Chapitre 67 : Le moment arrive

Sully avait comme l'impression que sa femme venait de lui mentir sur son état actuel. Elle semblait vraiment mal à l'aise mais il ne savait pas comment l'aider.
Il y avait ce doute en lui. Il avait besoin de savoir si Michaëla allait bien pour de bon.
Son cœur de futur papa fit un bond quand il vit qu'elle se levait.
« Où vas-tu ? »
« Prendre un bain, pourquoi ? »
Il ne comprenait pas la raison pour laquelle son épouse voulait prendre un bain à cette heure-ci, mais il décida de se lever et de la suivre, alors que ce pressentiment qu'il avait depuis quelques heures ne partait pas.
Il se sentait coupable de l'état de sa femme. C'était à cause de lui qu'elle avait dû marcher avant et qu'elle n'était pas bien. Le peu qu'il pouvait faire était maintenant de veiller sur son bien-être. Il s'occuperait donc de tout son confort.
Ce fut lui qui fit couler l'eau du bain et il aida Michaëla à se glisser dans la baignoire en essayant de capter une fois de plus son regard pour avoir des réponses à ses questions silencieuses. Mais il n'en trouva aucune.
« Si tu me disais réellement ce qu'il se passe ! »
« Tu ne devrais pas marcher, ta cheville ne va pas guérir si tu ne t'écoutes pas les ordres de ton médecin. »
« Ne changes pas de sujet, tu veux ! Je te parle de toi, pas de moi. Dois-je deviner ce qu'il se passe ? Il s'agit du bébé ? »
« Peut-être, je ne sais pas ! »
« Tu as des contractions ? »
« J'en ai déjà eu cette semaine et cela n'a eu aucune conséquences sur notre bébé. C'est pour cela que je prends un bain. »

« Pourquoi ça ?! »
Question idiote, pensa-t-il. En effet, il avait déjà entendu dire que les femmes sur le point de donner la vie le faisait pour savoir, s'il s'agissait vraiment de cela ou d'une fausse alerte. Donc, Michaëla cherchait à savoir si leur fille allait naître ou non.
Il n'avait pas à s'inquiéter pour l'instant car rien n'indiquait vraiment qu'elle allait accoucher maintenant.
Il pensa à l'ironie de la situation et de ce qu'ils avaient parlé la semaine précédente. Malgré les souffrances de l'accouchement à venir, Michaëla ne voulait pas de péridurale.
À cause de son expérience malheureuse, elle avait peur de recourir à l'anesthésie et elle voulait ressentir toutes les contractions pour être sûre que tout se passera bien.
Il se secoua, il ne fallait pas qu'il pense à cela et qu'il se concentre sur sa femme qui avait besoin de lui. Avec des gestes tendres, il passa une éponge sur le corps de son épouse.
« Ça fait du bien ? »
« Oui, ça me détend, surtout grâce à tes gestes. »
Il se pencha pour l'embrasser sur la bouche mais il s'arrêta au dernier moment quand une pensée lui vint.
« Je suis désolé d'être parti comme ça sans te laisser l'occasion de t'expliquer. À cause de moi, tu as dû venir jusqu'ici et faire toute cette marche à pieds. »
« Je n'ai pas eu besoin de tant marcher que ça. Ne te sens pas coupable. Rien n'indique que ... »
Elle se stoppa au moment où une autre contraction vint lui couper la respiration.
« Elle n'est pas plus forte que les précédentes, mais je ferai certainement mieux de sortir de là. » Dit-elle.
Il l'aida à sortir, à se sécher, et à mettre une robe ample et ils se dirigèrent vers le lit. Elle n'eut pas le temps d'arriver jusqu'au lit qu'elle se figea sur place quand un liquide coula entre ses jambes.
Sully entoura sa femme dans ses bras quand elle se cramponna à lui. La flaque d'eau qu'il y avait sous elle était assez conséquente sans même qu'elle lui dise ce qu'il se passait. Sans un mot, il la soutint pour la guider vers le lit.
Elle se laissa conduire, ne sachant pas comment engager la conversation et surtout rassurer Sully.
Dès qu'elle fut allongée, Sully chercha son portable mais il fut déçu quand il vit qu'il était éteint et qu'il ne se rallumait pas. Il n'avait plus de batteries.
« Tu as pris ton portable ? »
« Non, je l'ai laissé à la maison. Je pensais que nous pourrions partir tout de suite. »
« C'est de ma faute, encore une fois. »
« Non, le bébé a juste décidé de sortir et nous ne pouvons rien y changer. Étant donné que ton portable n'a pas assez de batteries, je crois que nous allons devoir nous débrouiller seuls. »
« Tu veux que je t'aide ? » Demanda Sully d'un air ébahi.
« Oui. Je ne peux pas marcher jusqu'à la clinique de Nuage Dansant et je ne me vois pas me débrouiller toute seule. Il faut que tu m'aides. »
« Nous n'avons pas le choix. »
Il s'assit aux côtés de sa femme et prit sa main dans la sienne.
« Je ne sais pas si j'y arriverai, Sully. Je ne sais pas si j'aurai la force. »
« Si, tu l'auras. Tu es la femme la plus forte que je connaisse. J'avais juste imaginé les choses autrement. Oiseau Blanc aurait été là à t'aider et je serai resté à tes côtés à t'encourager. »
« Je crois que la question de la péridurale ne va plus se poser. » Dit-elle presque en souriant mais son sourire se transforma vite en grimace sous l'effet d'une contraction.
« Je ne pensais qu'elle se déciderait aujourd'hui. » Dit-elle.
« Si elle commence déjà à n'en faire qu'à sa tête, je crois que nous aurons fort à faire. » Plaisanta Sully.
« Oui, je le crois. »
Elle ferma les yeux sous l'effet d'une nouvelle contraction. En tant que médecin, elle savait très bien que la perte des eaux accéléraient le processus de l'accouchement mais elle ne se sentait pas prête.
Sully avait bien sûr compris tous les doutes en la regardant mais il ne se sentait pas forcément l'âme d'une sage-femme. Il aurait préféré qu'elle soit sous la responsabilité d'Oiseau Blanc, en qui il avait toute confiance, plutôt que sous la sienne à lui.
Il n'avait pas le choix, comme il l'avait dit, mais il ne savait pas comment il allait pouvoir attraper le bébé sans trembler.
Le silence avait empli la pièce alors que Michaëla endurait des contractions plus fortes et qu'elle se retenait de crier pour ne pas faire peur à son mari.
Mais, étant donné l'intensité des contractions, ainsi que la rapidité du travail, elle savait qu'elle ne pourrait pas se retenir longtemps.
Sully avait plongé ses yeux dans les siens. Il suivait chacune de ses souffrances silencieuses mais il ne connaissait pas la manière de les réduire.
Trois heures passèrent ainsi sans aucune parole ni aucun cri. Mais Michaëla n'en pouvait déjà plus et elle se mit à pleurer quand une contraction très forte et douloureuse la prit.
« Je n'y arriverai jamais. Dit-elle entre ses dents serrées. J'ai trop mal et je suis trop fatiguée. »
« Tu es la plus forte des femmes. Je sais que tu y parviendras. »
« Oh, non, encore une autre ! »
« Si tu dois crier, cris, c'est mieux que de le garder à l'intérieur. »
Prenant son mari au mot, elle laissa échapper un long cri de douleur, qui en aurait effrayé plus d'un, sauf Sully, bien décidé à la laisser faire comme elle le voulait.