrêté la diligence pour venir avec nous. Tous deux avaient changé d'avis. Peut-être que Sully ne voulait pas s'éloigner de lui et je dois dire que j'étais soulagée qu'il vienne car j'avais besoin de lui auprès de moi.
Je n'étais sûre de rien. Je ne savais pas si nous parviendrons à trouver un accord entre la nation Cheyennes et le gouvernement mais nous aurions au moins tout essayer pour eux.
C'est donc en me présentant sous un faux nom que j'ai pu pénétré à l'intérieur et j'ai été bien obligé de faire découvrir ma véritable identité, tous avaient compris que je n'étais pas la personne qu'ils attendaient.
Nous avions fait le voyage depuis Colorado Springs pour parler au nom des Cheyennes et je souhaitais qu'ils m'écoutent. Comme je m'y attendais, ils n'ont rien entendre, prétextant le peu de temps qu'ils avaient pour écouter tous les témoignages.
Ce n'était bien évidemment qu'une ruse pour refuser d'entendre ce qu'ils ne voulaient pas entendre. Personne ne se préoccupait réellement du problème Indien. Ils souhaitaient leur donner une occasion de se battre pour pouvoir les abattre. Ils avaient là un moyen pour les exterminer.
Mais la terre leur avait appartenu avant nous et je n'allais pas renoncer à me battre. Sully et Nuage Dansant comptaient sur moi pour faire entendre leur voix. Je ne me sentais pas à la hauteur mais je ne pouvais pas les décevoir.
Bien sûr, j'avais déjà dû défendre des personnes avant, mais là, devant tous ces juges et ces politiciens, je ne me sentais pas à la hauteur. Il serait dur de se faire entendre. Quoi qu'on dise, je pense que leurs décisions étaient prises et qu'ils ne reviendraient pas dessus.
On m'a demandé de sortir et j'ai même été forcé de le faire car des gens arrivaient pour m'obliger à le faire. Sully ne voulait pas qu'on me touche et il était prêt à se battre pour pas que ce soit le cas.
C'est donc en me présentant sous un faux nom que j'ai pu pénétré à l'intérieur et j'ai été bien obligé de faire découvrir ma véritable identité, tous avaient compris que je n'étais pas la personne qu'ils attendaient.
Nous avions fait le voyage depuis Colorado Springs pour parler au nom des Cheyennes et je souhaitais qu'ils m'écoutent. Comme je m'y attendais, ils n'ont rien entendre, prétextant le peu de temps qu'ils avaient pour écouter tous les témoignages.
Ce n'était bien évidemment qu'une ruse pour refuser d'entendre ce qu'ils ne voulaient pas entendre. Personne ne se préoccupait réellement du problème Indien. Ils souhaitaient leur donner une occasion de se battre pour pouvoir les abattre. Ils avaient là un moyen pour les exterminer.
Mais la terre leur avait appartenu avant nous et je n'allais pas renoncer à me battre. Sully et Nuage Dansant comptaient sur moi pour faire entendre leur voix. Je ne me sentais pas à la hauteur mais je ne pouvais pas les décevoir.
Bien sûr, j'avais déjà dû défendre des personnes avant, mais là, devant tous ces juges et ces politiciens, je ne me sentais pas à la hauteur. Il serait dur de se faire entendre. Quoi qu'on dise, je pense que leurs décisions étaient prises et qu'ils ne reviendraient pas dessus.
On m'a demandé de sortir et j'ai même été forcé de le faire car des gens arrivaient pour m'obliger à le faire. Sully ne voulait pas qu'on me touche et il était prêt à se battre pour pas que ce soit le cas.
Le fait qu’elle me traite en amie était une preuve de son écoute. Apparemment, elle voulait intervenir auprès de son mari afin que je puisse parler au Congrès.
Sully voulait absolument que je prenne la parole et j’avais là un fort pari à tenir. Il allait être difficile de faire entendre raison à tous ces politiciens qui n’écoutaient rien.
Tous avaient des préjugés concernant les Indiens et je savais que je ne pourrais régler la situation en disant de belles paroles. Je ferai de mon mieux. Nous étions venus à Washington pour cela et nous n’allions pas abandonner aussi rapidement.
Cette soirée a aussi permis à mes enfants de se rapprocher des siens. Ils avaient à peu près le même âge que Colleen et Brian, mais Matthew s’amusait aussi. C’était le principal, que nous prenions aussi du plaisir à être sur place, histoire de ne pas avoir fait le voyage pour rien.
Mais le voyage ne serait pas inutile et pas que pour les Indiens.
Madame Grant avait bien obtenu de son mari un droit de paroles pour moi au Congrès. Et le doute était en moi. Toute la nuit, j’y avais pensé. Allais-je pouvoir faire quelque chose ?
J’ai essayé d’en parler à Sully. Bien sûr, comme je m’y attendais, il pensait que j’étais la meilleure personne pour convaincre le Congrès.
Il avait une telle confiance en moi et il a réussi à me convaincre. Nous étions tous les deux assis face à face à une table avant d’aller nous coucher quand nous en avons parlé.
J’avais déjà, par le passé, réussi à faire changer d’avis à pas mal de gens et j’étais soi-disant capable de faire la même chose.
Mais c’était différent ! Tout était différent ! Bien sûr, j’avais réussi à faire changer l’avis de pas mal d’habitants de Colorado Springs mais les personnes étaient différentes. Changer l’avis d’habitant était possible mais on était loin de Colorado Springs et de ses habitants.
Les personnes siégeant à ce Congrès n’étaient pas des personnes que je connaissais, donc je ne pourrais utiliser leurs points faibles pour les convaincre. Je ne me sentais pas de taille et je n’arrivais pas à le faire comprendre à mon fiancé.
Et je devais faire face pour lui, pour Nuage Dansant, pour les Cheyennes et pour les Indiens en général parce que c’est ce qu’on attendait de moi. J’avais déjà dû me battre dans le passé, c’était un nouveau combat, qui ressemblait bien à celui que j’avais mené pour faire des études de médecine.
Mais je n’étais pas en face de ma mère, de mes sœurs, mais en face de politiciens qui voulaient voir la mort des Indiens.
Mon père m’avait beaucoup aidée pour que je sois acceptée dans la faculté de médecine. Je ne pouvais pas compter sur lui, tout comme je ne pouvais compter sur personne pour me faire entendre. Peut-être qu’il était là au-dessus de moi et qu’il m’insufflait sa force. Il fallait que j’y crois de toutes mes forces.
Tout cela a tourné dans ma tête toute la nuit qui a été très courte. J’étais toujours pleine de doutes quand je me suis levée ce matin-là. Je pense que cela se lisait en moi. Les enfants souhaitaient s’occuper en passant du temps avec leurs nouveaux amis.
Cela m’arrangeait, je ne voulais pas qu’ils sachent que j’étais anxieuse. Je ne sais pas s’ils s’en sont aperçus. Mais par contre, je sais que Sully s’en est aperçu.
Nuage Dansant était parti prié les Esprits. Une fois de plus, nous étions seuls. Nous avions besoin d’être seuls. J’avais besoin de son amour pour affronter cette nouvelle épreuve.
Une fois de plus, il m’a convaincue que j’étais la seule à pouvoir parler au nom du peuple Indien, que si quelqu’un pouvait changer quelque chose à leur sort, c’était moi.
Cette confiance qu’il avait en moi était une des raisons pour lesquelles je l’aimais si fort. Il n’avait jamais douter de moi, pas une seule fois, même s’il pensait que mes décisions étaient des fois un peu folles, il n’avait jamais douter de moi.
Cette liberté qu’il m’offrait et ce soutien dans toutes les épreuves quelques qu’elles soient m’étaient précieux. Je n’aurai jamais pensé qu’un homme puisse se révéler aussi attentionné et aimant. Notre mariage se révélait un peu trop lointain à ce moment-là. J’avais envie de me jeter dans ses bras et de l’embrasser avec tout mon amour.
Tout m’en empêchait.
Et j’ai franchi le pas en rentrant dans son congrès. J’ai bien souligné le fait qu’ils ne connaissaient pas les conditions de vie des Indiens. Ils voulaient faire des Indiens des personnes soumises et obéissantes. Ils pensaient que ces hommes allaient échouer.
J’ai eu beau souligner toutes leurs conditions de vie indignes et l’amitié que m’inspirait les Cheyennes, mais je savais qu’ils ne m’avaient pas entendue. Tout cela ne servait à rien. Seules quelques personnes avaient paru entendre ce que j’avais dit lors de ce congrès.
Après quoi, nous avons été invité chez les Grant.
Et il a fallu bien nous habiller, car seuls le président et sa femme pouvaient nous écouter aussi attentivement. Colleen faisait des ravages et Sully écoutait attentivement le président raconter la guerre.
Je ne savais pas encore à quoi nous allions faire face.
Le président s’est emporté à cause de la guerre. Il devait être assez marqué par ce qu’il avait vécu pour s’emporter. Il ne semblait pas aller bien. Sully, pendant ce temps-là, jouait au billard sans se douter un seul instant de la menace qui pesait sur ses épaules.
La fille de madame Grant voulait inviter Colleen et Brian était aussi invité par le fils du président. Ils nous offraient une belle marque d’amitié.
Madame Grant avait bien compris l’angoisse qui m’étreignait quand je pensais au sort des Indiens et elle essayait un tant soit peu de me consoler. Bien sûr, j’avais parait-il – d’après mon fiancé - réussi à faire passer un message, mais je savais que cela ne suffirait pas.

Je me suis approchée du président après avoir reçu l’invitation de sa femme pour le bal le soir-même, et je lui ai demandé de m’accorder un moment pour lui parler.
Il n’avait pas le temps de m’écouter, il voulait se promener en cheval et je lui ai dit que je pouvais l’accompagner. Il ne me voyait pas monter à cheval dans la robe rouge que je portais et je lui ai dit que je pouvais.
Sully a souligné avec fierté que j’avais déjà gagné une course.
Et j’ai souligné la condition de vie des habitants de Murder Bay auprès du président. Bien sûr, il était au courant de ces conditions-là, mais il ne pouvait pas être derrière toute la misère du monde. Il m’a montré un endroit dont il était fier. Et il y a été reçu comme un héros.
Tout cela tournait dans ma tête pendant ce bal auquel nous étions invités et pendant lequel je dansais dans les bras de mon futur mari. Mari !
Ce mot tournait dans ma tête pendant que je m’amusais avec lui. Je voulais profiter de chaque instant de bonheur passé avec lui à Washington.
Il y avait cette angoisse en moi qui semblait le concerner qui ne me lâchait pas et que je n’aurait pas su encore expliqué.
Mais le malaise du sénateur m’a permis d’oublier pendant un moment cette angoisse. Il fallait que je le soigne. Il avait un problème cardiaque, il fallait qu’il se surveille et il avait l’air d’avoir tendance à trop en faire.
Cela me faisait penser à la proposition que j’avais reçue le matin-même au hall de l’hôtel où nous nous étions installés : celle de m’occuper d’être médecin à la Maison Blanche. Je n’y pensais pas réellement. En effet, je me plaisais à Colorado Springs.
Néanmoins, cette proposition était à étudier sérieusement, étant donné que c’était une proposition du Président américain, mais je savais que cela remettait tout en cause en ce qui concernait nos projets avec Sully.
Je savais qu’il était resté à Colorado Springs pour moi et je le voyais mal accepter de vivre à Washington, d’autant plus maintenant qu’il commençait à construire une maison pour les enfants et moi et je n’envisageais pas de changer de vie.
Après tout, j’aimais Colorado Springs autant que lui. Mais la discussion avait tourné court quand nous en avions parlé avec les enfants dans l’après-midi et il voulait pas que j’accepte cette proposition.
Avec le malaise du sénateur, je voyais que je pouvais réellement être utile à Washington autant qu’à Colorado Springs. Mais je ne voulais rien remettre en cause et ma décision était prise dorénavant.
Il ne me restait plus qu’à l’annoncer à Sully qui en serait heureux.
Après une nuit courte et agitée, je suis descendue à la réception de l’hôtel et j’y ai retrouvé Sully qui payait sa note pour partir de Washington. Nous n’avions pas eu l’occasion de parler après la soirée de la veille, qui avait été mouvementée et pleine de rebondissements.
Je pense qu’il s’imaginait que j’allais accepter de devenir médecin à la Maison Blanche. Alors, j’ai pris mon courage à deux mains pour lui annoncer ma décision.
« Vous partez ? »
« Je n’ai plus rien à faire ici. »
« Monsieur, pourrai-je avoir ma note, s’il vous plaît ? » demandai-je au réceptionniste.
« Vous n’êtes pas obligée de partir. »
« Si vous partez, alors je pars aussi. »
« Vous ne devez pas partir à cause de moi. »
« Je ne pars pas à cause de vous mais pour vous. J’en ai assez, je veux rentré chez moi, à Colorado Springs. »
Je sais que cette phrase lui a fait très plaisir. Je n’avais aucune envie de le perdre maintenant que nous avions tant lutter pour être ensemble. Il a été soulagé, je l’ai senti quand il m’a pris dans ses bras.
Ainsi notre décision était la même. J’avais pourtant l’impression que rien n’était fini et qu’une surprise allait nous tomber dessus au dernier moment. Mon pressentiment refaisait surface au plus mauvais moment. Avec précipitation, nous nous sommes dirigés vers la gare pour partir au plus vite.
Bien sûr, il allait falloir que je me batte pour obtenir un droit de visite, et je savais que cela ne serait pas facile. Par contre, je n’avais pas de mal à imaginer la peine que devait ressentir Sully en étant enfermé entre quatre murs en prison.
Lui qui était libre devait avoir du mal à être à l’aise dans cette prison. Lui devait savoir pourquoi il était ainsi enfermé, mais je n’en saurai rien tant que je ne lui aurai pas parlé.
Les enfants aussi étaient anéantis de le savoir emprisonné et il était bien sûr hors de question que nous partions sans savoir le fin mot de cette histoire.
Nous avons donc pris la décision de rester à Washington pour réussir à comprendre.
Matthew avait bien compris mon désarroi face à cette affaire et je n’étais pas la seule à être triste et je voulais me battre. J’étais convaincue qu’il s’agissait d’une erreur mais Matthew n’avait pas l’air sûr que ce soit une erreur.
Je savais que son soutien me serait utile. Et je ne savais pas encore quand je pourrai voir mon fiancé pour de bon. J’avais envie de le voir pour le serrer dans mes bras et pour qu’il me prenne dans les siens. Tout me manquait à ce moment-là, ses bras, ses lèvres, sa gentillesse, sa présence …
Il fallait pourtant attendre le lendemain pour arriver à me faire entendre, pour obtenir un droit de visite que j’estimais nécessaire.

J’étais inquiète pour Sully. Il devait en effet avoir commis un acte dont il n’était pas fière. Il allait être traduit en cours martiale. Mon cœur battait alors que nous regardions les enfants et moi par-delà les fenêtre de la prison. Il était coupable de désertion.

Les larmes me montèrent aux yeux quand je le vis sortir de là et qu’ils lui retirèrent ces grades et dépossédés de ses droits. Je sentais sa tristesse et je savais qu’il était dépassé par tous ces événements qui lui tombaient sur les épaules. Il allait être fusillé le lendemain. Je ne pouvais pas rester les bras croisés. Le président Grant était ma dernière chance pour le sauver.

Brian connaissait un passage secret pour que je puisse lui parler en toute sécurité sans me faire remarquer. Il est vrai que j’avais pu compter sur l’aide des enfants qui m’aidèrent du mieux qu’ils purent.

Je savais qu’ils voulaient eux aussi tout faire pour sauver Sully. Cette manière de s’introduire dans le cabinet du président était un peu osée mais il fallait faire quelque chose.

Lui seul pouvait éventuellement faire quelque chose. Le président ne voulait pas faire d’exceptions pour continuer à être respecté par l’Armée. Je voulais qu’il le sauve d’une mort certaine et il a accepté de l’emprisonner à perpétuité.

 

Sully était triste d’avoir cette décision. Il perdait espoir. J’avais besoin de savoir ce qu’il s’était passé. J’ai compris la force de mon amour pour moi et du mieux pour lui.
Il s’était engagé à Saint-Louis. C’était un tireur isolé. Un commandant confédéré qui faisait des obus explosifs était sa première cible. On l’avait trompé en lui disant que de nombreuses personnes seraient sauvées s’il le tuait. Il ne savait pas que cet ordre lui avait été donné pour détruire un homme d’affaires pour que son concurrent bénéficie du contrat d’armement.
La visite se terminait. Ses mains n’avaient pas lâché les miennes durant tout le long de son explication. Je savais qu’il m’avait dit la vérité. J’ai été voir Parker qui disait qu’il fallait consulter les archives pour connaître tout.
En tout cas, on m’en voulait et à Parker aussi pour ce que nous essayions de faire. Sully devait être transféré le soir-même. Il y a eut un traquenard. Des tirs ont fusé d’une voiture qui fit surface d’un seul coup et le général Parker a été blessé.
Il fallait donc que je mette les enfants en sécurité pour qu’ils ne soient pas en danger à Washington. Il fallait que je sois seule car j’avais un plan en tête pour essayer de sauver Sully. J’ai confié une lettre à Matthew pour qu’il la donne à Dorothy en arrivant à Colorado Springs.
Et nous avons mis notre plan en place.

 

Sully est monté à l’arrière du convoi qui devait transférer Sully dans une autre prison. Je le conduisais en ne sachant pas si j’arriverai à y parvenir ou pas. Mais nous avons réussi à nous cacher dans Murder Bay. J’étais si contente d’être en face de Sully, d’avoir réussi à le faire s’échapper. Mais les soldats sont arrivés et nous avons fui aussi vite que possible en nous cachant où nous pouvions. Une dame nous a montré un endroit où des planches bougeaient et nous a aidé. Nous voulions d’autres vêtements. Nous ne sentions pas bien dans ceux que nous portions.
Je ne savais pas que Matthew et Colleen allaient lire la lettre que j’avais écrite à Dorothy, mais je l’ai compris plus tard. Leurs regards avaient parlé pour eux quand nous nous sommes retrouvés.
Nous avons consulté les archives pour voir s’il y avait un document pour innocenter Sully. Nous sommes donc rentrés dans la Maison Blanche en passant par le passage secret que Brian m’avait fait voir.
Il s’agissait d’une drôle de manière d’intervenir pour essayer de sauver le président mais nous ne voulions pas qu’il lui arrive malheur. Nous l’avons fait ensemble, c’est vrai que Sully avait pris de sacrés risques pour rentrer. Il risquait à nouveau la peine de mort.

 

Je crois que ça faisait partie de lui, ce besoin de sauver la vie à quiconque était en danger même s’il devait lui-même se mettre en danger. Le tireur sur le toit était prêt à tirer surtout que le président avait ouvert la fenêtre.
Sully a sauté sur lui pour le sauver mais a été assommé parce que les gardes croyaient que c’était lui qui en voulait au président. Ils ont attrapé le papier et le président a demandé à lire le papier.
Grant était victime d’une conspiration contre lui. Ils voulaient le tuer. Je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour que cela soit réglé en notre faveur.
Le Sénateur Stewart a été arrêté ainsi que l’inspecteur Simpson. Nous étions sauvés car Sully avait sauvé la vie du président qui voulait nous gracier des charges qui pesaient sur nous. Les enfants nous ont rejoints à ce moment-là.
J’ai compris qu’ils avaient lu la lettre que j’avais écrite quand j’ai regardé Matthew dans les yeux. Nous ne savions pas où nous pouvions passer la nuit. En effet, j’avais payé mon logement jusqu’à ma décision d’aider Sully à s’évader.

 Tout cela s’était passé dans une rapidité étonnante mais cela avait été en même temps long de réaliser que Sully était enfin libre de ses actes. Nous étions maintenant assis tous deux sur deux fauteuils mais nous avions du mal à défaire nos regards l’un de l’autre. Depuis que Sully avait été arrêté pour désertion, je n’avais pas espéré un seul moment que nous pourrions à nouveau être ensemble. J’avais bien fait de ne pas l’écouter quand il m’avait repoussé.
Mais je le comprenais, car j’aurai certainement fait pareil à sa place. Il s’en voulait de ce qu’il avait fait après la mort d’Abigail. D’ailleurs, il avait encore des remords, je le lisais dans ses yeux bleus. Il était très ému, même pas loin de pleurer si j’en croyais la lueur que je voyais dans son regard, et j’étais dans la même émotion que lui.
Pendant quelques jours, ce que nous avions tous les deux cru perdre redevenait réalité en nous. Avec la liberté de Sully, notre mariage redevenait d’actualité.
Mais j’avais le sentiment que cette nouvelle épreuve que nous venions de traverser nous avait soudé plus qu’avant. Mon cœur s’emballait et j’en venais à me demander si ce que je ressentais était naturel ou non.

 

Comment aurais-je pu le savoir ? Je n’avais jamais ressenti cela de ma vie et je ne pouvais pas poser une telle question à Sully, ni à quelqu’un d’autre. Était-ce normal que je ressente cela ? Était-ce normal que j’ai envie de me retrouver dans ses bras pour qu’il me serre contre lui et qu’il me couvre de baisers ? À ce moment, je crois même que j’avais envie de faire l’amour avec lui ! Mais c’était quelque chose que je ne lui aurai avoué pour rien au monde.
Ce n’était pas quelque chose que je pouvais dire à mon fiancé sans paraître dévergondée, surtout après la comédie que je lui avais joué sur les poèmes de Walt Whitman.
Mais cette épreuve avait tout changé en moi. Les enfants étaient auprès de nous, soulagés de nous voir à nouveau ensemble.
Pour eux aussi, les choses n’avaient pas été faciles car il avait déjà fallu tout quitter pour aller à ce congrès, une idée que j’avais eue !
Si j’avais su ! Personne ne pouvait deviner, paraît-il mais je ne pouvais pas m’empêcher de culpabiliser. Personne ne pouvait penser que cette histoire du passé allait ressurgir en venant à Washington.